La Chambre des représentants américaine a approuvé mardi la publication des dossiers sur le prédateur sexuel Jeffrey Epstein. Seule une personne dans l'assemblée s'y est opposée et le Congrès a approuvé le vote. L'affaire est donc bouclée?
Et bien pas du tout! Même si Donald Trump semble soudainement indifférent à la publication des documents qui pourraient l'incriminer, c'est parce qu'il a encore un atout dans sa manche pour bloquer les dossiers.
A proprement parler, il a même deux atouts dans sa manche. Tout d'abord, il pourrait refuser de signer les résolutions requises par la Chambre des représentants et le Congrès. Toutefois, il est peu probable qu'il le fasse, car la pression est immense après les votes sans appel des deux chambres, et il ne veut pas avoir l'air de leur mettre des bâtons dans les roues.
Les enquêteurs entrent en piste
Pour ne pas avoir à le faire lui-même, le président américain pourrait donc charger quelqu'un d'autre de bloquer les dossiers. D'ailleurs, il a déjà entamé les premières démarches en ce sens. La semaine dernière, il a ordonné au ministère de la Justice d'ouvrir immédiatement des enquêtes sur les personnalités citées dans les dossiers.
A la surprise générale, la ministre de la Justice Pam Bondi a immédiatement réagi et a transmis la demande au bureau du procureur général de New York seulement trois heures plus tard. Pourtant, quatre mois auparavant, elle avait déclaré que les dossiers Epstein ne justifiaient pas l'ouverture d'une enquête.
Avec cette stratégie, Trump reporte la responsabilité du blocage des dossiers sur les autorités judiciaires. Par exemple, elles peuvent caviarder des noms – voire de larges extraits de documents – en invoquant une protection personnelle ou la «sécurité nationale». Les autorités judiciaires peuvent aussi bloquer complètement la publication du reste des dossiers Epstein en invoquant des «enquêtes en cours».
Diriger l'attention vers ses ennemis
Cette manœuvre permet aussi à Trump de détourner l'attention et de la diriger vers d'autres personnes citées dans les documents. Par exemple, l'ancien président Bill Clinton, l'ancien secrétaire au Trésor de Clinton, Lawrence H. Summers, et le cofondateur de LinkedIn et important donateur démocrate, Reid Hoffman.
En effet, les enquêteurs pourraient trouver de nombreux éléments sur ces personnes. Après la publication de courriels démontrant ses liens étroits avec Epstein, Lawrence H. Summers s'est complètement retiré de la vie publique. Il a déclaré qu'il avait «profondément honte» d'avoir été en contact avec Epstein et qu'il en assumait «l'entière responsabilité».
L'ancien vice-chef d'état-major de Bill Clinton, Angel Ureña, a déclaré dans un communiqué que «le fait de mettre en avant M. Clinton de manière ciblée est une tactique de diversion visant à détourner l'attention des défaites électorales, des shutdowns ratés et de Dieu sait quoi d'autre.»
Le slalom de Trump
Ces dossiers mettent Trump en difficulté dans ses propres rangs. En effet, le président avait promis de les publier pendant sa campagne électorale, mais a changé d'avis une fois installé à la Maison-Blanche. Est-ce parce qu'ils contiennent des éléments compromettants à son sujet?
Jusqu'à présent, nous savons peu de choses sur les mentions de Trump dans les dossiers. Parmi le peu d'éléments connus: une lettre retrouvée dans un livre d'anniversaire pour Epstein, signée «Donald» avec un croquis de femme nue. Plus troublant encore: un courriel d'Epstein affirmant que Trump «était au courant de ce qui se passait avec les filles».
Selon le projet de loi approuvé par la Chambre des représentants, les dossiers Epstein doivent être rendus publics au plus tard 30 jours après l'entrée en vigueur de la loi. Cela devrait donc se faire rapidement, si Trump ne joue pas son atout.