Les avertissements, les restrictions et les interdictions n'y ont rien changé: l'esthéticienne Fatma Y.*, qui se faisait passer pour un médecin, aurait continué à pratiquer des traitements esthétiques pour lesquels elle n'avait aucune qualification.
Tout a basculé lorsqu'une grave complication médicale est survenue à la suite d'une intervention catastrophique. Après le dépôt d'une plainte, les autorités sanitaires argoviennes ont décidé d'agir: à la mi-novembre, elles ont ordonné la fermeture de son institut de beauté à Wettingen, dans le canton d'Argovie.
«Elle m'a défigurée»
Adelina M.* de Dietikon (ZH) a, elle aussi, fréquenté le cabinet de Fatma Y. Cette mère de deux enfants y a suivi un traitement en juillet 2023. Son souhait: atténuer ses cernes sombres et relâchés. Un traitement de mésothérapie – une technique d'injection peu invasive utilisant un cocktail de substances actives – est alors envisagé.
Mais au lieu de cela, l'esthéticienne lui a injecté un produit de comblement – de l'acide hyaluronique – dans la zone concernée, comme Adelina M. l'a appris plus tard. Un traitement qu'elle n'aurait pas le droit de pratiquer en Suisse.
Aujourd'hui encore, elle se bat contre des gonflements, des décolorations et des irrégularités dans le contour des yeux. «Elle m'a défigurée, j'avais l'air d'un monstre», confie cette femme de 44 ans à Blick. «Maintenant, je déteste me regarder dans le miroir!»
Des gonflements permanents
Pourtant, au début, les choses commencent bien: «Elle disait qu'après, je serais radieuse, que tout serait tendu et lisse», raconte Adelina M.. Elle a donc payé 150 francs et laissé faire l'esthéticienne. «Elle m'a expliqué qu'il y aurait probablement des gonflements, mais qu'ils disparaîtraient au bout de deux ou trois jours.» Mais le gonflement est resté, comme le montrent les photos d'Adelina M.. Le contour de ses yeux est teinté d'un bleu rougeâtre et est extrêmement gonflé.
Après cela, Adelina M. n'avait plus qu'une envie: tout annuler. Comme le montre leur échange WhatsApp, l'esthéticienne a fini par accepter de commander de l'hylase, un produit destiné à dissoudre l’acide hyaluronique. «Je suis allée la voir en pensant qu'elle assumerait ses responsabilités, mais rien à faire! Elle a même exigé que je paie l'antidote, 100 francs, en prétendant que le résultat n'était pas de sa faute», déplore Adelina M..
5000 francs perdus
Comme le produit de comblement ne s'est pas entièrement résorbé après la première injection d'hylase, Adelina M. a dû subir une deuxième intervention – une fois encore facturée 100 francs. Pourtant, même après ce deuxième traitement, le résultat restait insatisfaisant. «J'ai entre-temps sollicité plusieurs avis, et on m'a expliqué que de l'acide hyaluronique avait été utilisé et qu'il avait été injecté de manière incorrecte.»
Entre-temps, Adelina M. a tenté divers traitements, sans succès. Aujourd'hui encore, le contour de ses yeux reste rougeâtre, irrégulier, et la peau est bien plus flasque qu'auparavant. Dévastée, elle confie: «Je ne sais pas si c'est encore récupérable.» Coût total jusqu'à présent? Près de 5000 francs.
4,3 étoiles sur Google
Fatma Y. ne veut pas s'exprimer sur les reproches concrets qui lui sont faits lorsque Blick la contacte. L'esthéticienne fait référence à ses nombreuses évaluations sur Google. «J'ai 550 critiques, dont 500 sont bonnes et 50 mauvaises. Je pense que cela montre suffisamment que je ne suis pas si mauvaise.»
En effet, l'esthéticienne a 4,3 étoiles sur 5 et plus de 460 avis sur Google. Certes, beaucoup d'entre eux sont tout à fait positifs, mais les évaluations assassines ne sont pas si rares. On peut par exemple lire: «Ça ressemble à un studio d'arrière-cour. Aucune formation vérifiable, des matériaux douteux et un travail peu soigné et négligent!»
Plus dérangeant encore: sur Instagram et sur Whatsapp, l'esthéticienne s'auto-proclame docteur en médecine, bien que, selon les recherches de Tele M1, elle ne possède aucun diplôme qui l'atteste. Elle explique toutefois à Blick qu'elle a bel et bien étudié la médecine en Iran. Elle possède en effet un certificat de formation datant de 2018, mais elle n'est pas inscrite au registre suisse des professions médicales. Sur une photo obtenue par Blick, elle se montre en blouse blanche et avec un stéthoscope.
Quatre plaintes déposées
Interrogé par Blick, le Département de la santé et des affaires sociales du canton d'Argovie a indiqué que Fatma Y. avait bénéficié d'une audience à la suite de la fermeture temporaire de son établissement. L'esthéticienne est actuellement interdite d'exercer sa profession dans le canton.
Le 24 juin 2024, le département de la santé aurait en outre déposé une plainte pénale contre la propriétaire. Cette dernière porte sur une infraction présumée à l'article 86, alinéa 1, lettre a de la loi sur les produits thérapeutiques: elle aurait mis en circulation des médicaments sans le permis requis. Cela peut être sanctionné par une amende ou une peine d'emprisonnement de trois ans au maximum.
Et les ennuis ne s'arrêtent pas là: depuis la fermeture du cabinet, trois autres plaintes ont été déposées contre l'esthéticienne. Adelina M. songe elle aussi à suivre le mouvement et se réjouit de la fermeture de l'institut. «Au moins, d'autres personnes sont maintenant en sécurité!»
*Noms connus de la rédaction