Un expert en gastronomie dénonce une pression sociale
La nouvelle mode du pourboire «à l'américaine» affecte la confiance des clients

Le pourboire suggéré, affiché sur les terminaux de paiement, crée une pression sociale selon l'expert Daniel Marbot. Cette pratique pourrait nuire à la relation client-établissement et remettre en question l'idée de salaires équitables dans la restauration suisse.
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La nouvelle méthode de pourboires met les Suisses sous pression.
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Nicola Imfeld

Après les années Covid, la pratique du pourboire suggéré s'est propagée des Etats-Unis à la Suisse et gagne du terrain. De nombreux clients le constatent actuellement, notamment sur les stands de plats à emporter des marchés de Noël. «Je déteste ça par-dessus tout», écrit ainsi un client sur le forum Reddit à propos de cette pratique notamment observée dans plusieurs villes suisses.

Le système est simple: vous achetez un vin chaud et payez par carte. Mais avant que la transaction ne soit finalisée, une question s'affiche sur le terminal: souhaitez-vous laisser un pourboire? Les options proposées sont généralement les suivantes: pas de pourboire, 10, 15 ou 20%. Le temps que le client fasse son choix, il n'est pas rare que le vendeur ou la vendeuse se tienne juste à côté et observe le choix effectué. 

«Le pourboire devient une pression sociale»

Des études menées aux Etats-Unis montrent que ce levier psychologique fonctionne. L'expert en gastronomie Daniel Marbot porte toutefois un regard critique sur cette nouvelle méthode de perception du pourboire, comme il l'explique à Blick. Daniel Marbot conseille des entreprises de restauration et des investisseurs dans toute la Suisse et met en garde contre les effets de cette pratique. «Le sujet préoccupe actuellement la branche de manière intense et très émotionnelle», souligne-t-il. 

Selon Daniel Marbot, ce sont précisément les demandes de pourboires automatisées aux comptoirs ou en libre-service qui déplacent profondément la responsabilité et les attentes. «Le pourboire passe ainsi d'un signe volontaire de reconnaissance à une situation de pression sociale. A long terme, cela nuit fortement à la confiance entre la clientèle, l'établissement et le personnel, et cela sape l'idée même de salaires équitables.»

Cette pratique peut aussi se révéler contre-productive pour les entreprises. Les études montrent que si les clients, soumis à cette pression, donnent effectivement davantage de pourboires, ils quittent en revanche le bistrot ou le stand de plats à emporter avec un sentiment négatif. A long terme, cet effet pourrait avoir un effet boomerang.

La culture américaine va-t-elle débarquer en Suisse?

Car aux Etats-Unis, le personnel dépend largement de pourboires de 15 à 20%. Les salaires dans la restauration y sont délibérément maintenus à un niveau très bas par les employeurs, la clientèle compensant cette différence par les pourboires. En Suisse, la situation est différente: le pourboire n'y est pas automatique, mais reste réservé à un service jugé exceptionnel.

Cela restera-t-il le cas? Daniel Marbot l'espère: «Le pourboire est bien plus qu'un montant. C'est un remerciement direct, spontané, humain. Il n'a pas sa place dans la structure salariale, mais entre les mains de celles et ceux qui font du bon travail.»

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