Pour beaucoup, le passage chez le dentiste est doublement douloureux: d'abord lors du forage, puis lorsque la facture arrive. Pour atténuer la douleur financière, certains patients ont recours à des astuces perfides. Un dentiste de la région de Zurich, qui souhaite garder l'anonymat, raconte sa mésaventure pour le moins étonnante. «Récemment, un client a exigé un rabais sur sa facture. Faute de quoi il menaçait de donner une note d'une étoile à notre cabinet sur Google.» Des collègues professionnels lui auraient déjà fait part de menaces similaires.
Un vrai dilemme pour le cabinet zurichois: la concurrence est féroce dans les zones urbaines, et les évaluations Google sont pour beaucoup un critère important dans le choix d'un cabinet. «Lorsque notre moyenne d'étoiles baisse, cela fait vraiment mal», explique le dentiste à Blick.
«Rester ferme, ne pas céder au chantage»
Markus Gubler, responsable de la communication de la Société Suisse d'Odonto-stomatologie (SSO), s'exprime sur la manière de traiter de tels cas: «Nous conseillons aux personnes concernées de rester fermes et de ne pas céder au chantage.» Les évaluations en ligne sont effectivement courantes, mais la SSO les voit généralement d'un œil critique: «Elles sont souvent dominées par des avis individuels non transparents et non vérifiables, qui ne reflètent la qualité du traitement qu'en apparence.» Elles n'offrent donc pas de bonnes indications aux patientes et patients.
«L'importance des évaluations en ligne augmente», déclare l'avocat Martin Steiger, spécialisé dans les questions juridiques dans l'espace numérique. Et cela, surtout depuis que l'intelligence artificielle s'appuie sur des évaluations en ligne pour répondre, par exemple, à la question de qui est le meilleur dentiste de la ville. Outre les médecins, les artisans, l'hôtellerie et la gastronomie sont de plus en plus fréquemment l'objet de telles tentatives de chantage, selon l'avocat.
Les restaurateurs souffrent particulièrement
Une enquête menée l'année dernière auprès des membres de GastroSuisse a confirmé que ce phénomène était répandu dans la restauration: un restaurateur sur cinq a indiqué avoir déjà été victime de chantage. Plus de 80% ont déclaré avoir lu des commentaires mensongers, trompeurs et blessants à leur sujet.
«Les entreprises concernées doivent consacrer des ressources considérables pour rétablir leur réputation», explique Patrik Hasler-Olbrych, directeur ad interim de GastroSuisse, interrogé par Blick. «De telles évaluations peuvent avoir des conséquences fatales pour les établissements nouvellement créés, qui développent leur clientèle habituelle et n'ont reçu que peu d'évaluations.»
Celui qui menace de publier de mauvaises critiques pour obtenir une réduction se rend potentiellement coupable de chantage ou de contrainte, explique l'avocat Martin Steiger. «Mais une telle tentative ne peut presque jamais être prouvée, une plainte pénale n'apporte pas grand-chose.»
Souvent, l'arnaque fonctionne
Les fausses évaluations pourraient certes être signalées – parfois, elles sont même supprimées. Mais, selon Martin Steiger, il arrive aussi qu'elles ne le soient pas: «La tentation est grande pour les personnes concernées de céder au chantage et d'accorder les avantages demandés.»
Google ne donne pas d'indications sur la fréquence à laquelle les entreprises suisses demandent la suppression de commentaires, et avec quel taux de succès. Au lieu de répondre aux questions concrètes de Blick, un porte-parole du géant américain se contente d'envoyer la déclaration suivante: «Dans le cadre de nos efforts pour fournir des informations fiables sur Google Maps, nous supprimons les évaluations lorsqu'elles enfreignent nos directives de contenu ou les lois locales – mais pas seulement parce qu'elles ne plaisent pas à une entreprise.»
Le sujet préoccupe le Conseil fédéral
L'avocat Martin Steiger est également d'avis que Google ne fait pas assez d'efforts pour lutter contre les fausses évaluations. Le sujet préoccupe même le Conseil fédéral.
Le conseiller aux Etats tessinois Fabio Regazzi (Le Centre) et président de l'Union suisse des arts et métiers estime que les entreprises ne disposent actuellement pas de suffisamment de moyens juridiques pour se défendre contre les évaluations portant atteinte à leur réputation. En septembre 2024, le Conseil des Etats a transmis le postulat du centriste au Conseil fédéral. Celui-ci doit maintenant examiner comment les plateformes d'évaluation peuvent être soumises à des obligations plus strictes.