Des négociations difficiles
Trump épargne notre industrie de l'or... et c'est très mauvais pour la Suisse

Donald Trump annule les droits de douane punitifs contre l'industrie suisse de l'or, et ce n'est pas une bonne nouvelle. Car les négociations avec le président américain seront encore plus difficiles. Explications.
Publié: 12.08.2025 à 19:01 heures
Partager
Écouter
1/5
La Suisse est une plaque tournante pour l'or dans le monde entier.
Photo: AFP
RMS_Portrait_AUTOR_209.JPG
Nicola Imfeld

Après plusieurs jours d’incertitude, les raffineurs d’or suisses peuvent enfin souffler: leurs exportations vers les Etats-Unis échapperont au coup de massue douanier de 39% annoncé par Donald Trump. Le président américain l’a confirmé lundi soir sur son réseau Truth Social.

A première vue, la nouvelle est excellente pour la Suisse, premier transformateur d’or au monde. Jusqu’à 70% du métal extrait sur la planète est fondu et affiné dans quatre raffineries du pays. Le secteur génère chaque année un chiffre d’affaires de 100 milliards de dollars, avec seulement 2000 employés. En 2024, l’or représentait même, selon la Banque nationale suisse (BNS), la première exportation du pays avec 27% du total, devant les produits pharmaceutiques.

Une mauvaise nouvelle?

En réalité, cette annonce pourrait plutôt désavantager la Suisse. Au premier semestre 2025, elle a expédié près de 500 tonnes d’or aux Etats-Unis, pour 39 milliards de dollars, contre 7 milliards d’importations. Si ces ventes avaient cessé sous l’effet des droits de douane punitifs, le déficit commercial bilatéral aurait fortement diminué, offrant un atout dans les discussions avec le président américain pour obtenir un allègement des taxes.

«Si les droits de douane américains continuent à se baser sur le déficit de la balance commerciale bilatérale, la disparition des exportations d’or suisses serait très utile», analyse Stefan Legge, expert en commerce à l’Université de Saint-Gall, auprès de Blick.

Il souligne toutefois qu’il n’est pas certain que ce soit le seul critère retenu, ni quelle formule sera appliquée à l’avenir. Il rappelle aussi que les exportations d’or vers les Etats-Unis sont quasiment retombées à zéro depuis avril 2025, la flambée du début d’année n’ayant été que temporaire.

Lourd déficit commercial

En 2024, le déficit commercial lié à l’or entre la Suisse et les Etats-Unis atteignait 5 milliards de dollars, soit environ 13% du déficit total de 38,5 milliards. Avec un Donald Trump attaché aux chiffres bruts et peu sensible aux subtilités économiques, la suppression des exportations aurait pu peser en faveur de la Suisse dans les négociations. Mais ce ne sera pas le cas: au contraire, les volumes records enregistrés début 2025 alourdiront encore le déficit cette année.

L’industrie aurifère n’est d’ailleurs pas à l’abri de critiques internes. Ce week-end, le conseiller national du parti libéral-radical (PLR) Hans-Peter Portmann déclarait au «Financial Times»: «Si un secteur nuit à l’ensemble de l’économie nationale et n’apporte pas de grande valeur à la Suisse, ni par les emplois ni par les impôts, il faut se demander si ce secteur doit payer pour les dégâts.»

Partager
Vous avez trouvé une erreur? Signalez-la