On a rarement vu autant de rose. Lorsque l'on entre dans la boutique du détaillant chinois Miniso, Via Torino 55 à Milan, on a l'impression d'être avalé par de la barbe à papa. Ce ton on ne peut plus invasif se retrouve dans presque tout ce qui est proposé ici. Des masques pour le visage et autres produits cosmétiques sont exposés sur les étagères, suivis de snacks d'inspiration japonaise, de sucreries et de gadgets tech en tout genre.
Miniso arrive en Suisse
Le colosse du commerce de détail Miniso, fondé en 2013 dans le delta chinois de la rivière des Perles et aujourd'hui coté en bourse, va bientôt débarquer. Sandra Freund est à l'origine de cette entrée rose sur le marché, comme le confirme cette spécialiste expérimentée du commerce de détail: «Je suis master-franchisée suisse de Miniso. L'entreprise m'a approchée et j'ai très vite été fascinée par le concept de ce détaillant chinois.»
L'arrivée du géant rose ne se fera pas attendre: «Ça commencera en 2026, avec les premiers magasins en Suisse.» Le concept fonctionne déjà à l'étranger, Miniso est présent dans 112 pays avec plus de 7500 magasins; à la fin de l'année, le siège de Guangzhou comptait un chiffre d'affaires de 2,3 milliards de dollars, soit 1,85 milliard de francs.
De bonnes affaires
Sandra Freund croit fermement que le 113ème pays sera, lui aussi, un succès: «Je suis convaincue à 150% que Miniso aura un impact en Suisse.» La Suissesse connaît le commerce de détail local à fond, surtout dans sa forme à petite échelle. Elle possède entre autres la chaîne de confiseries Lolipop (vingt sites en Suisse) et le concept store Swissness Feinedinge (cinq magasins). Auparavant, Sandra Freund, qui emploie aujourd'hui 200 personnes, a établi le concept danois de petites surfaces Søstrene Grene en Suisse.
Ce que l'entrepreneuse trouve si particulier chez Miniso, c'est le lien de longue date avec les grands acteurs de l'industrie du divertissement occidentale: «Environ 50% du chiffre d'affaires de Miniso est réalisé avec des articles sous licence de marques mondiales comme Disney, Marvel, Harry Potter ou Hello Kitty. C'est une activité stable et avec un très grand potentiel.» Des poupées et des personnages aux grands yeux et au pelage moelleux peuplent le pays de la barbe à papa, tous connus du cinéma et de la télévision.
Propriété intellectuelle choyée et soignée
Lorsqu'il s'agit de gérer correctement la propriété intellectuelle, la Chine a encore une réputation douteuse dans une grande partie du monde occidental. On reproche souvent au pays de s'être fait connaître moins par sa créativité que par ses imitations et ses contrefaçons.
Le fait qu'un détaillant chinois conclue des partenariats de licence officiels de longue durée avec des entreprises occidentales peut donc paraître surprenant pour beaucoup.
La Chine peut faire plus
Les détaillants chinois ont plus d'un tour dans leur sac. Sur la base des expériences faites jusqu'à présent avec des plates-formes en ligne comme Temu et Shein, les détaillants d'origine chinoise sont en règle générale des bricoleurs bon marché proposant des produits sans nom et bas de gamme. Mais les choses sont en train de changer, explique Andy Baldauf, expert suisse du commerce de détail et du numérique.
L'ancien manager de Migros a effectué un long voyage en Chine fin 2024 et propose des voyages d'étude dans l'Empire du Milieu sous le nom de «Swiss.China.Tour». Et son constat est sans appel: «La Chine peut faire plus que du bon marché. Les producteurs et les commerçants locaux ont, dans une première phase, étudié l'Occident, puis l'ont adapté et copié.»
Dans une deuxième phase, explique Andy Baldauf, ils sont maintenant en train d'innover et de mettre à l'échelle leurs produits et leurs concepts pour le marché de masse mondial. L'ex-manager le remarque également dans d'autres domaines d'activité: «Sur le marché automobile, nous voyons très bien à quelle vitesse la Chine a appris et lance désormais des produits qui ne sont pas de simples clones occidentaux, mais qui ont leurs propres caractéristiques. Et il en sera de même pour d'autres biens de consommation et dans le commerce de détail.»
Séduire les générations Z et Alpha
La pionnière suisse de Miniso, Sandra Freund, est du même avis et souligne à quel point la Chine est en train de changer: «J'y suis retournée récemment et j'ai été stupéfaite. Nous avons beaucoup à apprendre des Chinois sur des sujets tels que la vitesse, la mise à l'échelle et le social selling. Et en ce qui concerne l'utilisation des nouvelles technologies, de façon générale.» Comme groupe cible pour Miniso, Sandra Freund voit surtout des représentants des générations Alpha et Z, c'est-à-dire ces jeunes qui se situent dans une grande fourchette entre le premier versement d'argent de poche et l'entrée dans la vie professionnelle.
L'entrepreneuse veut viser des emplacements très fréquentés dans toute la Suisse: «Les gares seraient de bons emplacements, mais les centres commerciaux et les sites urbains de première catégorie conviennent également au concept. Nous travaillerons sur des surfaces de 100 à 500 mètres carrés.» Sandra Freund voit quelques zones blanches pour ses magasins roses en Suisse: «20 sites devraient être facilement réalisables au cours des dix prochaines années.»