Crise budgétaire
La France, ruinée par les subventions aux entreprises?

Les aides publiques aux entreprises ont doublé sous les deux mandats Macron. Elles pèsent plus de 200 milliards d'euros, soit deux fois plus que l’aide sociale pour la pauvreté, le logement et les familles. Dans ce domaine, il n’y a ni transparence, ni conditionnalité.
Publié: 17:24 heures
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Dernière mise à jour: il y a 32 minutes
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Les aides publiques aux entreprises ont doublé sous les deux mandats Macron.
Photo: AFP
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Myret ZakiJournaliste Blick

Alors que le CAC 40 a chuté de 1,5% sur la séance du 6 octobre, sur fond de crise gouvernementale sans précédent, c’est l’occasion de parler des aides publiques aux entreprises françaises. 

Des subventions qui ont doublé

A l’heure où l’on s’interroge sur les dépenses de l’Etat qui sont responsables des difficultés de l’Hexagone, un aspect moins connu est celui des subventions massives versées aux entreprises. Ces aides étatiques ont progressé sans cesse ces deux dernières décennies. Elles ont doublé depuis l’arrivée au pouvoir d’Emmanuel Macron, passant de 110 milliards en 2012, à 150 milliards en 2020, à 211 milliards en 2023. Elles étaient à 65 milliards en 2008. Le bond a été de 230% entre 2008 et 2020, indiquaient l’économiste Maxime Combes et le journaliste Olivier Petitjean dans une tribune au Monde du 30 novembre 2020. Une progression qui a dépassé celle du PIB français et celle des salaires sur la même période, notaient les auteurs. Les aides sont restées, depuis, à ce niveau élevé, progressant encore. Et l’Hexagone est ainsi devenu le champion des aides aux grandes entreprises. 

Mais surtout, ce montant hisse les entreprises parmi les premiers bénéficiaires de l’Etat. Il y a 5 ans, les auteurs de la tribune du Monde écrivaient: «Les aides publiques au secteur privé dépassent désormais le montant des aides sociales (famille, pauvreté, logement, soit environ 138 milliards d’euros), qui sont, elles, soumises à toujours plus de contraintes».

Ni conditions, ni contreparties

Fait notable, l’Etat français n’a imposé ni conditions ni contreparties aux aides accordées aux entreprises. En pleine pandémie, tandis qu’elles étaient sous perfusion d’argent public, les multinationales du CAC40 versaient des dividendes records à leurs actionnaires. Carrefour, Bouygues, Capgemini, Michelin, Publicis, Schneider, ou encore Vinci et Vivendi ont ainsi versé pour près de 10 milliards d’euros de dividendes au titre de l’année 2020 tout en profitant du chômage partiel pour rémunérer leurs salariés aux frais de l’État.

211 milliards en 2023

Des députés le dénoncent régulièrement: les montants des aides publiques aux entreprises ne sont pas faciles à trouver, car l’administration ne les publie pas. Dès lors, il n’existe aucun suivi précis et public de leurs bénéficiaires, des montants et de ce qui les justifie. En 2023, c’est une commission d’enquête du Sénat qui a dû mener elle-même l’enquête pour arriver à une estimation précise. Après avoir entendu 33 dirigeants de grandes entreprises, dont TotalEnergies, LVMH, Sanofi, Michelin ou Lactalis, elle est arrivée à la conclusion qu’«au sens large, les aides publiques aux entreprises atteignent au moins 211 milliards d'euros en 2023». 

Ce montant inclut les subventions d’Etat, les aides versées par la Banque publique d’investissement (Bpifrance), les dépenses fiscales et les allègements de cotisations sociales. Il n’intègre pas les aides versées par les communes et les régions, ni celles versées par l’Union européenne (leur montant pouvant atteindre jusqu’à 10 milliards d’euros).

Si l'on prend, à titre de comparaison, les dépenses sociales de l'Etat, en excluant la vieillesse et la santé, pour inclure la pauvreté, les familles, l'exclusion sociale et le logement, l'argent public dépensé chaque année pour les pauvres s'élève à 104 milliards d'euros, et le montant n'a quasiment pas bougé entre 2020 et 2023. 

Ayant recensé plus de 2’200 dispositifs d’aides en tous genres destinées aux entreprises, les sénateurs ont exigé plus de transparence, de rationalisation, de suivi et d’évaluation. Mais surtout, ils ont exigé plus de conditionnalité des aides aux entreprises. Ces aides au secteur privé ont en effet eu lieu pendant que des employés étaient mis au chômage partiel, que des réductions d’effectifs massives avaient régulièrement lieu, que le droit du licenciement a été libéralisé, que des milliards de dividendes étaient versés et que des délocalisations se multipliaient. 

Par ailleurs, entre 2016 et 2022, le taux d’imposition des entreprises est passé de 20,7% à 17,5%, selon l’INSEE. Mais surtout, cette baisse a bénéficié en premier lieu aux grands groupes, qui continuent à payer moins d’impôts que les PME, constatait début septembre Olivier Petitjean, co-fondateur de l’Observatoire des Multinationales: «Alors que les grandes entreprises ont bénéficié d’une baisse de 5 points pour atteindre 14,3% de taux d’imposition, les PME n’ont eu que 1,7 point de baisse (à 21,4%) et les micro entreprises ont même vu leur taux augmenter de 0,4 point, pour atteindre 19%», écrit-il. Ceci, alors que le taux d’imposition implicite des multinationales était déjà inférieur à celui des PME et micro entreprises avant 2016. Ces résultats n’incluent pas les crédits d’impôts, dont on sait que certains au moins (crédit impôt recherche, crédit d’impôt mécénat) bénéficient, là aussi, surtout aux grands groupes.

Aide massive de la BCE

Les subventions sont intervenues en même temps que des années d’enrichissement boursier entamés dès 2008. La Banque centrale européenne s’est en effet livrée à des achats massifs de titres européens, à hauteur de 7000 milliards d’euros, qui ont multiplié par 2,5 l’indice CAC 40 entre 2008 et 2021, une hausse jamais vue sur une si petite période. 

Les sénateurs veulent que l’Insee crée, d’ici le 1er janvier 2027, un tableau «détaillé et actualisé chaque année» des aides publiques versées aux entreprises. Les entreprises ont signifié leur accord, à condition que soient aussi précisés les prélèvements obligatoires sur les entreprises, qui sont parmi les plus élevés de l’UE (20% de la valeur ajoutée brute). 

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