La coprésidente du Parti socialiste (PS) Mattea Meyer a écrit il y a quelques jours sur Instagram qu'elle ressentait «une grande fatigue». Elle a dû «tirer le frein d'urgence». La conseillère nationale zurichoise fait une pause et n'hésite pas à en parler ouvertement.
La décision de Mattea Meyer suscite surtout de la compréhension. Sous sa publication, elle reçoit de nombreux messages d’encouragement, beaucoup d'internautes lui souhaitent du courage et du repos, certains ajoutent des cœurs. Plusieurs saluent aussi le fait qu’elle évoque ouvertement son besoin de lever le pied.
Une démarche qui divise
Pour Niklas Baer, directeur technique chez Workmed, centre pour le travail et la santé psychique, cette franchise est surtout signe d'un progrès sociétal. «Je trouve courageux que les hommes et les femmes politiques disent qu'ils ont atteint une limite.» La volonté de parler ouvertement d'épuisement professionnel est plus grande aujourd'hui, car la sensibilisation à la santé mentale s'est accrue, explique le psychologue.
Mais malgré cette prise de conscience croissante, la démarche de Mattea Meyer ne fait pas l'unanimité. Elle a également suscité de nombreuses critiques. Certains réclament sa démission, d'autres se demandent comment quelqu'un peut être surchargé par le travail avec un emploi censé être à 50%.
La charge de travail grimpe
Mais s'agit-il vraiment d'un travail à 50%? «Pour beaucoup, non», affirme Corina Schena, politologue à l'institut de recherche GFS Berne. Certes, un mandat de député est en théorie une fonction secondaire, mais la charge de travail a augmenté ces dernières années.
«Le nombre et la complexité des affaires ont nettement augmenté», explique Corina Schena. Le travail avec les médias et les relations publiques est également devenu beaucoup plus exigeant. A cela s'ajoutent de nombreuses obligations: manifestations cantonales, assemblées des délégués, podiums. La charge est encore plus lourde lorsqu'on occupe la présidence d'un parti.
Des pauses devenues récurrentes
La présidence d'un parti est un poste à hautes responsabilités. Il n'est donc pas étonnant que ni le Centre ni le PLR n'aient été submergés de candidats lorsqu'ils ont dû récemment repourvoir leur tête de parti.
Mattea Meyer n'est de loin pas la seule présidente de parti à avoir eu besoin d'une pause ou à avoir atteint ses limites. Son coprésident Cédric Wermuth a pris une pause familiale de deux mois il y a deux ans. L'ancien président du Centre Gerhard Pfister s'est retiré plusieurs jours dans un monastère après les élections de 2023. Et le politicien PLR de longue date Rolf Schweiger a fait un burnout en 2004 – après seulement sept mois à la tête du parti.
Le conseiller national zurichois Martin Bäumle, membre des Vert'libéraux, a, lui aussi, été victime d'un malaise en 2012, alors qu'il était à la tête du parti. Outre le stress et le manque de sommeil, il avait alors critiqué, entre autres, les attaques médiatiques qui visaient souvent la personne plutôt que la cause.
Face à une hostilité quotidienne
Une étude récemment publiée par l'Université de Zurich sur mandat du Département fédéral de justice et police (DFJP) montre à quel point les parlementaires suisses sont exposés à l'hostilité. Dans le cadre de cette enquête, 98% de tous les conseillers nationaux et conseillers aux Etats ont indiqué avoir été victimes de discours de haine ou de menaces au cours des deux dernières années.
Ces attaques, la forte exposition publique et l'accessibilité permanente sur les réseaux sociaux peuvent être très éprouvantes, explique Sarah Bütikofer, politologue et co-autrice de l'étude. A cela s'ajoute le fait qu'en Suisse, les présidents de parti n'ont pas d'équipe professionnelle pour les décharger.
«Dans d'autres pays, des équipes se chargent du travail médiatique et de la recherche. Chez nous, la plupart le font eux-mêmes.» Selon elle, «la fonction de milice représente un travail à plein temps au niveau national».
Un système à repenser
«Le système de milice au niveau national n'est plus adapté aujourd'hui», conclut-elle. Selon elle, il a été historiquement taillé sur mesure pour des hommes qui se rendaient quelques fois par an dans la ville fédérale et qui ne s'y occupaient que de quelques thèmes politiques d'importance nationale.
Elle ajoute: «Un changement complet de système n'est guère réaliste, mais plus de personnel et de ressources représenteraient un grand soulagement pour de nombreux parlementaires.» Corina Schena argumente dans le même sens. Pour elle, il est clair que si la Suisse veut maintenir le principe de milice, il faut des adaptations structurelles qui améliorent la compatibilité.
Par exemple, cela peut passer par la professionnalisation des tâches de communication. Une culture dans laquelle on peut parler ouvertement de santé psychique, même dans les fonctions publiques, est tout aussi importante. «Il doit être normal de pouvoir dire que l'on a besoin de faire une pause», ajoute-t-elle.
Réagir à temps
«Ne vous inquiétez pas!» C'est par ces mots que Mattea Meyer conclut son post Instagram. Le psychologue Niklas Baer souligne lui aussi qu'il est préférable de «tirer sur la pédale de frein à temps, plutôt que de s'absenter pour cause de maladie».
Si l'on réagit trop tard, il faut beaucoup plus de temps pour aller mieux. «Les problèmes psychiques sont toujours perçus comme très honteux, il est d'autant plus important d'avoir des modèles compétents qui reconnaissent leurs propres limites», comme l'a fait Mattea Meyer.