La Suisse vient de recevoir une gifle commerciale de Donald Trump. Mais contrairement à l’Union européenne, la Confédération n’a pas capitulé, en acceptant avec le sourire une augmentation brutale des tarifs douaniers présentée comme un «bon deal». Telle est, en résumé, la perception de beaucoup d’Européens, après l’annonce des 39% de droits de douane imposés le 1er août par les Etats-Unis sur les produits helvétiques, avec effet le 7 août.
Vive la Suisse qui, au moins, n’a pas subi l’humiliation publique de devoir se satisfaire d’un accord déséquilibré et inégal? Ce scénario fait sourire les diplomates qui, eux, soulignent davantage la stupéfaction helvétique devant le refus de Donald Trump de conclure un accord avec Berne. Comme si le Conseil fédéral ne s’était pas du tout préparé à ce diktat, misant sur la proximité entre les deux pays, sur l’achat récent des avions F-35 et sur les 350 milliards de dollars d’investissements helvétiques aux Etats-Unis pour atténuer l’addition tarifaire et la rendre digeste…
Donald Trump aurait puni la Suisse
Une autre théorie, toutefois, est en train d’émerger après une journée chargée d’émotions, et alors que les milieux d’affaires suisses tirent le signal d’alarme sur la conséquence de ces tarifs: celle d’un «deal» caché entre Donald Trump et Ursula von der Leyen lors de leur rencontre du 27 juillet en Ecosse.
La présidente de la Commission européenne, consciente d’assumer une humiliation commerciale sans précédent, aurait insisté auprès de ses interlocuteurs américains pour que la Suisse, non-membre de l’UE et avec laquelle les 27 viennent de conclure des accords bilatéraux, soit moins bien traitée que le bloc.
Logique: imaginez que la Confédération s’en soit mieux sortie le 1er août, avec des tarifs plus avantageux ou même équivalents à ceux imposés à l’Union? La preuve aurait alors été faite que négocier à 27 n’apporte rien de plus que négocier tout seul. L’impact politique aurait été dévastateur.
La faute à un seul homme?
Ce scénario anti-suisse serait dû à un homme qui connaît Berne et ses négociateurs par cœur: le slovaque Maros Sefcovic, négociateur de l’accord commercial avec les Etats-Unis après avoir été l’homme du «deal» bilatéral entre l’Union et la Suisse. Le vice-président de la Commission européenne, présente juste à côté de sa patronne en Ecosse, aurait alerté sur le risque d’un «deal» helvétique trop avantageux.
«Il y avait déjà eu les 10% concédés par Trump au Royaume-Uni, sorti de l’Union. Si la Suisse avait obtenu à son tour un meilleur accord, cela virait à la provocation» explique à Blick un diplomate en poste à Bruxelles. L’intéressé reste anonyme pour une bonne raison: «Je ne veux pas que l’on accuse l’UE d’avoir fait punir la Suisse. Mais ça me paraît très crédible».
Pourquoi Trump aurait-il cédé à ceux qu’il venait d’humilier en leur imposant 15% de droits de douane sans aucune riposte (même si des négociations sont encore en cours pour finaliser la liste des secteurs exemptés ou moins taxés)? Parce que… Ça ne lui coûte rien. Contrairement à l’Union européenne qui dispose d’un instrument anti-coercition et qui avait préparé une riposte à hauteur de 93 milliards d’euros, la Suisse n’a aucun moyen de faire mal à l’économie américaine. Elle n’a aucun intérêt, non plus, à taxer les services numériques américains, comme le réclame la France pour l’UE. La Confédération fait donc une victime facile, et en plus utile si les 39% obligent les géants suisses de la pharma à baisser leurs prix aux Etats-Unis.
Un pays en otage
Maros Sefcovic aurait-il donc suggéré ce scénario catastrophe pour l’économie suisse? «Que le sujet ait été discuté entre les délégations me paraît certain. La Suisse est au cœur de l’Union européenne. Son économie est exportatrice. Elle vient d’obtenir un accès privilégié au marché européen. Voir Trump la cajoler aurait été insupportable, cela aurait rendu le «deal» européen encore plus invendable» poursuit notre interlocuteur.
Les 39% en revanche accouchent d’une situation qui convient mieux à l’Union. Berne, faute d’accord, va devoir réviser ses plans commerciaux et privilégier son partenariat avec l’UE, à la veille d’une campagne référendaire difficile sur les futurs accords bilatéraux. La Suisse, pour autant, n’a pas perdu la face puisqu’elle n’a pas signé un «mauvais deal». Coincée entre Washington et Bruxelles, la Confédération se retrouve otage de ses deux premiers clients. Dur, mais pas si étonnant…