«Ce qui compte c'est l'argent»
Les stratagèmes de ces salons de beauté suisses pour arnaquer leur clientèle

Un réseau de salons de beauté suisses est accusé d’attirer les clients avec du champagne et des offres séduisantes avant de leur vendre des produits à plusieurs milliers de francs. D’anciens employés dénoncent des pratiques trompeuses, ce que la direction rejette.
Publié: 05:53 heures
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Dernière mise à jour: 05:58 heures
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L'ex-collaboratrice Stella S.* a travaillé pendant près d'un an dans ce réseau suisse de salons de beauté controversé.
Photo: Karin Frautschi
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Karin Frautschi

Devant l’entrée du magasin, des employés attirent les passants à l’aide de quelques échantillons. Une fois à l’intérieur, ils leur offrent une coupe de champagne et tentent de leur vendre des produits cosmétiques onéreux, tels que des masques à LED ou des crèmes haut de gamme. Le montant de ces achats peut parfois atteindre plusieurs milliers de francs.

Un réseau de boutiques suisses, dont les noms changent constamment, a fait parler de lui à plusieurs reprises ces derniers mois – et pas de façon élogieuse. L'émission «Kassensturz» de la SRF a par exemple fait état de vendeurs agressifs et de produits cosmétiques peu efficaces selon un dermatologue.

Aujourd'hui, d'anciens collaborateurs se confient et mettent en garde contre un système d'arnaques. L'une d'entre elles est Stella S.*, qui a travaillé pendant près d'un an pour l'un de ces magasins.

Du personnel non formé

«C'est terrible de voir tout ce qui se passe en arrière-plan», dit-elle. Selon son témoignage, les magasins font de la publicité sur les réseaux sociaux, par exemple en proposant des soins du visage à prix réduit, et attirent ainsi des clients dans leurs boutiques. La communication se fait principalement en anglais. Une partie du personnel des boutiques n'aurait d'ailleurs pas été formé aux traitements cosmétiques, explique Stella S. «Personnellement, je n'aurais jamais accepté de me faire traiter là-bas.»

Trois entrepreneurs des cantons de Zurich et de Zoug sont apparemment à l'origine de cette arnaque. Ils dirigent les sociétés DM Retail AG, MDM SPA et Lifestyle GmbH ainsi que trois autres entreprises.

Ces sociétés exploitent dans toute la Suisse des magasins de beauté portant des noms comme Iconique Skin, Opatra London, Skin Heaven ou Premier Dead Sea. «Ce qui compte, c'est l'argent, le chiffre d'affaires, explique l'initiée. Dès qu'une des boutiques ne fonctionne pas ou a trop d'évaluations négatives sur Google, elle ferme et rouvre quelques temps plus tard sous un autre nom.» Ce faisant, les locaux des magasins restent souvent les mêmes.

Blick s'est rendu dans l'une de ces boutiques, à Zurich. Avant même d'entrer dans le magasin Züri Skin, une vendeuse nous interpelle. Elle explique que le magasin vient d'être ouvert, à la mi-septembre plus précisément. Il s'agit du même magasin dans lequel le logo d'Iconique, l'ancienne boutique, était encore accroché il y a quelques semaines. Sur Instagram aussi, seul le nom du compte a été modifié. 

Des factures de plus de 10'000 francs

«Le réseau est complexe, explique Stella S. Il y a probablement d'autres boutiques sous d'autres noms, dont je ne sais rien.» Les trois ex-employés contactés par Blick parlent de réceptionnistes engagés pour fixer le plus de rendez-vous possibles avec les clients. La majorité des demandes proviendrait de femmes âgées ou étrangères.

«
J'étais sous le choc. J'avais de la peine pour ces clientes
Stella S.*, ancienne employée du réseau
»

«Sur la base d'informations demandées au préalable comme l'âge, le travail ou l'employeur, les clients reçoivent des offres de prix différentes pour exactement les mêmes produits», explique Stella S. Elle a parfois vu des factures de plus de 10'000 francs pour des appareils LED et des crèmes. «J'étais sous le choc. J'avais de la peine pour ces clientes.» Beaucoup d'entre elles auraient signé des contrats d'achat avec paiement échelonné, sans vraiment comprendre dans quoi elles s'embarquaient.

L'avis d'une experte

Rosalia Luketina, spécialiste en chirurgie plastique et esthétique, met en doute l'efficacité des appareils cosmétiques à LED à usage domestique: «De tels appareils ne remplacent pas les traitements médicaux professionnels. Lorsqu'il s'agit de rides profondes, de cicatrices ou de troubles prononcés de la pigmentation, les appareils à LED atteignent vite leurs limites.» L'intensité ne serait pas suffisante, et les effets à long terme ne seraient pas clairs. 

En ce qui concerne les soins du visage à prix élevé, Rosalia Luketina appelle également à la prudence: «Tout ce qui est cher n'est pas forcément mieux.» Dans le cas des crèmes cosmétiques chères, on paie généralement pour le nom de la marque et non pour la qualité des ingrédients.

Beaucoup d'avis négatifs sur Google

Après leur passage à l’institut de beauté, de nombreuses clientes ont déposé des réclamations, se souviennent d’anciens collaborateurs. «Certaines se plaignaient de produits endommagés ou déjà ouverts», raconte Stella S. D'autres auraient reçu des appareils munis de prises électriques étrangères. Au lieu de faire preuve de compréhension, les vendeurs adoptaient souvent une attitude agressive, poursuit cette ancienne employée.

Comme les avis négatifs sur Google s'accumulaient, les collaborateurs, les amis et les connaissances des gérants du réseau de l'entreprise intervenaient eux-mêmes. «Ils écrivaient en concordance des évaluations positives pour redorer le blason du magasin», confie Stella S.

Interrogés par Blick, les propriétaires confirment, mais soulignent que «la grande majorité des évaluations proviennent de vrais clients». Comme dans de nombreux secteurs, il n'est pas rare, selon eux, que des collaborateurs ou des connaissances partagent également leurs expériences.

«Technologies testées cliniquement»

Les responsables rejettent toutes les autres accusations. «Il ne s’agit pas de simples gadgets achetés en ligne, mais de technologies cliniquement testées et certifiées», affirment-ils. D'après eux, la qualité de leurs appareils résulte de plusieurs années de recherche scientifique. «Nous assumons pleinement la qualité de chacun de nos produits», ajoutent-ils.

Les responsables soulignent en outre que la majorité de leurs clients sont satisfaits: «Dans des cas isolés, des personnes changent d'avis après un achat et tentent de se présenter comme des victimes.» Et les fréquents changements de nom des boutiques? De simples modifications des droits de distribution des produits, selon eux. 

*Nom anonymisé 

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