«S'ils [les Américains] viennent avec leurs machines de guerre, on les recevra avec du plomb !», lance Pedro Arias. Comme lui, des milliers de volontaires ont répondu samedi à l'appel du président vénézuélien Nicolás Maduro à se rendre dans les casernes pour apprendre le maniement des armes en vue d'une éventuelle invasion américaine.
Nicolás Maduro, qui a multiplié ces dernières semaines les appels à l'enrôlement dans les milices, a sommé réservistes, miliciens et jeunes de se rendre dans les casernes pour «apprendre à tirer» et «défendre la patrie», alors que les États-Unis ont déployé des navires de guerre dans les Caraïbes dans le cadre d'une opération antidrogue que Nicolás Maduro qualifie de «menace».
Affluence à Forte Tiuna
Samedi, à Forte Tiuna, vaste enclave militaire de Caracas, bus et voitures ont déversé des volontaires venus de tous les quartiers de la capitale. En civil ou en tenue paramilitaire, certains arboraient l’insigne de leur groupe: compagnie électrique nationale, «motards socialistes», «groupe de combat de la mairie de Caracas», administration pénitentiaire ou télévision publique.
On note la diversité des participants: une retraitée en t-shirt «Mamie merveille», un vieil homme en tenue camouflée se déplaçant avec un déambulateur, des trentenaires en tenue de sport et de nombreux jeunes. Parmi eux, Victoria (16 ans), Maikel (20 ans), José (18 ans) et Miguel (17 ans), membres de l’organisation pro-pouvoir «Futuro», affirment vouloir «apprendre» pour «se défendre des gringos», «à poings nus s'il le faut».
Vers le polygone de tir
Depuis l’esplanade monumentale, les volontaires ont été conduits vers le polygone de tir. Là, un officier a livré un discours musclé aux nouveaux arrivants: «Je n'ai pas besoin de vieillards. J'ai besoin de gens engagés prêts à prendre le fusil pour affronter nos ennemis. Vous êtes ici pour recevoir un entraînement militaire.
Ce ne sera pas une guerre comme les «guarimbas» (affrontements de rue). Ce ne seront pas des pierres et des pistolets, mais des armes de guerre.» Les manifestations post-réélection contestée de 2024 avaient déjà fait une trentaine de morts, rappelle le contexte de tension.
Une escalade verbale avec Washington
Le président américain Donald Trump a déployé des forces dans les Caraïbes au nom de la lutte contre les cartels, provoquant des tensions avec Caracas. Washington accuse Nicolás Maduro de diriger un réseau de narcotrafic, allégations que ce dernier nie, bien que deux neveux de son épouse aient été condamnés à New York pour trafic de cocaïne.
Formation et fierté patriotique
Les autorités militaires n'ont pas laissé l'AFP accéder à l'entraînement et au champ de tir de Forte Tiuna, mais ont ouvert les portes de la caserne 4F (4 février), le mausolée du défunt président Hugo Chávez. Là, une centaine de personnes suivent des cours tactiques et pratiques, expliquant entre autres l'intervention américaine au Panama (1989) et initiant au maniement de Kalachnikovs et d'armes de poing. Les volontaires apprennent à démonter, remonter et manipuler sans munitions.
Jenny Rojas, avocate liée à une fondation proche du pouvoir, résume ainsi sa motivation: «Je suis venue pour recevoir une formation, apprendre sur les armes et les tactiques. Pour défendre mon pays. Je ne pars pas avec la peur. Si les États-Unis tentent d'attaquer, tout le peuple défendra la patrie.»
Nicolás Maduro a annoncé le déploiement de 25'000 membres des forces armées aux frontières et un plan de défense national. Selon des publications militaires, la Milice compterait environ 212'000 membres, en plus des 123'000 soldats des autres branches des Forces armées.
La rhétorique officielle
À la caserne du 4F, le lieutenant-instructeur Oviedo Godoy met en avant autant l'instruction technique que l'idéologie: «En tant que Force armée de l'Union civico-militaire, nous devons enseigner quel est l'armement organique de la Force armée nationale bolivarienne. Toute personne est capable d'utiliser une arme. Nous gardons à l'esprit l'identité nationale et le patriotisme que chaque combattant individuel doit avoir. Si les Américains viennent, les gens seront prêts… Nous sommes entraînés!»