Aucun lien avec le paracétamol
Quelles sont les vraies raisons de la hausse des cas d'autisme?

Malgré les déclarations de Donald Trump, le lien entre le paracétamol et l'augmentation des cas d'autisme n'a jamais été clairement prouvé. Reste que la hausse des cas est bien réelle: comment l'expliquer? Une experte nous répond.
Publié: 05:47 heures
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L'augmentation des cas d'autisme s'explique majoritairement par une amélioration des diagnostics. (Image prétexte)
Photo: Shutterstock
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Ellen De MeesterJournaliste Blick

Depuis que Donald Trump a décrété que la prise de paracétamol durant la grossesse augmente le risque d'autisme chez les enfants, le monde de la santé affronte une vague d'angoisse. Une peur infondée, rappelons-le, puisqu'aucun lien de cause à effet n'a été clairement établi, ainsi que n'ont cessé de le marteler l'OMS et les experts du monde entier, relayés par la presse. Cela n'empêche qu'une telle déclaration, de la part d'un président des Etats-Unis, est évidemment susceptible de faire naître l'ombre terrifiante du doute dans l'esprit des femmes enceintes. 

D'après la BBC, de nombreux médecins reçoivent désormais des patientes paniquées d'avoir pris ce médicament durant leur grossesse, ou transies de culpabilité, persuadées d'avoir elles-mêmes causé le trouble neurodéveloppemental de leur bébé. La revue «Nature» souligne par ailleurs le danger auquel s'exposent les futures mères qui, dans un souci d'éviter le paracétamol, l'anti-douleur le plus sûr durant la grossesse, se tournent vers des antalgiques et antipyrétiques, plus risqués pour elles. 

Sans doute cette inquiétude est-elle renforcée par un constat avéré: les cas d'autisme augmentent sensiblement, depuis quelques années. En août, la RTS rapportait une hausse de 348% du nombre de jeunes bénéficiant de l'AI dans le cadre d'un trouble du spectre autistique (TSA), depuis l'année 2015. La Confédération a promis d'étudier le phénomène, dans le but d'organiser des mécanismes de soutien plus robustes. 

Une amélioration des diagnostics

Les TSA touchent en effet 1 enfant sur 100 dans le monde, d'après l'OMS, avec une augmentation dans de nombreux pays, comme les Etats-Unis: en 2022, le Centre américain pour le contrôle et la prévention des maladies (CDC) faisait état d'un enfant concerné sur 33, contre seulement un enfant sur 36 en 2020. 

Mais si le paracétamol n'est pas mis en cause, comment expliquer cette hausse? La réponse est loin d'être aussi limpide que semble le penser Donald Trump, dont l'administration a toutefois enclenché plusieurs projets de recherche

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Ainsi que le souligne la professeure Nadia Chabane, cheffe du Service des troubles du spectre de l’autisme et apparentés (STSA) du Département de psychiatrie du CHUV, elle est même infiniment complexe: «Environ 90% de l'augmentation des cas d’autisme peut s’expliquer par une nette amélioration dans les techniques de diagnostic, explique-t-elle. Les critères utilisés dans les classifications internationales sont mieux décrits, plus précis et plus larges que les précédents.» Des cas qui seraient précédemment passés inaperçus ou catégorisés différemment sont donc pris en compte, aujourd'hui. 

Pollution, pesticides et perturbateurs endocriniens

Mais qu'en est-il des 10% restants? «Après analyse, on constate que ceux-ci ne peuvent s’expliquer uniquement par de meilleurs diagnostics, poursuit notre experte. On en déduit que certains facteurs extérieurs peuvent avoir un impact direct sur l’expression d’un ou plusieurs gènes potentiellement responsables de l’autisme.»

Voilà qui évoque immédiatement les nombreuses recherches associant les TSA à l'exposition au Wifi, à certains pesticides, perturbateurs endocriniens, ou encore aux PFAS, des travaux qui accusent nos modes de consommation actuels, de l'eau qu'on boit aux crèmes qu'on applique sur notre peau. On sait notamment qu'une haute concentration de PFAS dans l'organisme de la femme enceinte peut impacter la santé du placenta, pointe «Le Monde». Or, en ce qui concerne l'association avec les TSA, il ne s'agit que de simples suspicions, pour le moment. 

