16'000 kilomètres, 35 paires de chaussures, quatre sacs à dos, des inflammations, des araignées et des intempéries, mais surtout, d'innombrables rencontres pleines d'hospitalité: en juillet 2021, Carol Frischknecht de Zuchwil (SO) et Jasmin Bühler de Bienne (BE) se sont lancées dans un voyage qui a changé leur vie.
Un voyage qu'elles ont décidé de faire un peu sur un coup de tête. Pendant la pandémie, le couple a entendu parler du randonneur allemand Stephan Meurisch, qui avait marché de Munich au Tibet sans argent. Elles ont acheté son livre et se sont dit: «Allez, on fait pareil, mais avec un budget.»
«Carol n'a eu besoin que d'une nuit pour dire oui», se souvient Jasmin. Elles réunissent leurs économies en peu de temps et se mettent en route, à pied. Carol a quitté son emploi dans son entreprise de peinture: «C'est une entreprise familiale, je pouvais partir sans problème.» Jasmin, dont le cabinet de conseil en nutrition a été contraint de fermer à plusieurs reprises pendant la pandémie, a aussi fait ses cartons.
«J'avais les genoux en compote»
Elles ont commencé leur randonnée avec chacune trois t-shirts, trois paires de sous-vêtements, trois paires de chaussettes, deux soutiens-gorge, des shorts, des pantalons, des pulls, une doudoune, un imperméable, une tente et un sac de couchage.
Elles ont vécu leur première expérience extrême en Grèce. La descente du Mytikas, une montagne de l'Olympe, n'était pas sécurisée et très abrupte. «Nous l'avons sous-estimée», raconte Jasmin. Le panneau les avait pourtant mises en garde en indiquant huit heures de randonnée pour parcourir cinq kilomètres. «Nous pensions que c'était une erreur», enchaîne Carol. «Il nous a bel et bien fallu huit heures, j'avais les genoux en compote.»
Elles se sont ensuite dirigées vers les Balkans. Elles ont passé l'hiver – de janvier à la mi-mars 2022 – au Monténégro, travaillant en échange du gîte et du couvert. Puis, elles ont continué vers l'est, traversé les Balkans, la Turquie, jusqu'à atteindre l'Iran en juin 2024, sans jamais utiliser le moindre moyen de transport.
Un couple de lesbiennes, seules à pied à travers l'Iran: les deux femmes ont abordé cette étape avec respect et incertitude, et ont été agréablement surprises. «L'Iran est un pays incroyablement accueillant», sourit Carol. Elles ont été constamment invitées chez des Iraniens. «Parfois, nous avons dû vraiment nous battre pour pouvoir dormir dehors», ajoute Carol. Après trois mois en Iran, parfois, l'hospitalité est presque étouffante.
Elles ont porté le voile, respecté les règles et savaient que leur relation amoureuse était illégale là-bas. Pourtant, personne n'a remis en question leur relation. Lorsqu'on les interrogeait sur leurs maris, elles montraient des photos de connaissances.
Vipères et confiance en la vie
Plus à l'est, au Pakistan, elles se sont retrouvées dans des situations délicates. La gratuité des déplacements étant limitée, elles ont emprunté les transports en commun. «Nous avons voyagé en bus sur l'une des routes les plus dangereuses du monde, sur laquelle les accidents sont un problème constant», raconte Jasmin. «Nous avons été un peu naïves, mais nous avons eu de la chance.»
Les différences culturelles entre les pays étaient importantes, se souvient Jasmin. Mais à pied, on a le temps de les saisir. «Le pays change plus lentement, et la culture aussi. On a le temps de s'en imprégner.» Un jour, elles ont rencontré une vipère qui s'est dressée sans les attaquer. Elles ont affronté des sangsues et des moustiques, mais n'ont jamais été volées, menacées ni attaquées en quatre ans. «Nous sommes convaincues que l'être humain est fondamentalement bon», déclare Carol. «Notre voyage en a été la preuve.»
Le 13 février 2025, après quatre ans et 16'000 kilomètres de marche, elles sont arrivées au Népal et ont pu profiter de la nature. Cet été, elles sont rentrées chez elles, mais seulement temporairement. «L'argent devrait encore suffire pour deux ans», estiment-elles. Il y a une semaine, elles sont reparties au Népal. Elles prévoient maintenant de poursuivre leur route vers l'Inde, toujours à pied.