Plainte sur le dos
Trop cher et inefficace, Skyguide s'attire les foudres des politiques

Les services publics de la navigation aérienne sont sous le feu des critiques. Le conseiller fédéral responsable du dossier, Albert Rösti, est en colère. Le Parlement fait intervenir les chefs de Skyguide.
Publié: 31.08.2025 à 18:04 heures
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Dernière mise à jour: 11:04 heures
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L'entreprise publique Skyguide est sous le feu des critiques.
Photo: Sven Thomann
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Raphael Rauch

Skyguide traverse une zone de turbulences depuis plusieurs mois. Au début des vacances d'été, les services publics de navigation aérienne ont voulu montrer qu'ils étaient capables de gérer l'afflux de passagers. Ils ont donc généreusement attribué des créneaux de décollage et d'atterrissage. Sans doute un peu trop: Skyguide a désormais un procès sur les bras. L'Office zurichois de la mobilité a en effet déposé une plainte auprès de l'Office fédéral de l'aviation civile (OFAC). «Nous avons ouvert une procédure», confirme l'organe à Blick. 

La semaine dernière, l'aéroport de Zurich et Swiss ont donné une conférence de presse commune pour faire le bilan de l'été, en excluant Skyguide de la table. Ce dernier a dû tenir sa propre conférence de presse.

Le président de Skyguide, Aldo C. Schellenberg, et Alex Bristol, le CEO qui quittera bientôt ses fonctions, se sont présentés mercredi face aux médias. Ils ont affirmé que la «structure du programme» du Centre virtuel sera achevée d'ici fin 2027, même si ce projet ambitieux ne sera pas encore pleinement opérationnel. A l'origine, Skyguide devait surveiller l'espace aérien suisse indépendamment de son emplacement. L'idée était que les contrôleurs aériens puissent gérer le trafic genevois depuis Zurich, et vice versa. Une telle organisation permettrait de réduire les coûts de personnel et de compenser la pénurie de contrôleurs aériens.

Rösti a convoqué les chefs de Skyguide

Mais Skyguide est encore loin du but. Avant 2030, les fournisseurs ne seront pas en mesure de livrer les composants nécessaires, comme ont déclaré Aldo C. Schellenberg et Alex Bristol lors de la conférence de presse. Ils se sont toutefois montrés confiants avec cette «première version» du Centre virtuel, qui aide déjà Skyguide à réduire ses coûts.

Toutefois, ce que les deux dirigeants ne disent pas, c'est qu'ils ont opéré un virage radical. En mai, Skyguide ne prévoyait pas de mettre en place le Centre virtuel avant 2035. Le projet avait pris énormément de retard, étant initialement prévu pour 2024.

Un revirement probablement lié à une intervention d'Albert Rösti, ministre en charge de Skyguide. Des sources proches du conseiller fédéral ont confié à Blick qu'il était très irrité par les nouveaux retards que le projet avait pris. C'est pourquoi il a convoqué la direction de Skyguide au Département de l'environnement, des transports, de l'énergie et de la communication (Detec) pour exiger une intervention rapide, ou l'interruption du projet. 

Après son départ, le CEO encaissera 415'000 francs

Autre point de crispation pour Albert Rösti: le salaire du CEO. Bien qu'Alex Bristol doive quitter ses fonctions fin octobre, il restera employé de la boîte jusqu'en juillet 2026, avec une rémunération de 415'000 francs pour cette période. Thomas Aeschi, membre de l'Union démocratique du centre (UDC), est monté au créneau au Parlement, dénonçant des «dysfonctionnements flagrants chez Skyguide». Il a demandé au chef du Detec de justifier un «salaire aussi somptueux» pour un dirigeant sortant. Finalement, Albert Rösti a obtenu qu'Alex Bristol continue d'assumer des tâches pour Skyguide tant qu'il demeure sous contrat et soit rémunéré.

Lors de la conférence de presse, la direction de Skyguide a présenté des chiffres prometteurs. Le contrôleur aérien s'attend à une hausse des bénéfices et a annoncé qu'il rembourserait le prêt obtenu durant le Covid-19 d'ici à 2029. Toutefois, l'entreprise publique a intégré des augmentations de taxes qui n'ont pas encore été approuvées.

La Commission européenne pourrait encore sérieusement alourdir la facture de Skyguide. Un premier projet a été rejeté par Bruxelles. Et bien que Berne ait soumis une version révisée le 16 août, il semble peu probable qu'elle soit approuvée. Dans un document que Blick s'est procuré, Bruxelles estime que les demandes de Skyguide sont injustifiées. Elle estime que les hausses de coûts sont «disproportionnées» par rapport à l’augmentation du trafic aérien.

Autre point de friction: ces hausses ne sont pas uniquement liées à de nouveaux investissements, mais «dans une large mesure à l'augmentation des rémunérations du personnel et à la hausse du rendement des fonds propres». Une situation jugée inacceptable.

La Délégation des finances fait venir Skyguide

Skyguide, de son côté, se montre optimiste et affirme avoir réussi à redresser sa situation financière. Les politiques, en revanche, sont sceptiques. Skyguide figure à l'ordre du jour de la réunion de ce lundi de la Commission des finances. Et vendredi, Aldo C. Schellenberg et Alex Bristol devront se présenter devant la Délégation des finances.

«En raison des défis persistants de Skyguide, la Délégation des finances (DélFin) continuera à suivre de près le financement des services de la navigation aérienne et la stabilisation des systèmes de contrôle aérien, et abordera les faits mentionnés lors de débats», déclare à Blick le président de la commission, Lars Guggisberg. Skyguide devrait rester encore longtemps l'enfant terrible de l'aviation suisse.

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