«Il est nécessaire d'être extrêmement solide au niveau scientifique, tempère la professeure Chabane. Avant d’établir un lien de cause à effet, il faut pouvoir s’appuyer sur plusieurs études, réalisées avec la collaboration de larges cohortes, bénéficiant d’une puissance statistique suffisamment forte et d’un contrôle de tous les biais d’interprétation possibles. Dans le cas du paracétamol, par exemple, de grandes études bien contrôlées démontrent très clairement qu’il n’existe pas d’imputabilité.»

Il en va de même pour les vaccins, associés aux troubles neurodéveloppentaux par une petite étude publiée dans les années 90 et désormais retirée, mais que l'imaginaire commun peine à oublier, rappelle l'Université Johns Hopkins

Un facteur génétique très complexe

Ce qui rend l'identification des causes aussi difficile, est le caractère fondamentalement génétique de l'autisme: «On comptabilise plus de 1000 gènes potentiellement impliqués dans les troubles neurodéveloppementaux, précise la professeure Chabane. Mais tout dépend du patrimoine génétique spécifique de chaque individu, de l’activation ou non de certains gènes, de l’environnement de la personne, des législations de son pays de résidence quant à certaines substances chimiques… Pour cette raison, on ne dispose pas d’un tableau de l’autisme, mais de nombreuses formes extrêmement variées.»

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Bien qu'il existe une suspicion quant à l'impact de certains facteurs environnementaux sur l’expression ou non de certains gènes, l'experte rappelle qu'on ne peut affirmer avec certitude quelles substances agissent sur quels gènes pour conduire à un TSA. Les différentes combinaisons possibles sont si nombreuses qu'il faut énormément de temps et d'efforts pour parvenir à la moindre conclusion. 

Age des parents, souffrances néonatales et infections

«Parmi les facteurs réellement prouvés, on peut évoquer certains traitements pharmacologiques comme la Dépakine, un traitement antiépileptique ayant fait scandale et dont l'impact sur les fœtus a été clairement démontré, ajoute-t-elle. L'âge des parents au moment de la conception, les souffrances néonatales, la grande prématurité ou les infections survenues durant la grossesse sont également des facteurs de risque reconnus.» 

Pour les autres facteurs potentiels, beaucoup de travaux de grande envergure sont en cours, mais on ne dispose pas actuellement de réponses concrètes: «Certains mécanismes semblent effectivement délétères, mais on ne peut, aujourd’hui, assurer que tel ou tel produit ait cet impact. On peut évoquer des doutes, une suspicion, mais il n'y a pas de certitude pour le moment.»

Notre experte conseille donc de prendre les recherches scientifiques avec un grain de sel: «Le fait qu’une étude soit publiée dans une revue ne signifie pas qu’elle est absolument fiable.» Les travaux détaillent d'ailleurs toujours les limites auxquelles se sont heurtées leurs auteurs, notant très souvent que d'autres recherches sont nécessaires pour étayer les résultats. 

Et quand ces grandes études aboutiront, le saura-t-on? Faudra-t-il éplucher les revues, à la recherche de réponses? Pour notre experte, il sera impossible de les rater: «Lorsqu’un facteur est sérieusement mis en cause par de bonnes études et de véritables preuves, l’effet sur les lignes directrices établies par les organismes de santé est immédiat: des consignes officielles seront données, de manière plus large, pour toutes les grossesses. Une telle étude sera très appuyée, validée par des comités d’experts.» 

Que faire, pour se tranquilliser?

Pour l'heure, la patience est donc de mise. Comment faire, dans ce cas, si l'on s'inquiète pour la santé de nos enfants ou de nos futurs enfants? Hormis demander conseil à notre médecin traitant, surtout dans le cadre d'une grossesse, il s'agit avant tout de respecter les consignes de santé générales, sans céder à la panique.

«La seule certitude dont on dispose actuellement est qu’il est important d’essayer de s’alimenter le plus naturellement possible, d’éviter les produits hyper-transformés et de faire preuve d’un minimum de précaution dans notre style de vie, conclut notre experte. Mais ce sont les habitudes de base que connaissent déjà les femmes enceintes et les familles.»

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