Un «fantôme de Bakhmout»
Ce sniper suisse s'est engagé pour l'Ukraine, le voilà face à la justice

Le tireur d'élite suisse Avi Motola a combattu en Ukraine contre les forces russes. Poursuivi pour service militaire à l'étranger, le Schaffhousois doit désormais répondre de ses actes devant la justice suisse. Mais se va-t-il seulement se présenter à son procès?
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Le mercenaire ukrainien Avi Motola est originaire de Schaffhouse.
Photo: Zvg
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Fabian Eberhard

Avi Motola est-il un héros, un gangster ou un homme aveuglé par la violence? Ce Schaffhousois aurait combattu pendant près de deux ans en Ukraine. Il doit désormais répondre devant la justice militaire suisse. Jeudi, il pourrait devenir le premier mercenaire suisse engagé en Ukraine à comparaître devant un tribunal.

Pour les enquêteurs, le dossier est clair: Avi Motola a servi dans une armée étrangère et s'est ainsi rendu pénalement punissable. Selon l'acte d'accusation, il aurait combattu au sein de la Légion internationale pour la défense de l'Ukraine entre février 2022 et la fin de l'année 2024 au moins.

Les «fantômes de Bakhmout»

De nombreux récits entourent l'engagement du Schaffhousois, certains étant en partie nourris par la propagande russe. Avi Motola aurait combattu au sein des «fantômes de Bakhmout», un groupe non officiel de tireurs d'élite auquel on attribue la mort de plusieurs centaines de combattants du groupe russe Wagner lors de la bataille pour la ville de Bakhmout, dans l'est de l'Ukraine.

Un tribunal de la région de Donetsk, occupée par Moscou, a condamné par contumace le sniper suisse à 14 ans de camp pénitentiaire. Selon les autorités russes, il est accusé de «participation à un génocide contre des Russes» et de «pillage».

Un passé criminel

Jeudi, Avi Motola doit comparaître devant le tribunal militaire. L'audience se tiendra au tribunal de district de Meilen, à Zurich. Pour avoir accompli un service militaire à l'étranger, il risque une amende, voire une peine de prison – un environnement qu'il connaît bien. Le Schaffhousois a passé plusieurs années derrière les barreaux, notamment au sein de la prison zurichoise de Pöschwies.

Son casier judiciaire est chargé: voies de fait, vols, escroqueries. Sa mère confie à Blick: «Tout jeune, il se faisait déjà remarquer. Dès sa première année, j'ai été convoquée quatre fois à l'école en une seule semaine.» Elle affirme également avoir été menacée par son fils: «Il m'a mis un couteau sur le ventre dans la cuisine.»

La mère exprime par ailleurs des doutes quant aux activités militaires de son fils: «Avi a toujours eu une grande gueule». Le Schaffhousois a même failli être interné. En raison de graves troubles psychiques, une peine avait été suspendue au profit d'une thérapie psychiatrique stationnaire, appelée dans le langage courant un «petit internement».

«La seule chose que je sais bien faire, c'est me battre»

Rien ne dit toutefois qu'une condamnation sera prononcée jeudi. Plusieurs indices laissent penser qu'Avi Motola pourrait ne pas se présenter à son procès. Le groupe CH Media a récemment retrouvé sa trace à Tel Aviv. Le Schaffhousois possède également la nationalité israélienne et parle couramment hébreu.

Il bénéficie de la présomption d'innocence. Mais Avi Motola n'a jamais caché son engagement armé en Ukraine. «Quand un pays, un peuple, est attaqué sans faute de sa part par un voisin beaucoup plus grand, il faut l'aider», avait-t-il déclaré aux titres de CH Media. «La seule chose que je sais bien faire, c'est me battre.»

Selon lui, la Suisse, pourtant riche, devrait avoir honte de ne pas soutenir davantage les défenseurs ukrainiens. Notre pays aurait simplement peur de la Russie et des conséquences économiques: «Nous sommes un peuple de lâches.»

Et s'il ne se présentait pas?

Ni l'accusé ni son avocate n'ont souhaité s'exprimer auprès de Blick. Si Avi Motola ne se présente pas jeudi, le président du tribunal peut ordonner une procédure par défaut. Le procès se déroulerait alors en son absence. En cas de condamnation par contumace, la question du droit d'être entendu se poserait toutefois, l'accusé devant pouvoir assurer sa défense.

Quoi qu'il en soit, ce procès devrait faire date. C'est la première fois que la justice militaire suisse inculpe un mercenaire engagé en Ukraine. D'autres procédures pourraient suivre: des enquêtes sont actuellement en cours contre 15 autres combattants présumés.

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