Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a de quoi jubiler. Et pour cause. Donald Trump a incontestablement tourné le dos à Vladimir Poutine. Pour la première fois, le président américain a même exprimé son intention de fournir à Kiev du matériel militaire qui ne figurait pas dans les aides prévues par Joe Biden. Parmi ces livraisons: un système de défense antimissile. Patriot et «d’autres armes défensives», selon les dires du républicain.
Reste à savoir si ce revirement spectaculaire se confirmera sur le long terme, ce qui marquerait un véribable tournant dans le conflit. Une chose est sûre: à l'heure qu'il est, l'égo de Trump joue clairement en faveur de Zelensky. Ce changement de cap a une origine bien précise. Depuis son appel téléphonique du 3 juillet dernier, Trump est furieux contre Poutine, lequel se refuse à tout accord de cessez-le-feu. Pire, la Russie a dernièrement intensifié ses attaques.
Selon Volodymyr Zelensky pas moins de 400 drones et 18 missiles ont été lancés sur Kiev dans la nuit de mercredi 9 au jeudi 10 juillet. La nuit précédente, l'Ukraine avait déjà été ciblée par 728 drones et 13 missiles, soit les pires frappes aériennes depuis le début de la guerre, selon les autorités.
«Poutine raconte des conneries»
De son côté, Trump semble profondément agacé par cette poursuite des hostilités, si bien que son discours à l'égard du Kremlin a changé du tout en l'espace de quelques semaines. Lors de la visite de Zelensky à la Maison-Blanche, le 28 février dernier, le président américain prenait encore la défense de Poutine, rejetant la responsabilité de la guerre sur l'Ukraine.
Trois moi plus tard, un premier changement de comportement s'est manifesté, lorsque Trump a déclaré que Poutine était devenu «complètement fou.» Mais cette semaine, il est allé encore plus loin: «Poutine nous raconte beaucoup de conneries, si vous voulez la vérité. Il est tout le temps très gentil, mais là, ce qu'il dit n'a aucun sens», a-t-il asséné en présence de journalistes.
Difficile de croire que la colère du président américain n'est pas sincère. «Trump semble de plus en plus convaincu que Poutine ne le traite pas d’égal à égal», déclare pour Blick Philipp Adorf, spécialiste du Parti républicain à l’Université de Bonn, en Allemagne.
Un Trump humilié, et fâché
Son lui, Trump considère que sa promesse de mettre fin à la guerre est mise à mal par le manque de coopération de Moscou. «Cela mine non seulement sa crédibilité de négociateur hors pair, mais risque aussi de le faire passer pour impuissant aux yeux de l’opinion», poursuit l’expert
Pour Kiev, ce changement de ton de Washington est d'une importance capitale. C'est en tout cas ce qu'estime Marcel Berni, expert en stratégie à l’Académie militaire de l’EPFZ: «Les Européens ont certes renforcé leur soutien ces derniers mois, mais l’Ukraine reste extrêmement dépendante du matériel militaire et technologique que seuls les États-Unis sont en mesure de fournir.»
L'Ukraine joue un rôle mineur
Avec la reprise des livraisons américaines de missiles Patriot, de munitions, de pièces détachées et d’armement, l’Ukraine peut renforcer sa défense aérienne. Or, celle-ci a été mise à mal ces derniers mois. Les Russes ont ainsi réussi à frapper des cibles sur l’ensemble du territoire ukrainien, tout en grappillant du terrain à l’est.
Mais une incertitude demeure: dans quelle mesure ces livraisons américaines seront-elles suffisantes et durables? Et surtout, Donald Trump ira-t-il jusqu’à s’impliquer directement dans le conflit? Selon CNN, l’ex-président aurait déjà brandi cette menace il y a plusieurs années. En pleine campagne électorale l’an dernier, il aurait déclaré à ses donateurs avoir menacé Vladimir Poutine de «bombarder Moscou jusqu'à la mort» s'il mettait les pieds en Ukrain.
Une intervention américaine demeure toutefois hautement improbable. Ce revirement de Trump à l’égard du Kremlin pourrait certes inciter certains élus républicains à soutenir des sanctions plus dures, estime Philipp Adorf. Mais dans l’électorat conservateur, l’Ukraine ne constitue pas une priorité. «On ne peut pas s’attendre à un engagement militaire américain aussi poussé que lors des frappes contre le programme nucléaire iranien», conclut l’expert.