Aussitôt le cessez-le-feu entré en vigueur, et même un peu avant, le Hamas a attaqué plusieurs groupes armés à Gaza, dans des confrontations qui ont parfois duré des heures et fait des dizaines de blessés et de morts. Le mouvement islamiste, avec sa branche armée, les Brigades Ezzedine al-Qassam, s'efforce de reprendre la main dans les zones de Gaza d'où les forces israéliennes se sont retirées.
Selon des chercheurs interrogés par l'AFP, certains groupes visés par le Hamas sont composés de plusieurs membres d'une même famille comme les Tarabin, Heles ou Doghmoush, d'autres s'apparentent à des organisations criminelles, et d'autres encore à un mélange des deux.
Groupes criminels
Plusieurs groupes sont considérés comme des organisations mafieuses pratiquant l'extorsion, les enlèvements contre rançon, le trafic de drogue. Israël a reconnu en 2025 avoir soutenu certains de ces groupes, sans les nommer. Objectif affiché: affaiblir le Hamas. Le plus notoire est la Force Populaire, dirigée par Yasser Abou Shabab, un jeune criminel évadé de prison pendant la guerre, qui a appelé au renversement du Hamas.
Selon Nasser Khdour, chercheur à l'observatoire des conflits ACLED, au moins trois autres groupes similaires ont émergé: l'un est dirigé par Rami Heles dans l'est de la ville de Gaza, un autre par Ashraf al-Mansi au nord, et un troisième par Hossam al-Astal à Khan Younès au sud du territoire. Selon Muhammad Shehada, analyste au Conseil européen pour les relations internationales (ECFR), certains ont pu prêter allégeance à l'organisation Etat islamique, ou al-Qaïda.
Peu de légitimité
La plupart des chercheurs interrogés par l'AFP s'accordent à dire que ces groupes sont composés de centaines, voire de milliers de membres. Selon Yasser Abou Shehada, le Hamas a récemment saisi des armes, des véhicules et «énormément d'argent liquide» lors d'opérations contre les gangs. Mais selon Tahani Mustafa, également chercheuse à l'ECFR, le groupe de Yasser Abou Shabab n'est «pas une menace pour le Hamas».
«Il n'est pas largement populaire, pas mieux équipé, pas plus fort, n'a pas plus d'influence, n'est pas économiquement plus puissant (...) La majorité des Gazaouis ne l'aiment pas, il n'a aucune légitimité», dit-elle. Ces groupes sans affiliation politique sont considérés par la population «comme des pillards» et des collaborateurs d'Israël, ajoute Mme Mustafa. «Pour les Palestiniens, la légitimité vient de la résistance (à Israël) et de partis traditionnels» comme par exemple le Fatah, le Hamas, le Jihad Islamique ou le FPLP, résume Nasser Khdour.
Affrontements avec le Hamas
Le Hamas qualifie les groupes armés non affiliés à des mouvements politiques de «hors-la-loi» et les accuse de mettre en danger la fragile trêve avec Israël en vigueur depuis le 10 octobre.
Le mouvement islamiste a proposé une amnistie et des sources proches de la «Radaa» ("Dissuasion», en arabe) une unité du mouvement islamiste créée il y a peu pour lutter contre la criminalité, ont indiqué à l'AFP que plus de 300 armes avaient été récupérées depuis le début du cessez-le-feu.
Des membres du Hamas ont aussi combattu des groupes armés, notamment la famille Doghmoush dans la ville de Gaza et des membres de la Force populaire, près de Rafah (sud).
Forces liées au Hamas
Si le Hamas dit ne plus vouloir administrer la bande de Gaza, il souhaite «retrouver une certaine popularité» locale, selon Yasser Abou Shehada. Outre la «Force de dissuasion», l'unité Sahem («flèche» en arabe), a été créée en 2024.
Selon Nasser Khdour, cette unité cible principalement les pillards et est connue pour ses punitions sévères, y compris des exécutions sommaires. «Dans la majorité des cas, ils tirent ou brisent les jambes des pillards ou de ceux qui collaborent (avec Israël) ou les frappent avec des matraques en fer», a-t-il dit.
Familles et clans
D'autres acteurs armés incluent des membres de vieilles familles de Gaza et des clans bédouins, certains ayant des liens avec le Sinaï égyptien. Selon Yasser Abou Shehada, ces clans comptent des centaines de combattants et possèdent de vastes stocks d'armes, et ont participé à des activités de contrebande et criminelles pendant la guerre.
Les forces du Hamas ont récemment pris d'assaut un bastion appartenant à des membres de la famille Doghmoush. L'opération a conduit à l'arrestation de dizaines de membres et à l'exécution publique de huit d'entre eux dans une rue de Gaza-Ville, des images qui sont rapidement devenues virales. Mais contrairement aux gangs, de nombreux groupes familiaux ont accepté les offres d'amnistie du Hamas en échange de la reddition de leurs armes.