Un homme peut encore faire échouer Israël dans sa guerre déclenchée contre l’Iran, pour cause de menace nucléaire: Vladimir Poutine. Le président russe reste en effet un allié militaire de l’Iran des ayatollahs, fournisseur des milliers de drones Shahed 136 utilisés par Moscou en Ukraine. Son pays a aussi condamné les frappes israéliennes, dénonçant une «dangereuse escalade» pouvant avoir des «conséquences désastreuses».
De quelles capacités dispose Poutine pour soutenir le régime de Téhéran, surtout si les Etats-Unis joignent leurs forces à celles de l’Etat hébreu pour en finir avec les installations nucléaires iraniennes?
Poutine manipule le droit
C’est l’ironie absolue. Vladimir Poutine a piétiné le droit international en attaquant l’Ukraine le 24 février 2022. Il dispose en revanche d’un atout que la diplomatie russe, toujours experte dans le maniement du droit, a commencé à brandir dans les pays du «Sud global»: le «deux poids deux mesures». En clair: Israël, grâce au soutien sans faille de Donald Trump, est en train de s’arroger une impunité sans équivalent dans le monde. Ce qui, en particulier aux yeux de tous les pays majoritairement musulmans, est inacceptable. La force de cet argument est que, pour Moscou, la guerre en Ukraine est un conflit entre deux nations sœurs slaves. C’est, au fond, une affaire de politique intérieure russe. A l’inverse: l’attaque contre l’Iran est un conflit international à part entière. Cet argument a du poids auprès des BRICS, l’organisation des pays émergents (Brésil, Chine, Inde, Afrique du Sud) dont il a accueilli en octobre 2024 le sommet à Kazan, et que l’Arabie saoudite doit rejoindre.
Poutine, caïd de la région
L’Iran est un grand pays, bordé au nord par le Caucase et l’immense Asie centrale. Il a une frontière commune avec l’Afghanistan, le Turkménistan et le Pakistan. Cette réalité géographique peut permettre à Vladimir Poutine, s’il le veut, de venir en aide militairement à l’Iran en acheminant des missiles. Jusque-là, l’écrasante supériorité militaire israélienne démontre l’inefficacité des systèmes de missile antiaériens russes S400 apparemment livrés par Moscou en août 2024, après la frappe qui avait tué, en plein Téhéran, le leader du Hamas Ismaël Haniyeh. Le riche Turkménistan, assis sur le trésor gazier de la mer Caspienne, a aussi les moyens de venir en aide économiquement au régime iranien. Le Pakistan, seul pays musulman à détenir l’arme nucléaire, a aussi dénoncé l’agression israélienne.
Poutine a des mercenaires
Le traité stratégique signé le 17 janvier par les présidents russe et iranien devait conforter un partenariat durable entre Moscou et Téhéran dans le domaine de la défense, du renseignement et dans le contournement des sanctions internationales qui frappent les deux pays. La Russie en connaît un rayon sur la protection des sites nucléaires. Elle dispose aussi, on le sait et on l’a vu à l’œuvre en Afrique, d’un réservoir d’ex-militaires disposés, moyennant rémunération, à venir soutenir tel ou tel régime. Dans ce cas précis, l’on voit mal quelle serait l’utilité de mercenaires russes, puisqu’il n’y a pas d’intervention au sol. En revanche, des échanges de renseignement, et l’envoi d’officiers spécialisés dans le brouillage électronique peut être une option. Leur rôle peut être important si le conflit venait à s’enliser. Un scénario avancé dans certains états-majors européens est celui d’une diversion des frappes israéliennes «ciblées»: un missile israélien sur un hôpital ou une maternité à Téhéran pourrait faire basculer l’opinion.
Poutine parle à Trump
C’est sans doute l’élément le plus important: Vladimir Poutine, on le sait, a l’oreille de Donald Trump, et plus encore celle de l’émissaire américain Steve Witkoff. Le président russe sait comment impressionner le locataire de la Maison Blanche. Il parle aussi à Benjamin Netanyahu, dont il a plusieurs fois dénoncé les massacres à Gaza. La force de Poutine, en la matière, est comparable à celle d’un parrain de la mafia. Il est lui aussi au ban de la communauté internationale. Son meilleur allié, dans la guerre en Ukraine, est la Corée du Nord, grand fournisseur d’obus. Poutine est aussi un expert en mensonges, ce qui peut impressionner Trump. Il est en contact avec le Turc Erdogan, avec le Chinois Xi et l’Indien Modi. De quoi inciter l’ancien promoteur immobilier à rester prudent.
Mais Poutine… ne pense qu’à lui
Voici la limite à l’intervention russe: la priorité de Moscou est la victoire en Ukraine, la consolidation du régime, et la poursuite de l’économie de guerre. Dès lors que le sort de l’Iran compliquera cette équation, Vladimir Poutine sera tenté d’abandonner les ayatollahs à leur sort. N’oublions pas que dans l’histoire, la Russie et l’Iran ont souvent été adversaires. La poussée de l’Empire tsariste vers le sud a entraîné, jadis, une occupation russe des villes de Tabriz ou Qazvin, dans le nord du pays. Avant la Première Guerre mondiale, la Russie tsariste a même bombardé l’Assemblée nationale perse, provoquant une levée de boucliers anti-russe exploitée par les Britanniques, désireux de mettre la main sur le pétrole iranien. Autre élément clé: les cours du pétrole justement. Poutine a intérêt à ce qu’ils montent pour remplir ses caisses avec le trafic d’hydrocarbures via la flotte «fantôme» qui sillonne la Baltique. Entre l’Iran et la Russie, ce qui compte est ce qui peut rapporter au Kremlin.