Leur dernier entretien téléphonique remonte au 3 juillet. Donald Trump a-t-il compris ce jour-là, dans son Bureau ovale, que Vladimir Poutine entendait poursuivre jusqu’au bout la guerre en Ukraine, pour atteindre ses objectifs? C’est probable. Tout comme il semble certain que les frappes russes à répétition sur Kiev et des cibles civiles aient exaspéré le président des Etats-Unis.
Comment ne pas apparaître faible, et surtout à côté de la plaque, en proposant un «deal» à un chef de l’Etat qui mène, en Ukraine, une politique de destruction massive? Changement radical de stratégie désormais. S’il tient parole après ses annonces du lundi 14 juillet à la Maison Blanche, Donald Trump va arrêter de courir après une rencontre en tête-à-tête avec son homologue russe.
C’est au maître du Kremlin de faire le premier pas. Et cela doit avoir lieu dans les 50 prochains jours, faute de quoi tous les partenaires commerciaux de la Russie seront frappés de tarifs douaniers à 100% pour leurs produits exportés vers le marché américain. Une menace très sérieuse pour les pays émergents d’Asie du sud-est, mais aussi pour la Chine, l’Inde ou la Turquie, ce membre de l’OTAN qui n’a jamais adopté les sanctions occidentales contre son voisin russe.
Le dos au mur, vraiment?
Et Vladimir Poutine? Se retrouve-t-il vraiment le dos au mur après ce retournement de Trump, dont on connaît la capacité à bifurquer, voire à revenir en arrière, s’il estime qu’un meilleur «deal» est possible? La réponse dépend de trois facteurs. Et aujourd’hui, tous plaident plutôt pour une Russie fidèle à sa stratégie: enlisement diplomatique d’un côté, et progression militaire de l’autre.
Le premier facteur est l’entêtement du président russe. Il ne faut surtout pas négliger cet aspect. Le tempérament de Poutine est à l’opposé de celui de Trump. Le président des Etats-Unis raisonne à court terme, à coups de «deals», en menaçant ses adversaires et partenaires pour les forcer à négocier. Poutine, lui, garde le même cap: obtenir une zone tampon entre l’OTAN et son pays, et imposer à l’Ukraine un statut de neutralité assez comparable au statut qui fut longtemps celui de la Finlande.
Relance de la guerre
Or, ce que vient de faire Trump, s’il tient parole, va dans le sens contraire. Washington est en train de relancer la machine de guerre ukrainienne. Dans sa logique meurtrière, Poutine risque donc de profiter des semaines qui viennent pour donner le plus de coups de boutoirs possible à ce pays dont il nie l’existence. A force de taper fort, les défenses ukrainiennes déjà fragilisées pourraient céder.
Deuxième facteur: Poutine garde des alliés à Washington, y compris dans le camp Trump. Il peut aussi miser sur la frustration, voire la colère des partenaires commerciaux des Etats-Unis, en particulier au sein des pays du sud global déjà frappés par une forte augmentation des tarifs douaniers.
L’administration Trump va en plus se retrouver en difficulté: comment espérer négocier de bons accords commerciaux avec des pays qui redouteront logiquement de futures sanctions, parce qu’ils commercent avec la Russie et qu’ils considèrent que ce conflit ne les concerne pas? La multiplication des bourdes diplomatiques de Trump, sa rudesse envers certains dirigeants africains, son obsession des contrats et des gros chèques, tout cela laisse de la marge à Poutine pour trouver des parades.
Le jeu des puissances
Le troisième facteur est européen. La Russie vient d’être présentée par Emmanuel Macron et par le chef d’état-major français comme une menace très sérieuse contre la France. Un rapprochement en matière de défense doit être annoncé ces jours-ci entre Londres et Berlin. L’idée d’un «pilier européen de l’OTAN» poussé par la France, est remise sur les rails.
Or, la Russie n’a aucun intérêt à voir les Européens prendre leur sécurité en main et gagner en autonomie par rapport à Washington. Poutine, comme Trump, pense que trois grandes puissances ont voix au chapitre et doivent tout décider entre elles: les Etats-Unis, la Russie et la Chine.
Cet argument peut amener Trump à faire machine arrière. Poutine sait, en somme, qu’il va devoir tendre la main pour calmer le jeu. Mais il conserve de nombreux atouts dans sa manche pour éviter un processus de paix qui ne lui donnerait pas satisfaction.