La politicienne américaine Marjorie Taylor Greene adore la provocation, les grands évènements et se retrouver sous la lumière des projecteurs. Mais cette fois, il ne s'agit pas d'une vidéo qui fait un carton sur les réseaux sociaux.
Cette fois, elle est au centre d'une lutte de pouvoir qui touche aux fondements mêmes de la droite américaine. La rupture publique avec le président Donald Trump est plus qu'un affront personnel. Elle est le symptôme d'un mouvement MAGA («Make America Great Again») qui ne sait soudain plus qui le dirige – ni dans quelle direction il se dirige.
La bombe à retardement a explosé
Le conflit a éclaté il y a plusieurs semaines. L'élue de Géorgie Marjorie Taylor Greene a critiqué la politique étrangère de Trump, attaqué la direction de son parti, fait preuve d'une modération inhabituelle dans les talk-shows. De plus, elle s'est ouvertement opposée à la réticence à rendre public le dossier du prédateur sexuel Jeffrey Epstein.
L'élue de Géorgie fait notamment partie des quatre républicains qui ont voté, comme les démocrates, pour que la Chambre des représentants examine une possible publication de ce dossier. C'était la goutte de trop pour le milliardaire. «Traîtresse», «Wacky Marjorie», une «folle»: rarement un président aura eu des mots aussi crus contre une (ancienne) alliée.
Un posture mûrement réflechie
Marjorie Taylor Greene se présente désormais comme une femme persécutée. Des entreprises de sécurité l'auraient contactée, écrit-elle. Les menaces se multiplient. Elle tente de donner une charge morale au conflit: un combat pour les femmes, pour les victimes, pour la transparence. Et en même temps comme un combat contre les hommes de son parti, qu'elle accuse sans cesse de lâcheté et de vouloir prendre le pouvoir.
Ce rôle de victime est stratégique. La parlementaire sait qu'un retour dans l'ancien camp Trump est improbable. Elle s'accroche donc à une nouvelle place.
Tucker Carlson dérive
Il ne faut pas oublier de regarder en arrière. Marjorie Taylor Greene elle-même traîne des casseroles. Elle a propagé des mythes QAnon, évoqué des rayons laser venus de l'espace qui déclenchent des incendies de forêt et partagé ouvertement des idées extrémistes. Pour beaucoup, elle a toujours été la voix la plus forte dans le cosmos MAGA – celle qui ne teste pas les limites, mais les dépasse. Le fait qu'elle joue aujourd'hui les donneuses de leçon peut faire hausser les sourcils.
Elle n'est pas la seule qui fait que le camp républicain se déchire. Dans le même temps, Tucker Carlson, autrefois l'animateur de télévision conservateur le plus influent, provoque un choc au sein du parti républicain en invitant l'extrémiste de droite Nick Fuentes. Ce dernier fait l'éloge d'Hitler et de Staline, sans que Tucker Carlson ne le contredise. Pour de nombreux conservateurs, Carlson ne représente plus la droite, mais sa dérive. Le républicain Ted Cruz parle d'un poison qui ronge leurs rangs.
Une rupture plus large
Les polémiques autour des fréquentations de Tucker Carlson, les théories du complot autour d'Epstein, la querelle personnelle entre Greene et Trump: tout indique une rupture plus large au sein de la droite américaine.
Marjorie Taylor Greene incarne un mouvement en pleine réorganisation. Elle parle le langage de cette base qui, tout en adorant Trump, a de plus en plus de doutes sur sa politique. Et elle tente désormais de s'approprier les thèmes que le culte de Trump – et sa fidélité au président – n'ont pas permis jusqu'à présent.
Dans l'entourage de Donald Trump, on risque de sous-estimer l'importance de cette rupture. Un noyau dur d'électeurs fidèles le porte encore. Mais les divisions sont là: frustration face au coût de la vie, insécurité économique, défaites aux élections de mi-mandat – et maintenant des conflits publics avec d'anciens alliés. Le MAGA a longtemps été un système soudé. Aujourd'hui, il est en train d'imploser.
Une fracture de l'opinion publique
Le différend entre Donald Trump et Marjorie Taylor Greene n'est donc pas un évènement anodin. Il illustre la fracture de l'opinion publique dans les rangs républicains. Et il montre ce qui peut se passer lorsqu'un mouvement, qui a vécu pendant des années sur la base de la loyauté, est soudain tiré dans différentes directions: par des personnalités médiatiques comme Tucker Carlson, par des projets politiques démesurés, par des personnalités comme Marjorie Taylor Greene, qui profitent des divisions pour se faire un nom.
La grande question n'est donc pas de savoir qui va gagner dans cette querelle. Mais plutôt de savoir ce qui restera une fois l'orage passé.