«Une réalité de notre pays»
Berne lance une première stratégie nationale contre le racisme et l'antisémitisme

Pour lutter contre la discrimination qui touche 1,12 millions de personnes en Suisse, Berne a mis sur pied un plan d'action en quatre axes. Sa réussite «reposera sur la mobilisation de tous et toutes».
Photo: KEYSTONE

Une personne sur six en Suisse déclare avoir vécu une période de discrimination raciale au cours des cinq dernières années. Face à ce problème, le Conseil fédéral a adopté la première stratégie nationale contre le racisme et l'antisémitisme.

«La lutte contre le racisme et l'antisémitisme est une responsabilité collective et durable», a déclaré lundi la conseillère fédérale Elisabeth Baume-Schneider devant les médias à Berne. «En unissant nos forces et en fédérant nos ressources, nous envoyons un signal fort: celui d'une Suisse qui choisit le respect, l'égalité, la justice et l'inclusion.»

Quatre champs d'action

La stratégie, appelée «modèle 4x4» et qui couvre les années 2026 à 2031, propose quatre champs d'action, a ajouté la Jurassienne. Il s'agit d'améliorer le recensement du racisme et de l'antisémitisme, de protéger les victimes, de renforcer la prévention du racisme au niveau institutionnel et de promouvoir l'engagement sociétal dans ce domaine.

Le modèle crée en outre un cadre de référence pour l'action de la Confédération, des cantons, des villes et des communes et entend renforcer le dialogue avec la société civile. Il répond à une motion de la Commission des institutions politiques du Conseil national.

1,2 million de personnes touchées

Le racisme et l'antisémitisme sont une réalité dans notre pays, a relevé le Département fédéral de l'Intérieur (DFI). Selon les chiffres de l'Office fédéral de la statistique (OFS), 17% de la population résidante âgée de 15 à 88 ans a déclaré en 2024 avoir vécu une situation de discrimination raciale au cours des cinq années précédentes, soit 1,2 million de personnes.

Les personnes discriminées le sont en raison de leur nationalité ou origine ethnique réelle ou supposée, de leur couleur de peau ou de leur appartenance religieuse. Les conséquences sont souvent majeures – accès restreint sur les marchés du travail et du logement, répercussions économiques et sanitaires, exclusion sociale – et elles impactent l'ensemble de la société.

Des cas pas signalés

Le DFI cite notamment le racisme anti-Noirs, l'antisémitisme, le racisme anti-musulman ou le racisme envers les Yéniches, avec à chaque fois la difficulté pour les personnes visées de parvenir à faire valoir le tort subi. En outre, les données manquent, de nombreux cas restant invisibles car pas signalés.

Le plan d'action met en oeuvre les valeurs inscrites dans la Constitution, qui interdit la discrimination et oblige les autorités à prendre des mesures. Il donne suite aux recommandations du comité de l'ONU qui contrôle le respect de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale, a précisé le DFI.

«Il reste beaucoup à faire»

Les spécialistes constatent que la prévention du racisme a réalisé de «belles avancées ces dernières années», par une meilleure sensibilisation du grand public et des personnes concernées. «Mais il reste beaucoup à faire», préviennent-ils, notamment en matière de coordination des mesures de lutte et de recensement des cas.

La mise en oeuvre de la stratégie débutera en 2026. Le Service de lutte contre le racisme élaborera son plan d'action en collaboration avec la société civile et les services concernés de la Confédération, des cantons, des villes et des communes, le tout accompagné d'un groupe d'experts.

Une évaluation régulière sera faite, avec la soumission d'un premier bilan intermédiaire au Conseil fédéral en 2028. «Il s'agit d'un premier pas, mais d'un grand pas en avant, dont la réussite reposera sur la mobilisation de tous et toutes, des citoyens aux autorités en passant par les entreprises», a encore déclaré Elisabeth Baume-Schneider.

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