Kristin Cabot, 53 ans, ancienne directrice des ressources humaines de la start-up Astronomer, a vu sa vie basculer après avoir été filmée en train de danser et s’enlacer avec son patron lors d’un concert de Coldplay en juillet 2025. Cinq mois après les faits, elle décide de briser le silence dans les colonnes du «New York Times».
Elle prend la parole pour raconter sa version et mettre en lumière l'enfer qu'elle a subi. Car la séquence, diffusée sur TikTok, a dépassé les 100 millions de vues en quelques jours, déclenchant un vrai raz-de-marée de harcèlement: insultes sexistes, doxxing, menaces de mort, paparazzi devant son domicile et rejet social, y compris devant ses enfants.
La quinquagénaire, alors en pleine séparation conjugale, assure qu'il ne s'agissait ni d'une relation installée avec son patron, ni d'une liaison cachée: «Nous n’avions jamais échangé un baiser avant cette soirée», répète-t-elle. Kristin Cabot rejette aujourd’hui la lecture selon laquelle elle aurait «couché pour réussir». Les quelques secondes de vidéo mèneront à sa démission: elle négocie son départ, annoncé le 28 juillet.
Des menaces de mort
Rembobinons un peu. Tout a commencé le 16 juillet 2025, lorsqu’elle est apparue, stupéfaite, sur l’écran géant d’un concert de Coldplay, enlacée avec son supérieur hiérarchique, le CEO Andy Byron. L'emballement est immédiat et d'une violence rare. En quelques heures, elle devient une cible mondiale.
Elle a droit à un déferlement d'insultes habituelles pour humilier les femmes: salope, briseuse de ménages, profiteuse, maîtresse, tandis que son apparence est disséquée dans les commentaires. Elle reçoit jusqu’à 600 appels par jour, des paparazzi stationnent devant son domicile, des voitures tournent lentement devant sa résidence. Elle confie avoir reçu entre 50 et 60 menaces de mort.
Et dans sa vie quotidienne, l’hostilité se prolonge: insultes en public, photos prises sans son consentement, et une stigmatisation si intense que ses propres enfants avaient honte d’être vus avec elle. Kristin Cabot raconte avoir passé des semaines recluse dans sa chambre, ne se sentant en sécurité qu’à l’intérieur.
«J'ai sacrifié ma carrière»
Elle confie regretter sa «mauvaise» décision, mais condamne les menaces de mort: «J'ai bu quelques verres, j'ai dansé et j'ai eu un comportement inapproprié avec mon patron. Ce n'est pas anodin. J'ai assumé mes responsabilités et j'ai sacrifié ma carrière à cause de ça. C'est le prix que j'ai choisi de payer.»
Elle confie également dans les colonnes du célèbre journal américain avoir expliqué à son patron qu'elle était en instance de divorce. Andy Byron, lui lâche alors que lui aussi. Cette reconnaissance mutuelle «a en quelque sorte renforcé nos liens», précise-t-elle. A la suite de la conversation, des sentiments apparaissent rapidement, mais l'Américaine dit freiner des quatre fers, car elle sait qu'une relation avec son patron met en danger son poste de cheffe RH.
Son mari présent
Lors du concert de Coldplay, la séparation avec son mari était encore récente. Celui-ci se trouvait d'ailleurs lui aussi dans le stade du Massachusetts. Elle confie avoir été «déstabilisée», mais après quelques verres dans la loge VIP avec son patron et des amis, l'atmosphère se décontracte. Au fil du temps, avec Andy Byron, ils se comportent comme un couple. L'Américaine tient à préciser que ce soir-là était la première et unique fois qu'ils s'embrassaient.
Après quelques instants de bonheur, le retour violent à la réalité: le nouveau «couple» se voit en énorme sur un écran. «J'étais tellement gênée et horrifiée.» Elle pense en premier à son mari présent dans la salle et au fait qu'Andy Byron est son patron. Les deux employés se précipitent au bar: «On est restés assis là, la tête entre les mains, à se demander ce qui venait de se passer.»
Ils retrouvent gentiment leur esprit: «La première chose qu'on s'est dite, c'est qu'il fallait en informer le conseil d'administration.» A 4h du matin le couperet tombe: Kristin Cabot reçoit une capture d'écran d'une vidéo Tiktok. Stupeur. «Maintenant, il n'y a pas que mon mari et le conseil d'administration qui vont être au courant.» Lorsque le couple envoie sa lettre à son employeur c'est déjà trop tard. La vidéo est devenue virale.
La risée mondiale
Au sein d’Astronomer, le scandale a déclenché une enquête interne. Andy Byron a démissionné dès le week-end suivant le concert, sous la pression médiatique. Kristin Cabot, convoquée par le conseil d’administration, a d’abord été suspendue, puis invitée à reprendre son poste après l’enquête. Elle a refusé, estimant qu’elle ne pouvait plus assumer la fonction de cheffe RH tout en étant devenue, selon ses propres mots, «une punchline mondiale».
Kristin Cabot et Andy Byron restent en contact tout l’été, échangeant nouvelles professionnelles et messages de soutien. Début septembre, ils se rencontrent et concluent que continuer à se parler compliquerait leur reconstruction respective. Depuis, leurs échanges se limitent à quelques messages occasionnels.
«Coucher pour réussir»
Kristin Cabot rejette aujourd’hui la lecture selon laquelle elle aurait «couché pour réussir», rappelant une carrière bâtie depuis l’adolescence, des postes à responsabilité et un rôle de soutien financier pour sa famille. Elle se dit frappée par la violence particulière des critiques émanant de femmes, qu’elle décrit comme les plus virulentes, en ligne comme dans la rue.
Alors que les observateurs évoquent un «lynchage médiatique» centré sur elle, bien plus que sur le CEO, Kristin Cabot se demande pourquoi la vidéo a suscité une telle fureur. Des chercheuses y voient une mécanique ancienne: voyeurisme, jugement moral, jalousie sociale, et tendance à punir plus sévèrement les femmes dans les scandales sexuels ou sentimentaux.
Aujourd’hui, Kristin Cabot tente de se reconstruire: thérapie pour ses enfants, retour progressif à la vie sociale et activités sportives. Si elle a choisi de parler, c’est pour reprendre le contrôle d’un récit qui lui a échappé et ne plus laisser la vindicte publique définir qui elle est. Elle espère désormais que son histoire servira à interroger la mécanique qui transforme une erreur personnelle en humiliation mondiale et à rappeler qu’aucune faute ne justifie une telle violence.