L'Europe livrée à elle-même
Vladimir Poutine joue avec les nerfs de l'OTAN… et Donald Trump le laisse faire

Le Kremlin étend sa guerre contre l'Ukraine à la Pologne. Après son attaque de drone dans la nuit de mardi à mercredi, l'OTAN se réveille et réfléchit à une réaction appropriée sans déclencher une escalade militaire.
Publié: 10.09.2025 à 21:34 heures
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Des avions de combat polonais et néerlandais sécurisent l'espace aérien au-dessus de la Pologne lors d'un exercice commun.
Photo: imago/Björn Trotzki
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Guido Felder

Le président russe Vladimir Poutine met l'OTAN à rude épreuve. Dans la nuit de mardi à mercredi, son armée a déployé une vingtaine de drones de combat iraniens Shahed en Pologne. Il est quasiment certain que cet envoi de missiles n'était pas dû à une erreur de guidage, mais qu'il s'agissait d'une manœuvre délibérée. 

La défense polonaise a réussi à identifier les drones et à les abattre. De son côté, l'OTAN a déployé des avions de chasse allemands, suédois et néerlandais, dans le cadre d'une «alerte de réaction rapide» pour sécuriser l'espace aérien. Reste à savoir comment l'OTAN réagira à cette nouvelle escalade russe.

Jusqu'à présent, seuls quelques drones isolés ont pénétré l'espace aérien polonais, peut-être parce qu'ils s'étaient égarés. Mais dans la nuit de mercredi à jeudi, les défenses aériennes polonaises en ont abattu plusieurs. Seul le village de Wyryki, à la frontière ukrainienne, a été endommagé par les débris.

Le pays est en état d'alerte maximale. Ce matin, le gouvernement a appelé les habitants à rester chez eux et suivre les consignes des autorités. Quatre aéroports ont été fermés temporairement.

Une provocation réfléchie

Même si le général de division biélorusse Pavel Muraveiko a affirmé sur Telegram que ces drones s'étaient «égarés» en Pologne lors d'une offensive contre l'Ukraine, les experts sont catégoriques: il s'agissait d'une attaque ciblée de Poutine pour défier l'Occident.

Marcel Hirsiger, expert en Europe de l'Est à la Haute école spécialisée du nord-ouest de la Suisse, déclare: «Il est peu probable qu'il s'agisse d'une coïncidence. C'est une provocation délibérée pour tester la capacité de réaction de l'OTAN sur le plan militaire et politique.» D'après lui, le régime russe est convaincu que l'alliance de défense et l'UE sont incapables de réagir de manière adéquate en cas d'attaque. 

Nul ne sait encore quelles étaient les cibles des drones. Ils ont peut-être été tirés au hasard pour tester la capacité de réaction de l'OTAN. Ralph D. Thiele, président de la Société politico-militaire allemande et président d'Eurodefense Allemagne, estiment que les drones pouvaient aussi servir à espionner les points de transit des fournitures militaires occidentales vers l'Ukraine.

Tout pour éviter les problèmes

La Pologne étant membre de l'OTAN, l'alliance de défense est aussi en état d'alerte. Comment va-t-elle réagir à cette attaque? L'alliance a défini l'incident comme un «acte d'agression sans précédent», mais pas comme une attaque armée directe contre les forces armées ou les infrastructures civiles polonaises. Marcel Hirsiger en conclut que l'article 5 – imposant à l'OTAN d'aider un pays attaqué et donc d'envoyer une réponse militaire – ne sera pas invoqué. «Cela mènerait directement à une guerre de la Russie contre l'OTAN.»

Mais l'alliance a quand même prévu de réagir. «Elle renforcera encore sa vigilance et ses capacités à prévenir les intrusions de drones», explique Marcel Hirsiger. Cette réaction pourrait inclure un renforcement des troupes et des systèmes de défense aérienne sur le flanc est, ainsi que de vives protestations auprès du Kremlin.

D'autres sanctions contre des Etats comme l'Iran – qui fournissent des drones et d'autres armes à la Russie – pourraient aussi tomber. En d'autres termes, au lieu de provoquer une guerre ouverte, l'OTAN privilégiera la dissuasion et la désescalade.

Mercredi, le Premier ministre polonais Donald Tusk a demandé une consultation en vertu de l'article 4 du traité de l'OTAN. Cet article stipule que les Etats membres doivent se réunir pour des consultations si un Etat membre détecte une menace extérieure pour son intégrité territoriale, son indépendance politique ou sa sécurité.

L'Europe livrée à elle-même

Et Donald Trump dans tout ça? Le président américain va-t-il enfin mettre en œuvre les sanctions annoncées contre la Russie et ses partenaires commerciaux? En tout cas, le député républicain Joe Wilson exige de Trump des sanctions immédiates et sévères ainsi qu'un soutien militaire accru à l'Ukraine. 

Mais les experts sont sceptiques face à cette hypothèse, précisant qu'il ne faut pas attendre de grand changement de la part de Trump. «Il abordera l'incident lors de son prochain entretien avec Poutine et le minimisera», prédit Ralph D. Thiele.

«Trump a réagi de manière très indécise à plusieurs reprises ces dernières semaines et devrait en faire de même dans cette situation», affirme Marcel Hirsiger. «L'Europe est livrée à elle-même dans cette guerre et doit apporter une réaction appropriée et opportune toute seule.»

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