Le message a sans doute été reçu 5/5 à Moscou. Avant même de poser le pied à La Haye, la capitale néerlandaise où s’est ouvert ce mardi 24 juin le sommet annuel de l’OTAN, Donald Trump s’est montré beaucoup moins ferme envers la Russie qu’envers l’Iran, frappé dimanche par les bombardiers furtifs américains.
L’article 5 du Traité de l’Organisation de l’Atlantique Nord – dont la Suisse n’est pas membre – peut, selon lui, «se définir de plusieurs façons». En clair: pas question de riposter d’emblée à toute attaque contre un pays membre de l’Alliance, comme le prévoit ce texte, socle de la défense mutuelle transatlantique depuis la création de l’OTAN en 1949.
Abandon des alliés
Difficile, en tout cas, de faire plus flou, et donc plus propice à une attaque russe en forme de test. «Donald Trump confirme qu’il est prêt à abandonner l’un de ses alliés en cas de frappe décidée par Poutine. Avant lui, tous les présidents des Etats-Unis ont eu pour doctrine «œil pour œil, dent pour dent», confirme à Blick un diplomate européen présent au sommet. La plupart des experts jugent possible, en marge de la guerre en Ukraine, une attaque de l’armée russe sur l’un des pays baltes, histoire de tester la défense de l’OTAN et, surtout, la détermination américaine. «Cela peut prendre des formes différentes. Un tir de missile isolé par exemple, ou une incursion brève sur le territoire d’un Etat-membre, poursuit notre interlocuteur. Or, si Trump laisse faire, cela voudra dire que la porte est ouverte pour Moscou.»
Le sommet de la Haye a été réduit au strict minimum. Sauf surprise, Donald Trump ne restera que quelques heures sur le sol néerlandais, juste pour participer au dîner des Chefs d’Etat ou de gouvernement mardi soir, pour dormir au Palais Royal à l’invitation du roi Wilhem-Alexander, puis pour être présent mercredi à la traditionnelle session du Conseil de l’Atlantique nord.
A chacun son (gros) chèque
Durant cette session, Trump devrait entendre les 31 pays alliés des Etats-Unis confirmer leur engagement à consacrer au moins 5% de leur produit intérieur brut (PIB) à leurs dépenses de sécurité d’ici 2035. Il pourra alors crier victoire sur le plan budgétaire et industriel, car une bonne partie de ses dépenses se traduisent déjà par une augmentation des commandes militaires européennes aux industriels américains.
La question, après ces propos de Trump sur l’article 5, est de savoir ce que les alliés vont obtenir en échange. Ils savent déjà que l’arrêt de l’aide militaire américaine à l’Ukraine est programmé, et qu’une interruption prochaine du partage de renseignements est probable. Le suspense plane d’ailleurs toujours sur une possible rencontre à La Haye entre Donald Trump et Volodymyr Zelensky, invité à une réunion hors sommet.
Lisbonne et les F35
Le locataire de la Maison Blanche estime-t-il que son pays n’a pas vocation à intervenir dans le cadre de l’article 5, jusqu’à un certain niveau de menaces? Considère-t-il que les pays incapables de dépenser les 5% du PIB pour leur défense – l’Espagne continue publiquement de contester cet objectif – justifient moins d’être défendus que les autres? Fait-il un lien entre le niveau de commandes de matériel américain et la protection accordée par les Etats-Unis? Un cas intéressant, à la veille du sommet, est celui du Portugal qui vient d’annoncer l’abandon d’achat d’avions F35 américains pour les remplacer par des Rafales françaises. Les autorités de Lisbonne seront-elles «punies» ?
Le plus probable est que Trump continue de faire ce qu’il maîtrise à la perfection: semer l’ambiguïté pour récolter un maximum de promesses de contrats, et ne pas s’en prendre à Vladimir Poutine – dont il a en plus besoin pour convaincre son allié iranien de négocier. L’OTAN, toujours indispensable pour la sécurité d’un Vieux Continent qui commence à se réarmer, devient en somme une assurance militaire à géométrie variable.