Confidences d'un expert
Un Suisse oeuvre en secret pour désarmer le Hamas

Le Bâlois Georg Stein a été envoyé en Israël par le DFAE afin de négocier pour que le Hamas accepte de déposer les armes. De retour en Suisse, il se confie à Blick.
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Georg Stein est médiateur pour le DFAE. Il rentre d'une mission en Israël. Blick l'a rencontré au Palais fédéral.
Photo: Samuel Schalch
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Rebecca Wyss

Il préfère œuvrer dans l'ombre. Il n'est pas le genre de personne à occuper le devant de la scène. Malgré tout, il a accepté de se confier à Blick. La rencontre se déroule dans la salle de réunion austère de l'aile ouest du Palais fédéral, où se trouve le Département fédéral des affaires étrangères (DFAE). Il n'est pas à l'aise sous les feux des projecteurs, alors il a fallu le convaincre de passer devant le flash de notre photographe. Lui, c'est Georg Stein. Il sait que l'Histoire s'écrit généralement dans des petites pièces, à l'écart de la foule. Comme c'est le cas pour la guerre menée par Israël à Gaza.

Pour la première fois, le Bâlois évoque en public sa dernière mission au Moyen-Orient, là où, en compagnie d'autres experts, il a été envoyé par le DFAE en tant que médiateur et spécialiste du désarmement. Après le cessez-le-feu entre le Hamas et Israël, ils doivent soutenir la mise en œuvre du «plan de paix» en 20 points des Américains.

Peu de gens savent ce qu'il sait

Le plus délicat de ces points, pour obtenir une paix durable dans la bande de Gaza, consiste au désarmement du Hamas. Ce n'est pas la première mission de ce genre pour Georg Stein. Il a notamment été envoyé en Birmanie, ainsi qu'en Colombie. Là-bas, les médiateurs helvétiques ont largement contribué à ce que les FARC déposent les armes en 2017.

Le négociateur bâlois vient de rentrer d'Israël. Pendant cinq semaines, il a quitté chaque matin son logement à Tel Aviv pour se rendre dans la ville de Kiryat Gat, au sud du pays, où se situe le centre de coordination civilo-militaire (CMCC). Des spécialistes civils et des militaires de plus de 20 pays et 21 organisations y travaillent désormais d'arrache-pied. Répartis en groupes de travail, ils se penchent sur des questions relatives à l'aide humanitaire, à la reconstruction de Gaza, à son futur gouvernement et à la sécurité. C'est dans ce dernier que Georg Stein a œuvré du matin au soir, sans presque jamais voir le soleil. Pourtant, il en est persuadé, il existe une lumière au bout du tunnel.

Il s'agit des bons offices, de leur statut.

La Suisse n'est pas réputée pour être le pays le plus rapide pour appliquer les décisions politiques. Pourtant, lorsque Washington a fait comprendre qu'il désirait du soutien pour mettre en place son plan, la Confédération a immédiatement réagi. Après avoir examiné les profils nécessaires pour ce type d'opérations, elle a été l'un des premiers pays à envoyer ses spécialistes. Berne voulait se rendre visible rapidement grâce à son expertise et ainsi exercer son influence», souligne Simon Geissbühler, ambassadeur de la Suisse en Israël. Une manière de montrer que notre pays peut être un partenaire crédible sur la scène internationale, alors que, pour le moment, ce sont surtout la Turquie et le Qatar qui ont joué le rôle de médiateurs.

Jusqu'à présent, la Suisse a envoyé quatre spécialistes au CMCC: pour l'aide humanitaire, pour le droit international humanitaire et pour le désarmement. Ils ont été très bien accueillis. «Les réactions des généraux, des organisations internationales et d'autres pays sont positives», déclare Simon Geissbühler. D'autres pourraient suivre. Le DFAE recrute actuellement un expert en déminage ainsi qu'une personne avec le rôle de coordinateur, quelqu'un qui ait une vue d'ensemble de la situation civile à Gaza.

Mais revenons à Georg Stein. Qu'est-ce qui l'a incité à accepter cette mission? «C'est mon travail, cela correspond à mon domaine d'expertise, répond celui qui a rejoint le DFAE en 2002. C'est toujours passionnant de se plonger dans des contextes tendus et de voir ce qui est possible de réaliser.» 

«Y aller étape par étape»

Et concernant Israël, y a-t-il de bonnes chances que le «plan de paix» en 20 points aboutisse? Silence. Notre interlocuteur ne peut pas s'avancer. Ou plutôt, il ne le souhaite pas. La discrétion, c'est son métier. La confidentialité, sa crédibilité. Georg Stein ne dira rien sur les chances qu'il y a que le Hamas accepte de rendre les armes. A part qu'il faut être patient. Mais le négociateur peut tout de même nous expliquer comment, en règle générale, se déroule un désarmement:

Le Bâlois sait exactement ce qu'il peut dire et ce qu'il ne peut pas. Pour avancer dans des négociations, il nous explique que l'ingrédient obligatoire est la confiance. Au début, celle-ci est presque inexistante. Les deux parties d'un conflit sont très méfiantes. Pour instaurer un climat de discussion, «il faut vraiment y aller étape par étape». Cela passe par montrer qu'on a de l'expérience, mais sans jouer les donneurs de leçons. Il faut de la patience, savoir écouter et, surtout, ne pas faire des promesses que l'on ne peut pas tenir. Mentir est la pire des choses si on veut gagner du respect.

Les négociations traînent

Pour être en mesure de discuter, il faut préparer le terrain. Cela passe par des questions techniques: où se trouvent les armes actuellement? Comment un groupe comme le Hamas doit-il les remettre et où? Que se passe-t-il ensuite? Dans ce cas précis, Georg Stein explique que le point le plus compliqué a été de savoir quelles armes exactement ont été utilisées. Les deux camps ont longtemps hésité à répondre. Il a fallu insister. Et expliquer que si ceux qui procèdent au désarmement ne savent pas qu'ils manipulent des munitions instables, il y a des risques d'explosions. Et que cela peut conduire à une nouvelle escalade. Les négociations avancent à tout petit pas.

Il manque encore certains éléments pour que le Hamas accepte de déposer les armes. Par exemple, il n'existe pas encore de force de stabilisation internationale. Sans elle, le désarmement du Hamas est illusoire. Car c'est elle qui doit le mettre en œuvre et le surveiller sur le terrain. Depuis mi-novembre, il existe certes une résolution de l'ONU à cet effet, mais aucun mandat officiel définissant les devoirs et les droits de ce groupe de stabilisation. 

Pourtant, c'est le Peace Board (ndlr: comité de la paix), dirigé par Donald Trump, qui doit s'en charger. Mais rien n'est encore fait. Le 29 décembre, Benjamin Netanyahu s'envolera pour la Floride afin de rencontrer le milliardaire républicain. «Je pense que cette visite fera avancer les choses», espère Simon Geissbühler. En attendant, Georg Stein peut prendre quelques jours de congé bien mériter. Avant que, peut-être, on refasse appel à ses talents de négociateur.

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