Etait-il acceptable que des milliardaires se rendent dans le Bureau ovale auprès du président américain Donald Trump, qu’ils lui remettent un lingot d’or et qu'ils parviennent à sortir la Suisse de l'impasse douanière alors que les politiques avaient, eux, échoué? Depuis cette visite début novembre, le débat agite le pays.
Désormais, on apprend que le rôle de l'un d'entre eux était encore plus important que ce que l'on croyait jusqu'à présent. Selon des informations de la «SonntagsZeitung», l'entrepreneur Alfred Gantner s'est impliqué dans les négociations bien avant sa venue à la Maison Blanche.
Il aurait ainsi participé dès le mois de septembre aux entretiens entre le ministre de l’Economie Guy Parmelin et le secrétaire américain au Commerce Howard Lutnick. Le Département fédéral de l’Economie l’a confirmé au journal, précisant que des contacts issus du monde économique avaient été déterminants pour organiser ces rencontres.
Scepticisme du côté politique
Alfred Gantner aurait notamment expliqué à ses interlocuteurs américains comment des entreprises suisses entendaient investir aux Etats-Unis afin de réduire le déficit commercial. Une implication accrue qui irrite certains responsables politiques, comme la conseillère aux Etats centriste Marianne Binder ou la conseillère nationale verte Christine Badertscher.
Ces dernières mettent en garde contre une confusion trop importante entre intérêts politiques et économiques. «L’agenda de Monsieur Gantner soulève de nombreuses questions», estime Marianne Binder.
Le Département fédéral de l’Economie insiste toutefois sur le fait qu'Alfred Gantner n’a pas négocié et n’a signé aucune clause de confidentialité. «Les discussions techniques ont eu lieu lors d’autres réunions», affirme-t-il.
Mais d’où viennent les 200 milliards?
D’autres zones d’ombre apparaissent cependant autour du projet d'accord entre la Suisse et les Etats-Unis. L’origine des 200 milliards de dollars d’investissements promis par des entreprises suisses reste par exemple encore très floue. Selon la «NZZ am Sonntag», plusieurs groupes auraient calculé leurs engagements de manière pour le moins audacieuse.
Les montants particulièrement élevés annoncés par Roche et Novartis – 50 milliards chacun – ne correspondraient pas à de véritables investissements matériels, car les groupes intégreraient aussi des coûts de personnel, de marketing et d’autres dépenses.
Même Berne ne sait rien
Toujours selon le journal, la Confédération ne sait pas précisément comment ces 200 milliards vont être obtenus, ni quelles entreprises comptent contribuer et à quelle hauteur. Seule la Chambre de commerce suisse-américaine, dirigée par Rahul Sahgal, dispose d’une vue d’ensemble, issue d’une enquête menée auprès de 1500 sociétés membres.
Les promesses d’investissements concerneraient environ 60 entreprises, dont la plupart seraient des grands groupes. «La liste détaillée des engagements est strictement confidentielle et n’est connue que de la Chambre de commerce», indique Rahul Sahgal.
Même le Secrétariat d’Etat (SECO) à l’économie ignore les contributions prévues par chaque entreprise. La raison invoquée: les données pourraient influencer les marchés et leur publication profiterait potentiellement aux concurrents.