Le médiateur suisse des voyages se confie
«En vacances, la vieille génération est la plus râleuse»

Walter Kunz sert d'intermédiaire pour régler les litiges entre les voyageurs et les prestataires de services en Suisse. Il critique les compagnies aériennes, partage plusieurs cas de réclamations et offre des conseils pratiques aux voyageurs.
Publié: 11:18 heures
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Dernière mise à jour: 12:13 heures
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Le médiateur de voyages suisse Walter Kunz devant une carte du monde dans son bureau à Zurich.
Photo: Linda Käsbohrer
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Fabian Eberhard

Walter Kunz, vous traitez près de 1000 plaintes chaque année. De quoi les Suisses se plaignent-ils le plus souvent?
Des compagnies aériennes, de la nourriture, de la propreté et, étonnamment, de la météo.

Les gens se plaignent-ils vraiment du temps auprès de vous, grand médiateur des voyages?
Cela arrive. Bien sûr, je ne peux rien y faire. Il n'y a pas d'indemnisation prévue pour compenser les vacances gâchées à cause du mauvais temps.

Vous énervez-vous contre de tels clients?
Pas du tout. Mais je dois refuser de manière relativement ferme les demandes de ce genre.

Y a-t-il des groupes de population qui sont particulièrement râleurs?
La vieille génération. Elle est devenue très exigeante. Il suffit qu'un petit élément ne lui convienne pas pour qu'elle fasse immédiatement une réclamation. Si la demande est justifiée, nous faisons en sorte d'y répondre. 

Et ça marche?
La plupart du temps, il est possible de faire quelque chose, oui.

Parvenez-vous souvent à obtenir des remboursements en cas de litige?
Il faut noter que les remboursements ne se font pas toujours en espèces. Le montant le plus important que j’aie pu obtenir dans le cadre d’une médiation s’élevait à 60'000 francs.

C'est une énorme somme…
Il s'agissait d'un voyage de luxe de deux semaines pour deux personnes, qui a coûté près d'un quart de million. Vol en première classe, transfert privé sur une île, un bungalow sur l'eau, et même un majordome personnel!

Et quel était le problème?
Les clients ont l'impression d'avoir été mal conseillés. Et des déchets étaient brûlés jour et nuit sur l'île voisine. Ils ont alors demandé à être relogés dans un autre bungalow situé de l'autre côté de l'île. Sauf qu'il coûtait bien moins cher que celui qu'ils avaient initialement réservé. Les clients ont alors réclamé 80'000 francs à l'organisateur de voyages, mais le prestataire ne leur offrait que 20'000 francs. Finalement, notre médiation a permis d'obtenir un compromis de 60'000 francs.

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Réservez toujours vos vols auprès de prestataires suisses. Nous pourrons ainsi vous aider en cas de litige.
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Mais la plupart du temps, le cas que vous traitez ne portent pas uniquement sur des questions d'argent, non?
Exact. Hier, par exemple, une femme s’est plainte que son enfant n’avait pas reçu le menu végétarien commandé à l’avance dans l’avion, tout simplement parce qu’il dormait au moment de la distribution des repas. Swiss s'est excusée et a dédommagé la mère à hauteur de 200 francs. Je trouve cela très bien.

Un tiers de toutes les demandes qui vous sont adressées concerne des vols, comme des remboursements ou des bagages en retard.
Nous sommes littéralement submergés par ces demandes, et cela ne semble pas près de s'arrêter. Mais le médiateur n'est compétent que lorsque le vol a été réservé auprès d'une agence de voyage ou d'un organisateur basé en Suisse. De mon côté, j’étais prêt à faire évoluer les choses et à prendre en charge tous les cas de vols, quelle que soit la situation. C'est pourquoi j'ai fait une proposition aux compagnies aériennes: nous jouons le rôle d'intermédiaire, et vous vous chargez de dédommager les clients. 

Ont-elles accepté?
Malheureusement pas. Pour moi, c’est un véritable affront envers mes propres clients. D'autant plus que l'Office fédéral de l'aviation civile est complètement débordé par l’afflux de demandes. Les délais de traitement peuvent aller jusqu'à douze mois! Ce matin encore, une cliente m'a confié, non sans ironie, que Swiss ferait mieux de renoncer à ses Schöggeli (ndlr: ses petits chocolats) et de mettre en place un service clientèle digne de ce nom. Honnêtement, je ne pouvais pas la contredire.

