Une guerre de «12 jours». Une paix annoncée. Un succès militaire et diplomatique assuré. Donald Trump a déjà réglé la question iranienne, du moins à force de communiqués sur son réseau «Truth Social». «Le cessez-le-feu est maintenant en vigueur. Veuillez ne pas le violer. Félicitations à tous», s’est exclamé le locataire de la Maison Blanche un peu avant sept heures du matin, heure suisse, ce mardi 24 juin. Crédible? Reste maintenant à obtenir de l’Iran des preuves et un engagement ferme.
Le premier dossier sur lequel Donald Trump n’a pour l’heure apporté aucun élément tangible est l’état de destruction du complexe nucléaire militaire iranien. Selon le président des Etats-Unis et le Pentagone, les trois sites clés de Natanz, Ispahan et Fordo (où les centrifugeuses étaient protégées par 80 mètres de roches, sous la montagne) ont été «totalement détruits» par la vingtaine de missiles tirés depuis un sous-marin de l’US Navy dans le golfe Persique et les 14 bombes GBU 57 lâchés par des avions furtifs B2.
Des frappes décisives? A voir…
L’Agence internationale pour l’énergie atomique (AIEA) basée à Vienne n’est, pour sa part, pas aussi affirmative. Son directeur, l’Argentin Rafael Grossi a été plus nuancé. «Des cratères sont désormais visibles sur le site de Fordo, a-t-il expliqué. Compte tenu de la charge explosive utilisée et de l’extrême sensibilité des centrifugeuses aux vibrations, on s’attend à ce que des dégâts très importants aient été causés.» Mais «personne n’est en mesure à l’heure actuelle de les évaluer pleinement». Il semble acquis que le régime iranien a pu transférer dans un autre lieu, épargné par les attaques israéliennes et américaines, 408,6 kilos d’uranium enrichi à 60%. Si cet enrichissement se poursuivait jusqu’à atteindre 85 ou 90%, ces réserves pourraient permettre à l’Iran de fabriquer neuf armes nucléaires.
Donald Trump n’a pas non plus obtenu d’engagement clair de l’Iran à abandonner son programme militaire nucléaire. Or ceci est une condition absolue d’une paix durable. Pour rappel, le ministre iranien des Affaires étrangères, Abbas Araghchi, a réagi ce dimanche aux frappes américaines en les qualifiant de «grave violation» de la Charte des Nations unies, du droit international et du traité sur la non-prolifération des armes nucléaires. «L’Iran se réserve toutes les options pour défendre sa souveraineté, ses intérêts et son peuple», a-t-il ajouté. Avant de s’envoler pour Moscou où il a rencontré le président russe Vladimir Poutine. Lequel a réaffirmé son alliance avec le régime de Téhéran.
Nucléaire civil
La question du nucléaire civil est toujours, elle aussi, en suspens. Dimanche, le Secrétaire d’Etat américain Marco Rubio a gardé la main tendue vers Téhéran dans un entretien à Fox News: «Le régime iranien doit se réveiller et se dire OK, si nous voulons vraiment de l’énergie nucléaire (ndlr: à des fins pacifiques) dans notre pays, alors il y a un moyen de le faire. L’offre est toujours là, nous sommes prêts à leur parler demain.»
Troisième point sur lequel la paix annoncée par Trump bute sérieusement: l’abandon par l’Iran de ses menaces sur Israël. Pour Téhéran, l’Etat hébreu demeure encore le «petit Satan», l’allié des Etats-Unis au Moyen-Orient, qu’ils appellent le «grand Satan». A aucun moment depuis le début des frappes, le régime des ayatollahs n’a renié cette rhétorique. Téhéran n’a pas non plus pris position pour se dissocier de ses «alliés» engagés dans une lutte à mort avec Israël, à savoir le Hamas à Gaza, et le Hezbollah au sud Liban (même si le mouvement chiite n’a pas jusque-là riposté aux frappes contre l’Iran). La haine anti-Israël est un principe fondamental de la République islamique, alors que le régime du Shah entretenait, lui, de bonnes relations avec l’Etat hébreu jusqu’à la révolution de 1979.
Sanctions internationales
Quatrième sujet sur lequel Donald Trump n’a pas encore apporté d’éclaircissements: les sanctions internationales qui ligotent l’Iran depuis 2011, en rétorsion contre sa volonté d’acquérir l’arme atomique. Va-t-on vers une paix des vainqueurs, qui verrait l’Iran déposer les armes, autoriser le retour des inspecteurs de l’AIEA mais ne rien obtenir d’autre que la survie du régime, grâce à son étau policier et théocratique? Si oui, cela nous ramènerait à la situation qui s’installa en Irak après la première guerre du Golfe de 1991. Le régime dictatorial de Saddam Hussein était resté en place, sous sanctions. Cela ne l’avait pas empêché de continuer à réprimer sa population. Jusqu’à ce que douze ans plus tard, en mars 2003, les Etats-Unis décident de le renverser pour en finir.