Samuel P.* voulait simplement passer un bon moment un samedi soir à la Langstrasse de Zurich. Au lieu de cela, il s’est réveillé avec des douleurs, des souvenirs fragmentés et près de 9000 francs envolés...
L’entrepreneur se souvient encore du soir du 8 juin 2024. Il buvait une bière dans le «After Dark Bar». Vers 22h, il quitte l’établissement et se dirige vers la Langstrasse, lorsqu’une jeune femme l’aborde à proximité de l’ancien bar «Sonne», connu autrefois comme un lieu de prostitution. «Elle avait une vingtaine d’années, une silhouette fine et très féminine. Je l’ai trouvée très jolie», raconte Samuel P. à Blick, environ un an plus tard, sur les lieux mêmes de l’incident.
Il comprend vite qu’il s’agit d’une prostituée et accepte de la suivre dans une chambre au-dessus du «Sonne». Ils conviennent de services sexuels pour 200 francs, explique-t-il. Mais dans la chambre, une deuxième femme, plus âgée, les attend.
La gorgée de trop
Les deux femmes lui proposent une boisson alcoolisée. «Je n’ai pris qu’une gorgée par politesse. Mais elle m’a assommé immédiatement!» affirme Samuel P. Il en est convaincu, sa boisson contenait un puissant stupéfiant. La suite de la soirée ne lui revient qu’en flashes, sans aucune notion du temps.
Le lendemain matin, il reprend ses esprits. «Vers 10h, j’ai quitté l’appartement, pris un taxi à la Langstrasse et dormi ensuite vingt heures d’affilée», raconte l'homme de 59 ans, la voix tremblante.
Hématome et brûlure
Au réveil, il découvre un hématome sur son ventre, qu’il photographie immédiatement. Une brûlure douloureuse dans la bouche l’inquiète aussi. Son dentiste confirmera la blessure dans une lettre que Blick a pu consulter, sans en identifier la cause exacte. Samuel P. vérifie alors son compte. Entre 23h43 et 7h02, six transactions totalisant 9087,80 francs ont été débitées. Dès le lundi, il dépose plainte contre les deux femmes auprès de la police municipale de Zurich.
«J’étais en danger de mort. On ne sait jamais comment un homme de mon âge peut réagir à de telles substances. J’aurais pu faire une crise cardiaque!» dit-il encore. Mais pour détecter la présence de «gouttes K.O.», un échantillon d’urine doit être fourni dans les douze heures. Un délai déjà dépassé pour lui.
Moins d’un mois plus tard, Samuel P. consulte une psychologue. Il lui confie avoir été drogué et contraint de révéler des informations sensibles, comme son code PIN. La spécialiste juge ses propos cohérents et crédibles. «J’ai été drogué, volé et abusé», résume-t-il.
Manque de preuves
Le ministère public de Zurich examine le dossier, mais conclut dans une lettre datée du 11 juillet 2024 que les conditions pour ouvrir une enquête ne sont pas réunies, faute de preuves. Un ancien employé du «Sonne» a même contredit sa version. Il affirme à la police que Samuel P. a eu recours plusieurs fois à des prestations la nuit en question et qu’il les a lui-même réglées avec ses cartes. Selon lui, il paraissait tout à fait normal.
Le fait que l’affaire n’ait pas été poursuivie laisse Samuel P. amer. «Il y a clairement un système derrière. Le gérant du local a forcément touché une part de ce qui m’a été facturé. Evidemment qu’il dira que j’avais l’air normal.» L’assurance, elle aussi, refuse tout remboursement, notamment en raison du rapport de police.
Un appel à la prudence
Samuel P. n’a pas fait appel. Conscient de la faiblesse de ses preuves, il choisit aujourd’hui de témoigner pour attirer l’attention sur ce type de cas. En mai dernier, Blick avait déjà rapporté que des femmes avaient été victimes de «gouttes K.O.» administrées à leur insu.
Son message s’adresse désormais aussi aux hommes. Selon lui, les hommes devraient être aussi prudents que les femmes lorsqu’ils sortent. Depuis cette nuit traumatisante, Samuel P. ne fréquente plus les bordels de la Langstrasse.
* Nom d'emprunt