Qui a allumé la mèche en premier? Et surtout, qui est en tort? La bataille entre Swiss et Skyguide n'est pas simple à suivre. Les deux instances du trafic aérien s'attaquent respectivement à coup de reproches, de récriminations et d'affirmations véhémentes.
Swiss se montre depuis longtemps insatisfaite du travail de Skyguide. Les critiques sont multiples: pilotage trop cher, trop lent, trop inefficace. «Il faut être prêt à repousser les limites», a déclaré l'an dernier Oliver Buchhofer, directeur des opérations à Swiss, à la «NZZ».
Une critique que Skyguide n'a pas digéré. Un porte-parole avait alors fait savoir que l'aéroport de Zurich était déjà à la limite de ses capacités, le réseau étant entièrement utilisé.
Skyguide contre-attaque
Mais les tensions ne se sont pas apaisées pour autant. Récemment, Skyguide a, à son tour, renvoyé une pique à Swiss. Dans le magazine économique «Bilanz», le service de contrôle aérien a affirmé que Swiss était en partie responsable des retards.
L'explication mise en lumière: Swiss fait effectuer une partie de ses vols par la compagnie lettone Air Baltic. Selon Skyguide, cette compagnie décolle souvent de la piste 16, longue de 3,7 kilomètres, pour des raisons techniques.
«Chaque avion qui utilise la piste 16 pour décoller affecte la capacité de l'aéroport de Zurich. Pour les petits avions, c'est donc d'autant plus gênant qu'ils n'ont en fait pas besoin d'une piste de décollage plus longue», a critiqué Skyguide.
Une critique infondée
Cette déclaration a considérablement augmenté l'indignation au siège de Swiss. Dans les milieux de l'aviation, on parle même de «fake news», car les chiffres ne permettent pas d'appuyer la déclaration de Skyguide. «Seuls 12% des décollages que nous effectuons pour le compte de Swiss ont eu lieu depuis la piste 16», fait savoir Air Baltic. En clair, le nombre élevé de retards doit avoir une autre raison.
L'aéroport de Zurich arrive également à une autre conclusion que Skyguide: «La part des avions court-courriers n'a pratiquement pas changé. Environ 95% des avions court-courriers décollent sur la piste 28, les 5% restants sur la piste 16.»
La politique s'en mêle aussi
De son côté, Swiss réitère ses critiques à l'égard de Skyguide: «Nous attendons que les prestations et la qualité d'un service de contrôle aérien soient en rapport avec les coûts. Au vu des récentes augmentations de taxes de plus de 30%, nous ne considérons plus que cet objectif est atteint», déclare Oliver Buchhofer à Blick. «Nous sommes convaincus qu'il existe encore un net potentiel d'amélioration de l'efficacité et de la flexibilité.» Et d'ajouter: «La situation actuelle n'est pas satisfaisante. Il faut rapidement trouver des solutions communes.»
Le monde politique se montre également insatisfait des performances de Skyguide. Le rapport annuel de la commission des finances critique le fait que les services de la navigation aérienne n'ont pas non plus atteint leur objectif d'économie l'année dernière.
Le «Virtual Centre», avec lequel Skyguide veut surveiller le trafic aérien suisse indépendamment du lieu, aurait dû être mis en service en 2024. Son lancement a déjà été repoussé à 2031 et pourrait même être retardé jusqu'en 2035.
De nouveaux ennuis pour Rösti
La commission des finances trouve inacceptable que les choses prennent de plus en plus de temps et coûtent toujours plus cher, alors que ce sont les contribuables qui doivent en payer les pots cassés. Elle demande donc à Albert Rösti d'intervenir.
Selon la conseillère nationale socialiste Sarah Wyss, les commissions des finances des deux chambres ont déposé une intervention auprès du chef du Département de l'environnement, des transports de l'énergie et de la communication (DETEC): «Nous demandons quelles sont les mesures prises pour couvrir les dépenses. Et le DETEC doit montrer quel est le calendrier de l'exercice d'assainissement», explique Sarah Wyss à Blick. «Nous attendons également une prise de position sur la manière dont le DETEC traite les recommandations du Contrôle des finances.»
En attendant, d'autres ennuis menacent Albert Rösti: la Commission européenne a rejeté un plan de redevances de Skyguide jugé trop coûteux. Les services de la navigation aérienne doivent maintenant revoir leur document financier.
«Dans le domaine de l'efficacité des coûts, Skyguide doit fournir des améliorations», confirme l'Office fédéral de l'aviation civile. Mais des coûts plus faibles signifient moins de recettes – et donc un trou financier encore plus grand pour le conseiller fédéral UDC. Contrairement aux orages estivaux, les nuages sombres dans le ciel de Skyguide ne disparaîtront pas de sitôt.