Et si le véritable luxe des vacances, c’était de ne plus rien avoir à décider? Bienvenue dans l’univers des croisières, où tout est prévu pour que vous n’ayez plus qu’à savourer. Ces villes flottantes font le bonheur d’un nombre croissant de vacanciers… au grand dam de l’environnement.
Plus de cinq ans après la crise du Covid-19, la pire que l’industrie ait jamais connue, le secteur affiche un rebond spectaculaire, presque insolent, rapporte «Le Monde» mardi 15 juillet. Aucun autre pan du tourisme n’a connu une telle envolée. Record battu en 2023, puis aussitôt dépassé en 2024 avec 34,6 millions de passagers. Et l’ascension continue. D’ici à 2027, la Cruise Lines International Association prévoit 40 millions de croisiéristes.
Pourtant, jusque dans les années 1960, la croisière restait un privilège d’élite, réservé aux plus fortunés. Un véritable tournant a été la diffusion dans les années 1970 de la série culte «La Croisière s'amuse». Véritable spot publicitaire à succès, elle participe à populariser l’image glamour de la croisière, encore méconnue du grand public. Depuis, l’industrie a su se réinventer: plus accessible, plus jeune, plus grand public… jusqu’à devenir un mode de voyage plébiscité par tous ceux qui recherchent confort, divertissement… et lâcher-prise.
Du low cost au grand luxe
La machine lancée dans les années 70, les bateaux sont devenus au fil des décennies de plus en plus colossaux, jusqu'à atteindre un sommet en 2024 avec la mise en service du Royal Caribbean, capable d'accueillir 10'000 personnes. Malgré cette course au gigantisme, les compagnies n’ont aucune peine à remplir leurs navires. Plus le bateau est grand, plus les coûts sont mutualisés: les économies d’échelle permettent d’offrir des prix attractifs, tout en proposant une offre démesurée de divertissements à bord: patinoires, toboggans, tyroliennes, spas, comédies musicales, terrains de sport…
Des vacances à prix cassés qui séduisent une classe moyenne en quête d’évasion. Il est possible de partir en Méditerranée ou dans les Caraïbes pour moins de 800 francs la semaine, repas compris. Et encore moins en basse saison ou en réservant à la dernière minute.
Mais au sein de ces villes flottantes, les hiérarchies sociales persistent. A bord du MSC Seaview, qui embarque jusqu’à 5300 passagers, les plus fortunés peuvent accéder au très exclusif Yacht Club, avec piscine, solarium, restaurants privés et personnel dédié.
Une clientèle de plus en plus jeune
L’image de la croisière réservée aux retraités s’efface peu à peu. L’âge moyen des passagers est en baisse: 49 ans il y a dix ans, contre 46 aujourd’hui. Mieux encore, 31% des passagers en 2024 effectuaient leur première croisière. Pour séduire une clientèle plus jeune, Virgin a par exemple lancé en 2024 des croisières festives, clairement orientées pour les jeunes adultes.
Les formats courts, de trois à quatre jours, séduisent les curieux qui veulent tester l’expérience sans s’engager sur une semaine. Les familles, elles, sont attirées par les clubs enfants et ados, voire les garderies pour les plus petits. De quoi embarquer plusieurs générations.
Une industrie peu régulée
Autre avantage, les croisières sont moins affectées par l’inflation que le tourisme terrestre. Le secteur bénéficie d’une législation plus souple, de régimes fiscaux avantageux et d’un droit du travail minimaliste. A bord, des employés souvent originaires du Sud global enchaînent les heures pour environ 1000 dollars par mois (800 francs suisses).
Et si les formules sont dites «tout compris», les passagers sont largement incités à consommer à bord. Boissons, excursions, souvenirs: ces dépenses représentent jusqu’à 30% du chiffre d’affaires des compagnies. Dernière tendance: l’achat d’îles privées où seules les compagnies peuvent accoster. Objectif: contrôler l’expérience jusqu’au bout… et échapper à la saturation des ports, souvent incapables d’accueillir ces géants des mers.
Mais derrière cette success story se cache un revers bien connu: l’impact environnemental colossal des croisières. Un seul paquebot peut émettre autant de particules fines qu’un million de voitures en une journée. A cela s’ajoutent les rejets d’eaux usées, les déchets en mer et la pollution des ports. Malgré quelques efforts pour verdir leur image, la majorité des navires utilisent encore du fioul lourd, l’un des carburants les plus polluants au monde.