Netanyahu a décidé de frapper
Pourquoi Israël a frappé l'Iran (qui négociait avec Trump)

Le régime de Téhéran était depuis plusieurs semaines engagé dans une négociation sur son programme nucléaire avec les Etats-Unis. Israël a choisi de frapper alors que l'Iran est affaibli. Une folie militaire ou des frappes historiques ?
Publié: 13.06.2025 à 11:55 heures
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Benjamin Netanyahu (ici au mur des Lamentations à Jérusalem) veut faire plier par la force les ennemis d'Israël.
Photo: Anadolu via Getty Images
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Richard WerlyJournaliste Blick

«Lion dressé» est le nom de code de l’opération militaire lancée par Israël dans la nuit de jeudi 12 à vendredi 13 juin. Un choix révélateur. Le lion solaire était l’emblème traditionnel de la Perse. En frappant Téhéran et les sites nucléaires iraniens, l’Etat hébreu cherche donc à la fois à fragiliser encore plus le régime de la République islamique, et à «dresser» ce lion accusé de vouloir l’anéantir s’il accède à l’arme atomique. Ces 5 rappels sont indispensables pour comprendre cet assaut nocturne.

Israël voulait frapper

La volonté israélienne de frapper l’Iran pour l’empêcher d’accéder à l’arme nucléaire n’est pas nouvelle. Ce type d’attaque aérienne est une spécialité de l’Etat hébreu, qui avait en 1981 réduit à néant la centrale nucléaire irakienne en construction à Ozirak, portant un premier coup très sévère aux ambitions de puissance de Saddam Hussein. 

Le ministre de la Défense Israélien, Israël Katz, a redit la doctrine de son pays: «L’Iran est plus déterminé que jamais à réaliser son projet de nous détruire. Nous sommes à un tournant décisif. Si nous le manquons, nous n’aurons aucun moyen d’empêcher l’Iran de se doter d’armes nucléaires qui mettront en danger notre propre existence.» Il y a un peu moins d’un an, le 31 juillet 2024, un attentat attribué à Israël en plein Téhéran avait tué le leader du Hamas à l’étranger, Ismaël Haniyeh. Pour mémoire, le Guide suprême iranien, l’ayatollah Ali Khamenei, avait félicité le Hamas pour avoir mené l’assaut terroriste du 7 octobre 2023, «arrivé au bon moment» pour conduire à la «destruction d’Israël».

Israël profite d’un Iran affaibli

L’armée iranienne a aussitôt promis une riposte «sans limites» et la défense antiaérienne israélienne a commencé à intercepter une centaine de drones lancés contre son territoire, placé en état d’urgence. Cette riposte, si elle se poursuit, ressemble à celle que Téhéran avait lancée en avril 2024, après la frappe israélienne sur le consulat iranien à Damas, en Syrie. 

La réalité est toutefois sans appel: l’Iran est militairement très handicapé par la défaite militaire de son allié libanais le Hezbollah, et par la mauvaise posture des Houthis au Yémen. C’est cette faiblesse qui a conduit les ayatollahs à reprendre leurs négociations avec l’administration Trump en avril 2025. Impossible de dire aujourd’hui ce qu’il adviendra de ces pourparlers. Les Etats-Unis ont, tôt vendredi, affirmé ne pas avoir été informés de l’attaque israélienne. Ils avaient toutefois commencé à évacuer leurs diplomates au Moyen-Orient ces jours-ci. La Suisse représente les intérêts américains en Iran et sert d’intermédiaire entre les deux pays.

Israël a ciblé «le cœur»

«Nous avons frappé le cœur du programme d’enrichissement [d’uranium] de l’Iran. Nous avons frappé le cœur du programme nucléaire militaire de l’Iran. Nous avons ciblé la principale installation d’enrichissement de l’Iran à Natanz (à 300 km environ au sud de Téhéran)», a asséné le ministre israélien de la Défense. Parallèlement, des frappes ont tué trois très hauts responsables des Gardiens de la révolution, la composante militaire la plus dure de la République islamique: Hossein Salami, Gholam Ali Rashid et Mohammad Bagheri. Cette attaque très ciblée va relancer le scénario d’un régime iranien miné de l’intérieur par la corruption, les trahisons et les possibles infiltrations israéliennes. Six scientifiques impliqués dans le programme nucléaire iranien auraient également péri. Jusque-là, les services israéliens fomentaient régulièrement des attentats en Iran pour éliminer les chercheurs du programme d’enrichissement.

Israël mise sur Donald Trump

L’Iran a-t-il été dupé par l’administration américaine? Le fait est que les pourparlers en cours, qui portaient sur la possibilité pour Téhéran d’acquérir des centrales nucléaires civiles construites par les Etats-Unis, ont sans doute laissé croire au régime des Mollahs qu’il ne serait pas visé militairement par Israël. Un sixième cycle de négociations entre l’Iran et les Etats-Unis devrait avoir lieu ce dimanche, 15 juin, à Oman. Qu’en est-il exactement? Donald Trump, qui s’était retiré en 2018 de l’accord JCPOA négocié par les Européens à Lausanne, voulait-il vraiment d’un nouvel accord? En sept ans, les choses ont en effet radicalement changé. 

«L’Iran est en passe d’acquérir l’arme nucléaire», affirmait en avril le ministre français des Affaires étrangères Jean-Noël Barrot. Ce pays s’est engagé auprès de la communauté internationale à contenir ses activités nucléaires. Or aujourd’hui, il a franchi tous les seuils qu’il s’était engagé à respecter. D’après les rapports de l’AIEA, l’Iran dispose de 6000 kg d’uranium enrichi, soit 30 fois plus que la limite fixée par l’accord il y a 10 ans. De même, là où le temps nécessaire à la constitution d’une bombe pour enrichir l’uranium était fixé dans cet accord à une année, il est désormais de quelques jours seulement.»

Israël a choisi la guerre

La survie politique de Benjamin Netanyahu passe par la poursuite de la guerre. Cela est évident à Gaza, au prix de massacres qualifiés par de très nombreux experts israéliens de «crimes de guerre», pour lesquels le Premier ministre de l’Etat hébreu a été inculpé par la Cour pénale internationale (CPI). La guerre avec l’Iran, dont le but est aussi de remodeler le Moyen-Orient en s’appuyant sur l’Arabie saoudite et le Qatar, est dès lors logique. Les partisans de cet assaut contre l’Iran font la comparaison avec les précédentes guerres remportées par Israël face aux pays arabes, qui ont ensuite rendu la paix possible avec l’Egypte (1979) ou la Jordanie (1994). 

Donald Trump, lui, veut revitaliser les accords de paix d’Abraham (signés en 2020 entre Israël, les Emirats arabes unis, Bahreïn et le Maroc). Objectif: la paix avec l’Arabie saoudite, rendue pour l’heure impossible par la guerre à Gaza. 

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