Plus les jours passent, plus une chose semble évidente: depuis le 18 novembre, toutes les informations concernant le plan américain censé mettre fin à la guerre en Ukraine doivent être maniées avec la plus grande prudence. Le document dont l'existence a été révélée la semaine dernière, a déjà été remanié à plusieurs reprises. Européens, Américains, Russes et Ukrainiens veulent continuer à le peaufiner.
Le projet initial a été élaboré par l'envoyé spécial de Poutine Kirill Dmitriev et l'émissaire de Trump Steve Witkoff en octobre à Miami. Un coup d'œil sur le document nous révèle une chose: Moscou est prêt à faire des compromis qui semblaient impensables il y a encore quelques mois. Le fait que Vladimir Poutine considère ce plan comme une «base possible pour une solution du conflit» mérite notre attention. Blick liste les points sur lesquels le Kremlin pourrait céder – et les raisons qui l'y poussent.
Taille de l'armée
Le plan en 28 points permettaient dans un premier temps à l'Ukraine de ne conserver que 600'000 soldats dans son armée. Il y a trois ans et demi, la Russie voulait encore réduire les forces armées ukrainiennes à 85'000 soldats lors des négociations d'Istanbul. Selon l'historien britannique Mark Galeotti, spécialiste de la Russie, il est de toute façon difficile d'imaginer que l'Ukraine puisse avoir plus de 500'000 soldats dans son armée en temps de paix.
L'OTAN
En 2021, Poutine a exigé que l'OTAN se retire complètement d'Europe de l'Est et que les anciens pays soviétiques comme le trio balte Estonie, Lettonie et Lituanie (aujourd'hui tous membres de l'OTAN) ne puissent pas pactiser avec l'Alliance. (A noter: Poutine n'a bien sûr pas à dicter en 2021 ou aujourd'hui à un quelconque Etat souverain les alliances auxquelles il adhère). Le nouveau plan ne demande plus le retrait de l'OTAN d'Europe de l'Est, mais uniquement la fin des négociations d'adhésion de l'Ukraine à l'OTAN.
L'Union européenne
En 2014, des centaines de milliers de personnes sont descendues dans la rue en Ukraine pour protester contre la ligne pro-russe du gouvernement. Moscou avait alors orchestré en coulisses la fin de l'accord d'association entre l'UE et l'Ukraine, qui aurait étroitement lié Kiev à Bruxelles. Mais selon le nouveau plan, le Kremlin ne s'oppose plus à l'adhésion de l'Ukraine à l'UE.
Enlèvement d'enfants
Depuis le début de la guerre, la Russie a enlevé bien plus de 20'000 enfants dans les territoires ukrainiens occupés. Pour ce crime, Poutine et sa responsable des droits de l'enfant, Maria Lvova-Belova, font l'objet d'un mandat d'arrêt international. Le plan prévoit le retour de tous les «prisonniers et otages civils», y compris les enfants, en Ukraine. Il n'est pas précisé si les enfants ukrainiens déjà adoptés de force par des familles russes seront concernés.
Avoirs gelés
100 milliards de dollars des avoirs russes gelés pourraient être utilisés pour la reconstruction de l'Ukraine – à condition que Bruxelles se déclare prête à injecter 100 milliards supplémentaires de ses propres fonds et que le reste des avoirs gelés soit débloqué. La Russie doit donc au moins cofinancer la reconstruction du pays détruit.
Centrale nucléaire de Zaporijjia
Les troupes russes occupent depuis des années la plus grande centrale nucléaire d'Europe. En vertu du nouveau pacte, les six réacteurs seraient gérés par l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) et l'énergie produite reviendrait pour moitié aux Russes et pour moitié aux Ukrainiens. La Russie serait donc prête à restituer, au moins en partie, un objectif conquis par la force.
Garanties de sécurité
Les garanties de sécurité que l'Ukraine doit recevoir ne sont certes pas formulées concrètement. De plus, ce mot est de toute façon un poison en Ukraine depuis la signature du mémorandum de Budapest en 1994. Mark Galeotti, spécialiste de la Russie, écrit toutefois dans le «Sunday Times» que les garanties militaires proposées par les Etats-Unis pour l'Ukraine offriraient presque la même protection qu'une adhésion à l'OTAN.
Souveraineté ukrainienne
Aujourd'hui encore, Moscou nie en partie la souveraineté de l'Ukraine. Poutine a par exemple qualifié à plusieurs reprises le pays voisin d'«Etat artificiel» et de «territoire russe». Le nouveau plan évoquerait néanmoins la reconnaissance, au minimum, d'un Etat ukrainien réduit mais souverain.
Le plan en un point de Sanna Marin
On peut se demander pourquoi le régime de Moscou se montre prêt à discuter au moins sur ces points. En fait, il est fort probable que Poutine ne puisse plus se permettre sa guerre indéfiniment. Les nouvelles sanctions contre les deux plus grands producteurs de pétrole russes, Rosneft et Lukoil, font mal. L'économie stagne.
Pour autant, difficile pour Kiev d'accorder le moindre crédit aux promesses russes. Poutine ment quotidiennement à son peuple et au monde: officiellement, la Russie n'est même pas en guerre. Et du point de vue européen, une seule solution serait réellement «bonne», selon la formule de l'ancienne Première ministre finlandaise Sanna Marin: que la Russie se retire immédiatement d'Ukraine et reste derrière ses frontières. Point.