Voilà des mois que Volodymyr Zelensky est le chouchou des politiciens occidentaux. L'ancien comédien de 44 ans tient la barre à Kiev pendant que ses troupes résistent à celles de Vladimir Poutine. Mais il y a plus surprenant: désormais, même... la partie adverse a des mots positifs envers le président ukrainien.
Ce n'est pas n'importe qui, mais le fondateur du groupe Wagner en personne, Evgueni Prigojine, qui a qualifié Volodymyr Zelensky d'«homme ferme, sûr de lui et gentil». Un journaliste avait voulu savoir du fondateur de la société militaire privée russe — rattachée selon certains au Ministère russe des affaires étrangères — qui était selon lui le plus dangereux: Volodymyr Zelensky ou Alexandre Nevsorov.
«Nevsorov parle trop»
Ce dernier a été député du Parlement russe pendant des années et a travaillé comme journaliste. Il est devenu une figure de l'opposition depuis qu'il a condamné la guerre en Ukraine, a quitté la Russie et s'est fait naturaliser dans le pays envahi fin février par Vladimir Poutine.
La réponse du «cuisinier de Poutine», baptisé ainsi parce qu'il gérait des sociétés de restauration chargées d'alimenter les soldats russes, a été publiée par le service de presse de son entreprise, Concord Catering. «Bien que Volodymyr Zelensky soit actuellement président d'un pays hostile à la Fédération de Russie, c'est un homme sûr de lui, pragmatique et gentil», a déclaré le chef du groupe Wagner.
Evgueni Prigojine ne peut en dire autant d'Alexandre Nevsorov, selon la citation qui lui est attribuée. L'opposant à Vladimir Poutine «s'exprime certes bien et est charmant, mais franchement, il parle trop», estime le responsable de l'organisation paramilitaire Wagner, qui œuvre dans le but d'assurer la défense des intérêts extérieurs de la Russie.
Coqueluche de Kadyrov
Ces derniers mois, Evgueni Prigojine s'est imposé comme l'un des hommes les plus puissants de Russie. Le «cuisinier de Poutine» avait toujours nié être à la tête de la troupe de mercenaires Wagner... avant de le confirmer, en septembre.
Une vidéo avait alors été divulguée, montrant comment il recrutait personnellement des prisonniers pour la guerre en Ukraine, avec des mots forts. Depuis, de nouvelles vidéos de Prigojine apparaissent régulièrement sur les médias sociaux, montrant qu'il joue un rôle de premier plan en Ukraine.
Le «cuisinier de Poutine» est également dans les petits papiers du leader tchétchène et partisan de la ligne dure, Ramzan Kadyrov. «Je le soutiens pleinement, a écrit sur Telegram l'homme récemment promu général par Vladimir Poutine. Mon cher frère Prigojine est un guerrier né, ses combattants sont de vrais professionnels et des patriotes de la Russie, intrépides, tenaces et courageux.» Selon Kadyrov, il faut absolument écouter l'avis de personnes comme le chef du groupe Wagner, car elles «savent exactement ce qui est bien et ce qui est mal dans une guerre».
D'homme de l'ombre à incubateur de start-ups
Ce qui est frappant, c'est qu'Evgueni Prigojine est passé en quelque temps d'un homme de l'ombre à une personnalité disposant de son propre agenda politique. Il s'est par exemple récemment engagé pour que l'accès à YouTube soit restreint en Russie, déposant une demande en ce sens auprès du Parquet général.
«YouTube est inondé de fakes visant à discréditer l'armée russe et à diffuser délibérément de fausses informations sur les actions des forces armées russes, des autorités et de l'administration de l'Etat ainsi que des forces patriotiques», a-t-il déclaré, selon un communiqué de presse.
Le chef mercenaire a en outre ouvert son propre centre d'affaires à Saint-Pétersbourg. «Centre TchWK Wagner», peut-on lire en lettres capitales sur le bâtiment. L'abréviation TschWK signifie «Tschasnaja wojennaja kompanija» — soit entreprise militaire privée.
Le bâtiment fournit des espaces gratuits pour les inventeurs, les développeurs de projets, les spécialistes en informatique ou encore les start-ups qui doivent «développer dans un environnement confortable de nouvelles idées pour améliorer les capacités de défense russes, y compris les capacités d'information».