La guerre ne quitte plus Kiev. Dans la nuit de mercredi à jeudi, deux adultes et un enfant ont trouvé la mort lors d'une attaque russe de dix missiles Iskander. C'était la journée internationale des enfants, particulièrement célébrée en Ukraine.
Le journaliste ukrainien Denis Trubezkoi a tweeté: «Frappe aérienne numéro 19 de la vague actuelle sur Kiev.» En mai, en l'espace d'un mois, jamais autant de roquettes, de missiles de croisière et de drones n'avaient été tirés sur Kiev depuis le début de la guerre. Les attaques se sont également poursuivies ces dernières nuits.
Depuis que les Russes utilisent des projectiles plus modernes comme les missiles hypersoniques, le laps de temps entre le déclenchement de l'alerte et l'impact est de plus en plus court. Jeudi, les premiers missiles sont arrivés à Kiev cinq minutes seulement après que les sirènes ont retenti. La défense aérienne ukrainienne a néanmoins pu toutes les intercepter. Mais ce sont les débris qui ont fait des morts, des blessés et causé d'importants dégâts matériels.
Bloqués devant un bunker fermé
Situation particulièrement tragique, plusieurs personnes qui cherchaient à se mettre à l'abri jeudi se sont retrouvées devant des portes de bunker fermées. Un homme raconte à la chaîne locale Suspilne: «Quand l'alerte à l'attaque aérienne a commencé, nous nous sommes précipités vers un abri pour animaux. Mais personne ne l'a ouvert pour nous. Les gens ont pourtant frappé si longtemps. Il y avait des femmes avec des enfants parmi nous.» Sa femme est l'une des trois victimes.
Le maire de Kiev, Vitali Klitschko, est critiqué pour ne pas avoir mis en place un système de bunkers opérationnel depuis le début de la guerre. De son côté, ce dernier rejette la faute sur un chef de bunker incompétent et a ouvert une enquête pénale. Selon «Politico», les plaintes concernant des abris d'urgence fermés pour des raisons inexpliquées se multiplient.
«Je ne dors plus qu'avec mes baskets au pieds»
Les habitants de Kiev se préparent chaque jour à la nouvelle vague de bombes. Diana Khalimova, 38 ans, confie à Blick: «Je ne dors plus qu'avec mes baskets au pieds et j'ai préparé un sac pour pouvoir me mettre immédiatement à l'abri en cas d'alerte.» Dans son bagage, des documents, une batterie portable, de l'eau, du chocolat, des vêtements. Elle a recouvert les vitres de son appartement de bandes adhésives pour éviter qu'elles n'éclatent immédiatement en cas de secousses, et que des morceaux de verre ne volent dans tous les sens.
Dans la nuit de mercredi à jeudi, elle a été réveillée par le sifflement bruyant des bombes au-dessus de la ville. Elle a vu les projectiles passer au-dessus des maisons et être détruits par les missiles antiaériens. Il y a quelques jours à peine, son cousin de 37 ans était tombé au front à Bakhmout.
Vivre dans un parking
Avec son sac, elle a pris l'ascenseur du huitième étage jusqu'au sous-sol, où se trouve le parking. Ce lieu bétonné et froid est devenu son deuxième appartement et aussi son bureau. Elle n'y rencontre pas grand monde: sur les 300 appartements de l'immeuble, seuls 25 sont encore occupés.
Même si cela ne se voit pas tant elle garde son calme, elle vit dans la peur permanente. Elle habite en plus à proximité du quartier gouvernemental. Ces installations pourraient être la cible d'attaques russes.
Diana Khalimova vit aujourd'hui modestement. Elle ne peut plus avoir de voiture. Elle se contente de pain et d'autres aliments de base. Chaque soir, elle se retourne dans son lit et réfléchit à son avenir. Les bombes vont-elles aussi pleuvoir ce soir? Elle soupire: «Je suis heureuse de me rendre compte que je suis toujours en vie le lendemain, et de voir le drapeau ukrainien flotter au vent.»
Alarme mise en sourdine
Pour d'autres Ukrainiens, les attaques nocturnes sont presque devenues la routine. Dina Didenko, 45 ans, professeure d'allemand, a même mis en sourdine l'application d'alarme sur son téléphone portable. «Je fais confiance à notre défense aérienne», dit-elle à Blick. Au début, elle se rendait à chaque fois dans un bunker, mais depuis, son mari et elle descendent d'un étage et attendent entre les épais murs du couloir que les bombardements soient terminés.
Le plus grand problème, c'est la fatigue. «Souvent, je commence mon travail le matin avec un gros manque de sommeil», dit-elle. Lorsque des élèves arrivent en retard aux cours en ligne et s'excusent en disant «Désolé, je n'ai pas dormi», elle se dit simplement que l'essentiel est que tout le monde soit en bonne santé.
Une directrice des ressources humaines, Tatiana Kotscherewa, se réfugie toujours dans sa cave. Mais comme les assaillants russes attaquent avec des projectiles plus modernes, le temps ne suffit plus toujours après le déclenchement de l'alarme pour descendre les étages. «Nous nous mettons alors dans l'appartement qui est situé entre des murs épais et nous prions», dit-elle. Pour elle, la situation est presque pire aujourd'hui qu'au début de la guerre. «Nous sommes épuisés et nous avons peur pour les enfants», dit-elle.
Quitter Kiev? Pas question
Nataliia Woronina, 35 ans, employée de banque, a elle aussi confiance en Dieu et en son destin. «Chaque personne a un destin. Quand le moment est venu, l'endroit où tu te trouves n'a pas d'importance», dit-elle. Selon elle, la guerre l'a amenée à profiter de chaque instant. «Avant, je planifiais ma vie longtemps à l'avance, aujourd'hui, je sors simplement spontanément quand j'ai envie d'un café et de rencontrer quelqu'un.»
Malgré le bombardement russe permanent, presque personne ne veut quitter la capitale. «Nous avons ici notre famille et notre travail, explique Dina Didenko. Nous travaillons pour pouvoir soutenir notre armée.» Tatiana Kotscherewa est pour sa part optimiste. «Je pense que le calme reviendra bientôt.»