Vladimir Poutine n’avait encore jamais entendu son ancien interlocuteur de la Maison Blanche s’exprimer de cette façon. «Poutine ne nous raconte que des bullshits (des bêtises)! Je suis très en colère contre lui», a pesté ce jeudi le président américain Donald Trump. Au téléphone, le président russe reste courtois, mais selon Trump, ses promesses sont «creuses».
Un tout nouveau ton de la part de Washington. Mettre rapidement fin à la guerre, Trump dit l'avoir toujours voulu. Mais les négociations semblent être plus corsées que prévu avec son «pote» Vladimir. Les raisons qui ont poussé le président américain à opérer un changement de cap radical en faveur de l’Ukraine deviennent de plus en plus évidentes. Ce qui l’est moins, en revanche, c’est le discours de Volodymyr Zelensky prononcé lors de la conférence sur la reconstruction de l’Ukraine à Rome.
Dans la capitale italienne, le président ukrainien et son épouse Olena Zelenska ont décrit les effets dévastateurs des frappes nocturnes sur Kiev. Rien que dans la nuit de mercredi à jeudi, les forces russes ont lancé 741 missiles et drones sur la capitale ukrainienne. «Nous ressentons cette destruction au plus profond de nous-mêmes. 80% des Ukrainiens vivent dans un état de stress constant», a déclaré Olena Zelenska.
Pendant ce temps, Donald Trump n'était pas à Rome, mais à Washington, où il a annulé la suspension des livraisons d’armes pourtant décidée par son ministre de la Défense Pete Hegseth. Dans la foulée, il a promis à Kiev de nouvelles armes défensives. Il y a cinq explications possibles à cette volte-face belliqueuse du président américain.
Recevoir le prix Nobel de la paix
Le président américain a déjà souligné à plusieurs reprises qu'il se considérait comme le digne détenteur de cette prestigieuse distinction. Lundi, le sujet a pris un nouvel élan lorsque le chef du gouvernement israélien Benjamin Netanyahu a nommé Trump pour le prix.
La décision de savoir qui recevra le prix le 10 décembre prochain est entre les mains d'un comité norvégien. Et une chose est sûre: sans un soutien rapide et redoutablement efficace à l'Ukraine, le président américain peut tout de suite faire une croix dessus.
Ses sénateurs le pressent
Lindsey Graham, grand ami de Trump, partenaire au golf et sénateur républicain de Caroline du Sud, a élaboré un projet de loi prévoyant de nouvelles sanctions sévères contre la Russie.
Soutenue par plus de 80% des sénateurs américains, ce plan constitue un record absolu dans un Washington très divisé. La loi devrait être votée avant la fin du mois de juillet.
La mission en Iran
Selon l'ancien vice-président de Trump, Mike Pence, les isolationnistes qui voulaient dissuader Trump d'attaquer l'Iran et l'inciter à stopper les livraisons d'armes à l'Ukraine se sont largement tus depuis quelques semaines.
Dans une interview accordée à CNN, Pence a laissé entendre que le président s'était laissé convaincre par le succès de la «mission marteau» contre l'Iran. A ses yeux, les armes américaines – qu'elles soient entre les mains de pilotes d'avions de combat américains ou de soldats ukrainiens – sont la voie toute tracée vers la «paix».
La mort des enfants
En avril 2017, Ivanka Trump avait montré à son père des photos de filles et de garçons syriens tués par une attaque au gaz toxique du régime Assad. Ni une ni deux, Trump avait alors réagi immédiatement en bombardant des dizaines de positions militaires syriennes.
Vendredi, le journal préféré de Trump, le «New York Post», a affiché en première page la photo du petit Dmytryk, âgé d'un an, qui a été pourchassé et tué par un drone russe alors qu'il jouait dans la cour d'une maison à Cherson.
De tels destins individuels semblent l'émouvoir davantage que les milliers de civils et de soldats tués depuis le début de la guerre en Ukraine.
Détourner l'attention du dossier Epstein
L'histoire de la prétendue liste de clients du prédateur sexuel Jeffrey Epstein pourrait être très dangereuse pour Trump. Plusieurs collaborateurs de Trump, dont le chef du FBI Kash Patel et la ministre de la Justice Pam Bondi, avaient répandu avant son investiture la théorie du complot selon laquelle Epstein aurait tenu une liste secrète d'hommes puissants à qui il aurait fourni des filles pour des services sexuels.
Aujourd'hui, l'équipe du président américain affirme que cette liste n'existe pas. Mais la rumeur est déjà bien installée et Trump a urgemment besoin d'une nouvelle grande histoire pour détourner l'attention.
Il veut annoncer «un message important» sur la Russie lundi prochain. Et pour une fois, l'Ukraine a de bonnes raisons d'espérer que Washington ne se contentera pas de souffler de l'air chaud en direction de Moscou.