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Les différences culturelles sont souvent à l'origine des conflits
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Que conseillez-vous aux voyageurs?
Réservez toujours vos vols auprès de prestataires suisses. Nous pourrons ainsi vous aider en cas de litige. Mais attention! Le suffixe CH sur un site web ne signifie pas qu'il s'agit forcément d'une entreprise suisse. Vérifiez toujours les mentions légales pour vous assurer que le siège du prestataire se trouve réellement en Suisse. Evitez absolument de réserver auprès de fournisseurs inconnus à bas prix trouvés sur Internet.

Depuis juillet 2024, vous êtes également compétent de gérer les litiges entre les vacanciers et les hôtels, ou les appartements de vacances en Suisse. Quels sont les problèmes que vous rencontrez le plus souvent?
Les différences culturelles sont souvent à l'origine des conflits. Des personnes issues d'autres cultures, par exemple, ont une conception très différente du voyage. Certains voyageurs se cuisinent par exemple quelque chose dans leur chambre d'hôtel avec un réchaud à gaz, jusqu'à ce que le détecteur de fumée se déclenche. Ou ils réservent deux chambres doubles et voyagent à huit. Ce n'est évidemment pas possible.

Pourquoi ne pouvez-vous rien faire si des clients réservent via Airbnb?
Comme pour les compagnies aériennes, nous avons proposé à Airbnb de gérer les médiations contre un dédommagement. Nous avons effectivement engagé des discussions sur une collaboration – avec Booking aussi d'ailleurs – mais ces négociations sont pour l'instant au point mort. Je suppose que les deux prestataires préfèrent éviter de susciter des convoitises. En effet, si nous prenons en charge cette mission en Suisse, il est probable que des demandes similaires proviennent d’autres pays européens.

Vous venez vous-même de rentrer de vacances. Où vous détendez-vous?
Je suis allé au Portugal. Une semaine à Aroeira, au sud de Lisbonne, et une semaine à Cascais, à l'ouest de la capitale.

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Il est essentiel de limiter le nombre de visiteurs dans certains sites. Le tourisme doit être durable et bénéficier à la fois aux touristes qu'aux locaux.
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Le sud de l'Europe, un grand classique…
J'aime passer mes vacances là où je peux jouer au golf. C'est notre sport préféré, avec ma femme. Du golf, un bon repas et du bon vin: la recette du bonheur. 

Y a-t-il un endroit où vous ne poseriez jamais vos valises?
Je suis ouvert à tout, en principe. 

Votre prédécesseur a mis en garde contre les voyages aux Baléares, en Egypte et en Grèce à cause du surtourisme. Y a-t-il des destinations que vous déconseillez?
Loin de moi l’idée de dire aux gens où ils doivent passer leurs vacances. Si quelqu’un souhaite aller en Russie par exemple, c’est son choix. En revanche, je partage l’avis de mon prédécesseur: le surtourisme dans de nombreux endroits pose un réel problème. Je pense qu’il faut que nous agissions pour y remédier.

Que proposez-vous?
Il est essentiel de limiter le nombre de visiteurs dans certains sites. Le tourisme doit être durable et bénéficier autant aux touristes qu'aux locaux. Prenons l'exemple de la cité inca du Machu Picchu, au Pérou. Là-bas, les visiteurs doivent acheter un billet d'entrée – une mesure instaurée pour réguler l'affluence. 

Quels sont vos trois principaux conseils pour passer des vacances sans encombres?
Tout d'abord, étudiez la destination avant de partir. Quelles sont les coutumes locales? Quelles sont les règles en vigueur? Vous vous éviterez beaucoup d'ennuis. Deuxièmement, pensez aux petits détails. Emportez par exemple toujours une brosse à dents et des sous-vêtements pour une journée dans votre bagage à main. Cela peut vous sauver la mise en cas d'imprévu avec vos bagages.

Et enfin?
Je l’ai déjà dit, mais c’est un point qui me tient particulièrement à cœur: réservez vos voyages auprès d’un prestataire suisse. Cela fait plus de 40 ans que je travaille dans le secteur du voyage, et pourtant, je vois encore apparaître des plateformes douteuses dont je n’ai jamais entendu parler. Si vous choisissez ce type de prestataire uniquement pour économiser quelques francs, il ne faut pas s’étonner de rencontrer des problèmes par la suite.

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