Est-ce du révisionnisme?
Tollé en Pologne après une publication israélienne sur l'étoile jaune

L'ambassadeur d'Israël a été convoqué par le chef de la diplomatie polonaise après un post sur X du mémorial Yad Vashem concernant l'imposition d'une étoile distinctive aux juifs. Pour Donald Tusk, il ne s'agit «peut-être pas d'une erreur».
Publié: 18:35 heures
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Dernière mise à jour: 18:36 heures
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le président de Yad Vashem, Dani Dayan, a affirmé lundi qu'il savait que la Pologne était sous occupation allemande.
Photo: keystone-sda.ch

Le chef de la diplomatie polonaise a annoncé lundi qu'il convoquait l'ambassadeur d'Israël après un post sur la plateforme X du mémorial Yad Vashem auquel Varsovie a reproché d'imputer à la Pologne l'imposition d'une étoile distinctive aux juifs du pays lors de l'occupation nazie en 1939.

Dans cette publication mise en ligne dimanche, Yad Vashem écrit, sans préciser qu'à cette époque le pays était occupé par l'Allemagne nazie: «La Pologne a été le premier pays où les juifs ont été forcés de porter un insigne distinctif, afin de les isoler du reste de la population.» Malgré de vives protestations des dirigeants polonais, «la publication trompeuse n'a pas été modifiée. J'ai décidé de convoquer l'ambassadeur d'Israël au ministère des Affaires étrangères», a écrit Radoslaw Sikorski sur X.

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Information «historiquement déformée»

Le texte ne dit pas que c'est la Pologne qui a imposé aux juifs l'étoile – jaune en France, bleue en Pologne –, mais de nombreuses voix dans le pays reprochent au mémorial d'avoir été à tout le moins imprécis. Le Premier ministre polonais, Donald Tusk, a même laissé entendre qu'il ne s'agissait «peut-être pas d'une erreur, mais d'une mauvaise intention».

Le porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Maciej Wewior, a également dit craindre un acte délibéré alors que «Yad Vashem prévoit d'ouvrir prochainement une antenne en Allemagne». «Nous espérons sincèrement que cette information fausse et historiquement déformée n'y est pour rien», a-t-il ajouté, sous-entendant que Yad Vashem s'efforçait de minimiser la responsabilité de l'Allemagne nazie aux dépens de la Pologne.

Yad Vashem se défend

Toujours sur X, le compte du mémorial d'Auschwitz – camp de concentration et d'extermination que les nazis avaient installé sur le territoire polonais occupé et où périrent un million de juifs européens entre 1940 et 1945 –, a rappelé que «c'était l'Allemagne qui a introduit et imposé cette loi antisémite».

Lundi, le président de Yad Vashem, Dani Dayan, leur a répondu sur le même réseau social: «La Pologne était en effet sous occupation allemande. Cela figure clairement dans nos documents. Toute autre interprétation quant à notre engagement pour l'exactitude est erronée».

De fait, le texte de Yad Vashem ajoutait: «le 23 novembre 1939, Hans Frank, le gouverneur du gouvernement général, a émis un ordre en vertu duquel tous les juifs de plus de 10 ans doivent porter à leur bras droit un brassard en tissu blanc de 10 centimètres de large marqué d'une étoile de David bleue». Dignitaire nazi surnommé «le bourreau de Pologne», Hans Frank a été condamné à mort au procès de Nüremberg et exécuté par pendaison en 1946.

Une publication «inacceptable»

A Varsovie, l'Institut national du souvenir (IPN), un organisme public chargé de documenter les crimes commis en Pologne par les nazis et le régime communiste, a qualifié d'«inacceptable» la publication de Yad Vashem mise en ligne dimanche. Dirigé par l'historien nationaliste Karol Nawrocki entre 2021 et 2025, jusqu'à son élection en juin dernier à la présidence de la république, l'IPN, doté de son propre parquet avec pouvoir de poursuites, avait décrété, en 2019, la criminalisation de tout propos public attribuant une responsabilité à la Pologne ou la nation polonaise dans la Shoah.

Cette réforme, qui selon ses détracteurs visait notamment des historiens travaillant sur la participation de Polonais à des pogroms, a été abandonnée après un tollé international. Pour autant, l'occupation nazie et la destruction des juifs d'Europe – mais aussi les massacres réciproques de civils polonais et ukrainiens de part et d'autre de la frontière dans les années 1940 – demeurent des sujets extrêmement sensibles en Pologne.

«Une époque de déformation de l'histoire»

Parmi les dizaines de réactions au post de Yad Vashem que l'AFP a pu lire sur X, aucune ne mentionne le fait que le Yad Vashem a inclus dans son post originel un lien hypertexte renvoyant à un article plus long et illustré de photos sur son site internet.

Cet article est titré: «Insignes juifs distinctifs que les juifs de Pologne étaient contraints de porter sur leurs vêtements sur ordre des autorités allemandes». L'Institut de recherche historique polonais Pilecki, basé à Berlin, a néanmoins appelé à employer «un langage précis (...) à une époque de déformation de l'histoire concernant la Seconde Guerre mondiale, l'Allemagne national-socialiste et l'Holocauste».

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