Une experte en harcèlement scolaire met en garde
«L'école ne fait qu’aggraver la situation, au détriment de la victime»

Jesina et Fabian, victimes de harcèlement, ont raconté à Blick leur parcours. Un point commun ressort: leurs écoles n'ont guère su intervenir. Bettina Dénervaud, experte du mobbing, explique pourquoi.
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Pour Bettina Dénervaud, l'impuissance du corps enseignant face au harcèlement se retrouve dans de nombreux établissements.
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Qendresa Llugiqi

Jesina Amweg, originaire de la région de Berne, et Fabian Egger, de Zurich, ont subi des années de harcèlement scolaire. Dans leurs cas, les établissements n'ont pas pu faire grand chose. Selon Bettina Dénervaud, experte en prévention du harcèlement scolaire, cette situation se retrouve malheureusement dans de nombreuses institutions, comme elle l'explique à Blick.

Depuis 2019, cette spécialiste indépendante conseille les familles des victimes et les enseignants. Elle intervient également auprès des classes concernées. «Certains établissements n'ont toujours pas de politique de lutte contre le harcèlement, constate-elle. D'autres en ont une... mais l'appliquent mal. Résultat: l'école aggrave la situation, au détriment de la victime.»

Pas de punitions!

Ce que Bettina Dénervaud déconseille vivement: «une école ne devrait pas inviter les auteurs et les victimes à une table ronde sur la base d'un bon sentiment. Beaucoup de victimes sont tellement paniquées lorsqu'elle rencontre leurs harceleurs.» Et de préciser: «On ne réunit pas une femme qui a été violée et son agresseur à la même table pour qu'ils discutent les yeux dans les yeux!»

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Le harcèlement est un système doté de sa propre dynamique, dans lequel chacun joue un rôle — même les spectateurs silencieux
Bettina Dénervaud, spécialiste en prévention du harcèlement scolaire
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Autre point à éviter: se focaliser sur les punitions et les sanctions. «La première question que me posent généralement les victimes est: 'Est-ce que quelqu'un sera puni?', explique Bettina Dénervaud. En fait, elles craignent que cela ne fasse qu'aggraver la situation. Or, ce que les victimes de harcèlement souhaitent avant tout, c'est que tout cela cesse enfin. Généralement, elles ne veulent surtout pas que quelqu'un soit puni.»

Une aide active

Sa solution? L'approche sans culpabilisation. Cette méthode repose sur l'absence de désignation d'un coupable, de punitions ou de sanctions. L'objectif est plutôt de briser puis de transformer la dynamique de groupe. Car, rappelle la spécialiste, «le harcèlement est un système doté de sa propre dynamique, dans lequel chacun joue un rôle – même les spectateurs silencieux.»

Dans cette méthode, les enseignants et les experts servent de modérateurs. Ils parlent d'abord avec l'enfant qui est harcelé pour essayer de mieux comprendre comment il ressent les choses. Ensuite, ils constituent un groupe de soutien: six à huit enfants de la classe, incluant les auteurs et les témoins impliqués. La victime n'en fait pas partie.

Le groupe reçoit une mission claire: arrêter immédiatement le harcèlement. Tous sont sollicités en tant qu'aidants – peu importe ce qui s'est passé auparavant. La question est claire: «Que puis-je faire concrètement et maintenant pour que l'enfant concerné se sente mieux?»

Les animateurs encadrent la discussion, la structurent et précisent que chacun devra immédiatement mettre en œuvre une idée concrète. De brefs échanges de suivi permettent ensuite de constater l'engagement. Et ça marche! «Dans 85% des cas, le harcèlement cesse au bout de deux semaines», affirme Bettina Dénervaud.

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