Objectif: empêcher à tout prix l’Iran d’obtenir l’arme nucléaire, que le régime des ayatollahs pourrait utiliser contre Israël. Justifiant les frappes aériennes contre Téhéran et Natanz (le sanctuaire atomique iranien), Benjamin Netanyahu a répété que le programme nucléaire iranien constitue une menace existentielle pour son pays. Immédiatement après, Donald Trump a exhorté l’Iran à poursuivre les négociations entamées depuis le mois d’avril avec son émissaire Steve Witkoff. L’Iran avec la bombe, ce serait un cauchemar?
L’Iran cible toujours Israël
Jusque-là, le régime des ayatollahs dirigé par son Guide Suprême Ali Khamenei, poursuit sa vindicte contre l’Etat hébreu. Personne, au sein du pouvoir iranien, n’a pris ses distances avec les déclarations incendiaires de l’ancien président Mahmoud Ahmadinejad (2005-2013), qui promettait de «rayer Israël de la carte». Sur le papier, la menace est donc bien existentielle, d’autant que les capacités nucléaires de l’Iran se sont accrues depuis le retrait, en 2018, des Etats-Unis de l’accord JCPOA négocié par les Européens.
Le ministre français des Affaires étrangères Jean-Noël Barrot a confirmé ce danger le 28 avril 2025, suite à une réunion du Conseil de sécurité des Nations unies sur la non-prolifération: «Il y a 10 ans, l’Iran s’est engagé auprès de la communauté internationale à contenir ses activités nucléaires. Aujourd’hui, l’Iran a franchi tous les seuils qu’il s’était engagé à respecter. D’après les rapports de l’AIEA, l’Iran dispose de 6000 kg d’uranium enrichi, soit 30 fois plus que la limite fixée par l’accord il y a 10 ans. De même, là où le temps nécessaire à la constitution d’une bombe pour enrichir l’uranium était fixé dans cet accord à une année, il est désormais de quelques jours seulement. S’ajoutent à tout cela le développement de capacités balistiques de longue portée et le soutien aux acteurs non étatiques qui ne finissent plus de déstabiliser le Proche et le Moyen-Orient».
L’Iran a (presque) la bombe
Les regards de Téhéran sont tournés vers un pays qui, en dix ans, a réussi à devenir intouchable grâce à sa maîtrise de la technologie militaire nucléaire: la Corée du nord. C’est d’ailleurs ce scénario nord-coréen que Benjamin Netanyahu a sans doute voulu éviter. Il faut rappeler que Donald Trump a rencontré deux fois le dictateur Kim Jong-un durant son premier mandat: en 2018 à Singapour, puis en juin 2019 sur la zone démilitarisée qui divise la péninsule coréenne depuis la cessation des hostilités entre le nord et le sud. Or cela n’a pas empêché Kim de poursuivre son programme atomique, sans doute avec l’aide de la Russie qui est aujourd’hui son principal allié. Le dernier essai nucléaire de la Corée du nord a eu lieu en septembre 2016.
Pour l’Iran, la trajectoire est similaire: le dernier rapport de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA, basée à Vienne) de février 2025 souligne que Téhéran dispose de suffisamment d’uranium enrichi à 60% pour fabriquer plusieurs armes nucléaires en quelques semaines. De plus, la maîtrise du cycle du combustible place l’Iran dans une posture de «latence nucléaire», lui permettant ainsi de s’approcher du seuil sans le franchir formellement.
L’Iran islamique veut un bouclier
Le régime islamique chiite iranien ne tient que par la répression de grande ampleur, et par le soutien de puissances comme la Russie, qui importe massivement ses drones Shahed 136 pour les lancer contre l’Ukraine. En Iran, la société est divisée et la contestation gronde, incarnée par le courageux mouvement «Femmes, vie, liberté» née après le décès en détention de l’étudiante Mahsa Amini, le 16 septembre 2022.
Au sommet du régime, la méfiance règne depuis qu’Israël multiplie les frappes et les opérations ciblées, y compris au cœur de Téhéran où le leader du Hamas Ismaël Haniyeh a été tué le 31 juillet 2024, dans un complexe gouvernemental. L’arme nucléaire serait donc le bouclier parfait. Ce bouclier est «emballé» dans un programme nucléaire civil. Les autorités iraniennes veulent que le pays dispose de moyens modernes de production d’électricité.
L’Iran dispose de missiles
Une puissance nucléaire doit combiner les deux aspects vitaux d’un programme atomique: l’élaboration de la bombe elle-même, et le programme de missiles balistiques qui va avec. Le dernier missile dévoilé par l’armée iranienne est le Ghassem Bassir, d’une portée d’au moins 1200 kilomètres (1800 kilomètres séparent Téhéran de Jérusalem). Lors de sa présentation à la fin avril, un avertissement avait été envoyé à Washington: «Nous n’avons aucune animosité envers les pays voisins, mais les bases américaines sont nos cibles» avait déclaré le ministre de la Défense, qui ne fait pas partie des victimes des frappes israéliennes.
Le programme balistique iranien ne faisait pas partie des sujets négociés par les Etats-Unis. Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu avait, après la présentation du missile Ghassem Bassir, exigé que Téhéran «élimine sa capacité» d’enrichissement d’uranium et abandonne sa fabrication de vecteurs. Parmi les généraux tués de cette nuit figure d'ailleurs Amir Ali Hajizadeh, le chef du programme ballistique iranien.
L’Iran veut être le patron régional
Si l’Iran accède à l’arme nucléaire, la donne stratégique changera radicalement au Moyen-Orient. Le principal pays victime de ce nouveau rapport de force sera l’Arabie saoudite sunnite, premier allié des Etats-Unis dans la région. Avec les frappes de cette nuit, dont l’efficacité doit encore être déterminée, Benjamin Netanyahu contente donc aussi ceux qui, dans le Golfe persique, préfèrent voir l’Iran et ses 90 millions d’habitants être condamné à la survie par le poids des sanctions économiques internationales.
Autre cible atteinte par ricochet: la Chine. Grâce aux manœuvres de Pékin, les exportations de pétrole iranien ont en effet atteint leur plus haut niveau en six ans au cours du premier trimestre 2024, atteignant 35,8 milliards de dollars. La Chine, qui est la destination de 80% des exportations iraniennes, soit environ 1,5 million de barils par jour. La bombe scellerait cette puissance.