La question, quoiqu'un brin naïve, méritait d'être posée. Alors que la science ne cesse de déplorer l'omniprésence des «polluants éternels» dans l'environnement et dans nos corps, ne pourrait-on pas dénicher une technique miraculeuse pour en débarrasser nos organismes?
J'aurais tellement voulu pouvoir vous assurer que «oui, bien sûr, il suffit de boire du jus de carotte le matin», pour vous rassurer. Hélas, la réponse n'est pas si simple. Loin de là. Mais avant de décrire les bribes de solutions actuellement disponibles, commençons par rappeler le problème:
L'acronyme PFAS (substances perfluoroalkylées et polyfluoroalkylées) renvoie à une famille de molécules hydrofuges (qui repoussent l'eau) présentes dans une multitude d'objets, comme les poêles en teflon ou les vêtements imperméables. Leur utilisation massive par les industries a malheureusement conduit à une présence importante de ces substances dans l'eau et l'alimentation, où elles mettent littéralement des siècles à se dégrader. Résultat: nos corps, incapables de s'en débarrasser assez vite, finissent par stocker ces molécules, dont certaines ont été prouvées comme étant cancérigènes et toxiques pour la reproduction.
Les PFAS s'accrochent à notre sang
En d'autres termes, il est devenu impossible d'échapper aux PFAS: votre corps en contient forcément une quantité plus ou moins importante, à votre insu. Et elles possèdent une technique aussi efficace que sournoise pour y élire domicile, avec leurs liaisons robustes qui leur valent le surnom de «polluants éternels».
«Les PFAS sont présentes dans la circulation, en raison de leur capacité à s’accrocher aux protéines sanguines», indique Federica Gilardi, responsable de recherche au sein de l’Unité de toxicologie et chimie forensique du Centre universitaire romand de médecine légal.
Plusieurs études ont effectivement repéré des taux alarmants de PFAS dans le sang des nouveaux-nés, ainsi que dans le cordon ombilical. Les mères, lors de la grossesse et de l'allaitement, transmettent donc ces substances à leurs bébés, malgré elles. Et il s'agit d'une très mauvaise nouvelle, sachant qu'une toute nouvelle recherche américaine démontre que l'exposition des fœtus ou des nourrissons à ces molécules peut multiplier par trois leurs chances de décéder avant l'âge d'un an.
Les personnes menstruées ont moins de PFAS
Le sang et le lait maternel posent donc un risque, bien que les quantités observées soient variables, d'après les études disponibles, et que l'OMS estime toujours les bénéfices de l'allaitement bien supérieurs au risque de transmettre des PFAS aux enfants.
«Cela permet probablement d'expliquer la concentration sanguine plus faible chez les personnes menstruées, en raison de la perte de sang régulière qui élimine une partie des PFAS», poursuit Federica Gilardi.
Suivant cette piste, certains chercheurs ont même tenté de déterminer si le don sanguin pouvait contribuer à diminuer le taux de PFAS présent dans le corps, en expulsant ces molécules de notre circulation. Or, d'après notre intervenante, ces travaux n'ont pas été concluants.
Manger plus de fibres: une piste possible!
Dans un article rédigé pour la BBC, la journaliste Catrin Nye raconte avoir découvert, via des analyses sanguines, que son corps présentait des taux très élevés de PFAS. Paniquée, elle a évidemment supplié sa médecin de lui proposer des solutions, pour se libérer de ces polluants. La professionnelle, un peu empruntée, n'a pu lui donner qu'un seul conseil concret: manger davantage de fibres.
«Quelques études suggèrent en effet qu’un régime riche en fibres est associé à une réduction de PFAS dans la circulation sanguine, confirme Federica Gilardi. Il ne s’agit que d’une piste pour l’instant, mais l’idée est intéressante, puisque ces molécules présentent des propriétés chimiques similaires à celle des acides biliaires. Et lorsqu’on mange beaucoup de fibres, celles-ci empêchent les acides biliaires d’être réabsorbés par le corps depuis les intestins.» Il se peut donc, d'après notre experte, que l’effet soit comparable avec les PFAS, dont l'absorption serait freinée par l'effet des fibres consommées.
Certaines études ont tenté d’analyser les bénéfices potentiels d’une supplémentation en fibres, sous la forme de médicaments, mais, selon notre experte, il ne s’agit que d’hypothèses pour le moment. «Quoi qu’il en soit, un régime riche en fibres ne peut pas faire de mal, puisqu’il comporte de nombreux autres bienfaits, notamment sur le taux de cholestérol et la stabilisation de la glycémie», pointe-t-elle toutefois.
S'il n'existe pas encore de moyen avéré d'éliminer les PFAS déjà présentes dans l'organisme, on peut déployer certains efforts pour minimiser leur absorption: remplacer vos poêles en teflon abîmées, aérer un maximum à l'intérieur de chez vous (les PFAS s'accumulent aussi dans la poussière!), choisir une alimentation bio dès que possible, éviter de commander des vêtements ou des jouets sur des plateformes qui ne réglementent pas les PFAS... Vous trouverez plusieurs réflexes préventifs dans cet article. Et c'est déjà bien mieux que rien!