Projet de putsch à Téhéran?
«Tout le monde sait que les jours de Khamenei sont comptés»

Israël appelle au changement de régime en Iran, Trump ravive les tensions. A Téhéran, des négociations secrètes sur la destitution d'Ali Khamenei auraient lieu. Les élites doivent désormais choisir entre guerre et paix.
Publié: 23.06.2025 à 21:57 heures
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Ali Khamenei était déjà considéré comme un homme très prudent avant les frappes militaires israéliennes et américaines.
Photo: AFP
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Daniel Kestenholz

Israël continue de viser un changement de régime en Iran, tandis que le vice-président américain J.D. Vance, après les premières frappes américaines contre l'Iran, a déclaré que les Etats-Unis ne sont pas en guerre contre le pays, mais contre le programme nucléaire iranien. 

Le secrétaire à la Défense américain, Pete Hegseth, a ajouté qu’il ne s’agit pas d’imposer un changement de régime à Téhéran. Les attaques sont «délibérément limitées».

Tard ce dimanche, le président Donald Trump a relancé le débat sur le changement de régime: «Si le régime iranien actuel n’est pas capable de rendre l’Iran grand à nouveau, pourquoi ne pas envisager un changement de régime?», a-t-il écrit sur Truth Social, ajoutant MIGA, pour «Make iran great again».

Trump tend une sorte de piège rhétorique sans appeler directement à renverser le régime. S’il est incapable d’améliorer le pays, un changement devrait être envisagé.

Un Guide suprême aux abois

Ni Trump ni Netanyahu ne s’illusionnent en pensant que les bombardements pourraient instaurer la liberté et la démocratie en Iran. Pourtant, des signes laissent entrevoir les premières fissures au sein du régime iranien. 

Les attaques américaines, menées tôt samedi matin heure locale, ont intensifié à Téhéran un débat de plus en plus ouvert sur l'avenir du pays et sur la question de la pérennité au pouvoir du Guide suprême, l’ayatollah Ali Khamenei. Des négociations secrètes auraient lieu en coulisses. L’Iran est confronté à un choix crucial entre guerre et paix, ainsi qu’à la question du rôle de Khamenei, dont la santé fragile inquiète à 86 ans.

C'est ce qu'explique Arash Azizi, historien réputé du Proche-Orient et maître de conférences à l'Université Yale, dans une analyse sur les événements actuels en Iran. L'exilé iranien, qui a reçu plusieurs distinctions académiques, a des liens directs avec Téhéran. 

Dans le célèbre magazine «The Atlantic», il écrit: «Dans les jours qui ont précédé l'intervention américaine, un groupe d'hommes d'affaires, de politiciens et de militaires iraniens, ainsi que des membres du clergé de haut rang, avaient commencé à élaborer un plan pour gouverner l'Iran sans Khamenei, en cas de décès du guide de 86 ans ou de sa destitution». C'est ce qu'auraient confié à l'expert deux sources impliquées dans les discussions.

Téhéran actuellement «pleine de complots»

Les «conspirateurs» se seraient mis d'accord pour qu'un comité de direction composé de quelques hauts fonctionnaires prenne la tête du pays et négocie un accord avec les Etats-Unis pour mettre fin aux attaques israéliennes. 

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Même si Khamenei reste en place, il n'aura pas de pouvoir réel
Arash Azizi, historien et maître de conférences à l'Université Yale
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Les discussions secrètes seraient délibérément divulguées dans l'espoir que cette révélation pourrait aider à évaluer la réaction régionale et internationale. Téhéran est actuellement «plein de complots de ce genre. Tout le monde sait que les jours de Khamenei sont comptés», a déclaré Arash Azizi. «Même s'il reste en place, il n'aura pas de pouvoir réel». 

Certains militaires impliqués dans les plans seraient déjà en contact régulier avec des représentants des grandes puissances occidentales et solliciteraient leur soutien pour un nouveau départ politique.

L'ancien président Hassan Rohani, qui n'a pas participé lui-même aux discussions, est apparemment envisagé pour jouer un rôle clé au sein de cet organe de transition. Ce religieux et homme politique a été président de l'Iran de 2013 à 2021 est connu pour être un modéré qui a négocié l'accord sur le nucléaire avec les puissances mondiales en 2015.

Un Khamenei «lâche»

Selon la Constitution iranienne, le «Conseil des experts», un organe composé de 88 membres du clergé, devrait approuver une destitution formelle du Guide suprême. Mais compte tenu de la situation tendue, cela semble actuellement improbable. Khamenei pourrait être évincé du pouvoir par des pressions politiques ou par la transmission du pouvoir à un successeur de transition.

«Depuis des années, Khamenei dirige son pays en scandant des slogans tels que 'Mort à l'Amérique' et 'Mort à Israël', tout en évitant de combattre l'un des deux Etats sur son propre territoire», écrit Arash Azizi. «Aujourd'hui, le territoire iranien est sous le feu des deux». Son attitude est considérée à la fois comme récalcitrante et prudente, «presque comme une lâcheté».

Pour sauver la face, l'Iran devrait réagir dans les prochains jours par une attaque plutôt symbolique. Mais le pays se trouve à la croisée des chemins: soit Téhéran escalade la guerre et risque l'hostilité des Etats du Golfe qui abritent des bases américaines, soit Téhéran vise un compromis historique avec les Etats-Unis, qui mettrait fin à des décennies d'hostilité. Les élites autour de Khamenei se demandent s'il doit être «mis de côté» pour le cas de guerre ou de paix, selon l'historien. 

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