Leurs organes pour la paix
Tuer 876'000 Russes en échange du Donbass: une folie venue d'Ukraine

L'Ukraine et la Russie n'ont fait aucun progrès dans la résolution du conflit. Une situation qui résulte principalement des exigences grotesques de Moscou. Mais l'Ukraine ne se laisse pas vaincre si facilement, même sur le champ de bataille des absurdités.
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Le président Volodymyr Zelensky s'est rendu en personne vendredi sur le front de Kupjansk.
Photo: AFP
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Samuel Schumacher

S'il y a bien une chose dont les Russes ne manquent pas, c'est de créativité. Les exigences formulées par Vladimir Poutine et ses hommes deviennent chaque jour plus absurdes. Un exemple flagrant: Moscou exige que l'Ukraine se retire des 6000 kilomètres carrés qu'elle contrôle encore dans le Donbass. Kiev devrait remettre les grandes villes fortifiées de Kramatorsk et de Sloviansk aux Russes sans combattre.

La stratégie de Poutine est simple: il tente d'obtenir politiquement tout ce qu'il ne peut achever militairement. Etonnamment, Moscou parvient à emballer ces fantasmes de guerre de manière à ce qu'ils paraissent légitimes, au moins aux partenaires de négociation américains.

L'Ukraine contre-attaque

Mais l'Ukraine ne veut pas laisser le champ des absurdités aux Russes sans résistance. Du côté ukrainien aussi, les exigences grotesques sont de plus en plus appréciées. Aucune d'entre elles n'est aussi brutale que celle de l'avocat ukrainien Vitali Kolomijets, dont les contributions sont largement diffusées sur les réseaux sociaux ukrainiens.

Vitali Kolomijets a calculé le nombre de soldats supplémentaires que Poutine devrait sacrifier pour conquérir complètement le Donbass. Au cours de la guerre, les Russes ont perdu 146 soldats par kilomètre carré conquis. Si l'on extrapole ce chiffre aux 6000 kilomètres carrés du Donbass contrôlés par les Ukrainiens, on arrive à 876'000 soldats russes qui tomberaient dans la bataille pour le territoire – ou qui seraient épargnés si le territoire changeait de camp sans combat.

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L'avocat ukrainien ne veut pas accepter cela et écrit sur Facebook que Poutine peut volontiers avoir le Donbass «si la Russie nous autorise à exécuter 876'000 soldats russes de notre choix. Avec chaque Russe assassiné, les exigences en matière de garanties de sécurité que les Etats-Unis devraient fournir diminueraient alors.»

Et si Poutine acceptait?

L'idée a rapidement fait son chemin dans les cercles de droite en Ukraine. Dmitro Kortchinski, leader volubile du mouvement d'extrême droite «Fraternité», réfléchit à haute voix à la manière dont l'Ukraine pourrait profiter du trafic des organes des Russes livrés.

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Poutine finirait probablement par accepter la proposition
Dmitro Kortchinski, leader du mouvement d'extrême droite «Fraternité»
»

La démarche n'est pas sérieuse bien sûr. Le danger, écrit Dmitro Kortchinski lui-même à propos de son idée, réside dans le fait que «Poutine finirait probablement par accepter la proposition».

Rendre des armes nucléaires

Combattre l'absurde par l'absurde ne fonctionne que rarement. L'avocat Vitali Kolomijets le sait bien. Dans une deuxième proposition plus sérieuse, il suggère que la Russie restitue les armes nucléaires que Kiev lui a transmis en 1994 en échange de garanties de sécurité russes. En outre, les avoirs russes gelés devraient être utilisés pour indemniser les survivants des soldats ukrainiens tombés au combat.

Les perspectives pour ces deux revendications sont actuellement mauvaises. La Russie veut aller jusqu'au bout de sa guerre d'usure. En 2025, Moscou n'a conquis que 0,77% du territoire ukrainien, selon l'Institut américain d'études sur la guerre (ISW). Pour cela, Poutine a sacrifié jusqu'à présent 391'270 de ses propres hommes, selon la méthode de comptage ukrainienne qui ne fait pas de distinction entre les morts et les blessés.

Poutine ose une mobilisation cachée

Ces chiffres d'horreur ne semblent pas freiner Poutine. Lundi, il a signé un décret permettant à l'armée russe de faire appel à un nombre non précisé de réservistes en 2026. En novembre déjà, Poutine avait assoupli les objectifs, jusqu'alors très limités, pour lesquels les réservistes pouvaient être appelés. En d'autres termes, il facilite la tâche de ses commandants en envoyant directement au front les réservistes appelés.

Les experts de l'ISW considèrent cette chaîne de décisions comme une nette «rupture du contrat social russe», une sorte d'accord tacite entre le Kremlin et le peuple russe: vous nous laissez gouverner sans être dérangés, en échange nous vous laissons vivre sans être dérangés. Cette mesure est nécessaire parce que Poutine craint une mobilisation officielle des jeunes hommes, qui pourrait générer une vague de protestation. Et parce qu'il n'a plus d'argent pour payer les primes élevées aux combattants volontaires.

Malgré tout, rien ne laisse présager une fin prochaine de la guerre. Au contraire, plus les exigences des deux parties pour un accord de paix deviennent absurdes, plus il est réaliste de penser que cette guerre fera encore rage pendant des années. 

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