«Les enfants ne devraient jamais voir ça!»
Comment Soleure est devenue la nouvelle plaque tournante du crack en Suisse

Soleure, ville baroque et paisible, est désormais la plus criminogène de Suisse: 270 délits pour 1000 habitants, essentiellement liés à la drogue. Scène ouverte de crack, violence, vols... Blick s'est rendu sur place pour tenter de comprendre cette situation.
Publié: 12:32 heures
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Dernière mise à jour: 12:33 heures
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Soleure est considérée comme la plus belle ville baroque de Suisse, mais elle est aussi la ville la plus criminogène du pays.
Photo: Ralph Donghi, Blick
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Ralph Donghi

L'idylle est trompeuse. Soleure, la capitale cantonale de 17'000 habitants, est certes considérée comme la plus belle ville baroque de Suisse. Mais dernièrement, cette ville tranquille a fait les gros titres. Selon les statistiques de la criminalité 2024, Soleure a été désignée comme la ville la plus criminogène de Suisse, avec environ 270 délits pour 1000 habitants. La raison? Le trafic de drogues, essentiellement.

La semaine dernière, le conseil municipal avait adopté à une large majorité une motion urgente du PLR. Celle-ci demande une «amélioration immédiate de la sécurité». Des mesures efficaces doivent être mises en œuvre dans les 30 jours. Depuis 2024, une scène ouverte de la drogue s'est établie à Soleure, notamment via les consommateurs de crack. Régulièrement, des bagarres éclatent à Soleure, parfois même au couteau. Il y a quelques années, il y a même eu un mort à la gare.

Toujours en 2024, plus de 175 délits ont été attribués à une seule personne. Ces multirécidivistes font grimper les statistiques. Leurs hotspots se trouvent surtout au sud de l'Aar, dans le quartier de la gare et dans les squares des environs. On y trouve des consommateurs de drogue dès les premières heures de la journée.

La grogne des commerçants

Le regard se porte sur la Dornacherplatz. Ici, une jeune femme fume une pipe de crack en public, tandis que des parents passent avec leurs enfants. Sur le banc d'un arrêt de bus, un autre remplit son nez de poudre blanche. Ici, personne ne souhaite parler publiquement. Une passante dit seulement: «On me demande toujours de l'argent quand je passe dans ce quartier.»

Aiman Akid, propriétaire d'Amun Take-Away, souhaite «que la police en fasse à nouveau plus».
Photo: Ralph Donghi

Les propriétaires des magasins non plus ne veulent pas prendre position. Sauf Aiman Akid, le propriétaire du Amun Take-away: «J'ai été cambriolé trois fois en un an! De plus, on m'a volé un soir deux ordinateurs portables dans ma voiture». 

Les temps sont durs pour les petits commerces à ses yeux, et il espère que la police en fera à nouveau plus. Le jour de notre reportage, on ne voit qu'une seule voiture de police, abandonnée sur la Kreuzackerplatz.

130 délits au compteur

Après quelques recherches, une personne toxicomane accepte de témoigner: «La police traîne souvent ici, mais toujours en civil». Il montre du doigt deux hommes qui, lorsqu'ils se sentent regardés, passent leur chemin. «Putain de flics!», s'exclame-t-il. «Bien sûr, ils ne font que leur travail, mais ils ne peuvent pas résoudre les problèmes ici.»

Lui-même avoue être un multirécidiviste. «J'ai toujours un tournevis dans la poche de mon pantalon!», dit-il, presque un peu fièrement. «Je crois que j'en suis à plus de 130 délits». 

Et de poursuivre: «Selon la loi, si nous ne blessons personne, on ne peut pas nous garder longtemps en prison. Les quelques centaines de francs que je reçois de l'Etat ne suffisent tout simplement pas. Alors je casse tout ce qui contient de l'argent ou des marchandises que je peux revendre.»

La meilleure solution? «Ne jamais commencer»

Bruno R.* accepte de témoigner à visage découvert. Ce mécanicien de précision a fréquenté «les mauvaises personnes» à l'adolescence, a commencé à consommer du cannabis et plus tard de la cocaïne. Ses parents l'auraient appris «parce que j'ai été mis en prison pour des délits». 

Bruno R. a également fréquenté la scène ouverte de la drogue du tristement célèbre Platzspitz à Zurich, a travaillé pendant 20 ans et est bénéficiaire de l'aide sociale depuis dix ans. L'homme de 57 ans n'est pas surpris par la consommation publique. Mais «les enfants ne devraient jamais voir ça!» Lui-même a essayé de sortir de la drogue. «Difficile, dit-il. Au final, le mieux c'est de ne tout simplement jamais commencer.» 

Bruno R.* n'a aucun problème à parler ouvertement avec Blick des problèmes qu'il rencontre à Soleure.
Photo: Ralph Donghi

Marlies Hächler se promène souvent sur le côté nord de l'Aar et se sent en sécurité. Mais elle dit aussi qu'elle n'aime pas aller en direction de la gare le soir et qu'elle «ne s'y sent pas en sécurité». «Pourtant, on devrait pouvoir se déplacer librement partout, sans avoir peur», explique cette riveraine de 67 ans. 

Que fait la police?

Et que dit-on du côté des autorités de Soleure? Le commandant de la police municipale Walter Lüdi évoque le fait que Soleure est la capitale du canton et qu'elle a une fonction de centre. «Les emplois, les offres de loisirs et le trafic pendulaire font que les délits se concentrent fortement dans la zone urbaine». Statistiquement, cela a pour conséquence que le nombre de cas est élevé par rapport à d'autres communes.

«La plupart des délits concernent des infractions contre le patrimoine, en particulier les cambriolages ainsi que les vols à l'étalage et les vols de bicyclettes, poursuit Walter Lüdi. Les multirécidivistes sont surveillés et poursuivis de manière ciblée en collaboration avec d'autres autorités afin d'améliorer durablement la situation sécuritaire.» Mais cela suffira-t-il?

*Nom connu de la rédaction

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