Il défend son bilan
Sous le feu des critiques, le PDG de Skyguide promet des améliorations dans le trafic aérien suisse

Trop chers, trop inefficaces, trop lents: les services suisses de la navigation aérienne, Skyguide, sont sous le feu des critiques. Avant son départ, le PDG Alex Bristol fait le point et promet qu'il y aura moins de retards en été.
Publié: 25.05.2025 à 21:17 heures
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Skyguide fait la une des journaux: la situation financière est jugée «très préoccupante».
Photo: Keystone
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Raphael Rauch et Hannes Boos

Alex Bristol est encore chef des services suisses de la navigation aérienne Skyguide jusqu'à fin octobre. Il mettra fin à son mandat après huit ans d’exercice. Son parcours a été marqué par plusieurs dysfonctionnements. En 2022, l'ensemble de l'espace aérien suisse a dû être fermé pendant cinq heures, tandis qu'en 2023 et 2024, des problèmes de serveur se sont produits à plusieurs reprises.

Cette semaine, le Contrôle fédéral des finances (CDF) a vivement critiqué la gestion de Skyguide. Il pointe du doigt une situation financière jugée «délicate» et «très inquiétante».

Alex Bristol, êtes-vous inquiet pour votre certificat de travail?
Je ne me fais aucun souci. Nous avons fait un travail de pionnier ces dernières années, notamment en comparaison avec d'autres services de la navigation aérienne en Europe.

Mais vous ne pouvez pas rester indifférent aux critiques massives formulées par le CDF. Vous deviez mettre en œuvre le projet «Virtual Centre» en 2024, puis il a été repoussé à 2031. Le CDF remet maintenant en question toute la feuille de route.
Nous travaillons sur le «Virtual Centre» (centre virtuel) depuis 2011. L'objectif est de rendre les services de navigation aérienne indépendants de leur localisation physique. A l'heure actuelle, l’espace aérien de Genève ne peut être géré que depuis Genève, et celui de Zurich uniquement depuis Zurich. Cela va changer grâce au «Virtual Centre». Nous avons déjà réalisé deux tiers du projet. Depuis 2017, il nous permet de générer des économies annuelles de 15 millions de francs. Mais le dernier tiers se révèle plus complexe: certains fournisseurs ne sont pas aussi avancés que prévu. Nous ne pouvons pas acheter certains services.

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Cet été, il y aura moins de retards que l'année dernière
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Vous saviez déjà lors de la planification qu'un changement de système serait complexe. Mais sept ans de retard, c'est beaucoup. Qu'est-ce qui a mal tourné?
Nous avons accompli beaucoup de choses avec succès. Avec le recul, je referais probablement 90% des choix que nous avons faits. Mais nous étions sûrement trop optimistes sur la rapidité avec laquelle les fournisseurs et les autres services de la navigation aérienne allaient se moderniser.

Depuis l'année dernière, votre marge de manœuvre semble s’être réduite. L'Office fédéral de l'aviation civile impose désormais des réunions hebdomadaires. Vous a-t-on privé de vos pouvoirs de PDG?
J'étais frustré de devoir ralentir notre rythme d'innovation. Mais il est important que nous respections les réglementations. Nous planifions maintenant la manière dont nous allons mettre en œuvre les prochaines étapes.

Le CDF s'interroge sur l'utilité du «Virtual Centre» en l'état. Que répondez-vous à cela?
Nous avons besoin du «Virtual Centre». Mais nous nous sommes déjà demandés l'année dernière quelle était la priorité: privilégier l’indépendance géographique ou stabiliser et développer le système existant. C’est pourquoi nous envisageons aujourd’hui une option visant à finaliser le «Virtual Centre» d’ici à 2035.

Donc avec onze ans de retard au total?
Nous devons nous demander si nous voulons obstinément aller dans la même direction ou si nous devons poursuivre nos objectifs, mais différemment. D'ici à 2040, le trafic aérien devrait doubler. Si nous ne nous concentrons pas dès à présent sur la stabilité et l'innovation, il y aura des retards massifs. 

Les retards existent déjà aujourd'hui. Swiss est d'ailleurs très mécontente de vous...
Swiss a le droit d'avoir son avis, mais pour nous, la sécurité passe avant tout. Nos contrôleurs aériens font un super travail. Nous avons intensifié les discussions avec Swiss à ce sujet. Cet été, il y aura moins de retards que l'année dernière.

Qu'est-ce qui va changer à l'avenir?
L'année dernière, nous n'avons pas toujours pu exploiter pleinement les capacités pour des raisons techniques. Cela se passe mieux cette année. Si par exemple un avion transporte des passagers qui risquent de manquer leur vol de correspondance, nous essayons de les prioriser. 

Swiss et Easyjet ne comprennent pas votre augmentation des taxes...
Nous devrions sans doute mieux expliquer cette augmentation. Mais pour nous, c'est sans équivoque: ces taxes sont inévitables. La Commission européenne doit encore les valider. Cela dit, je pense que le modèle de redevances est dépassé: les coûts et les recettes ne sont pas directement liés. Il serait important que les autorités européennes entreprennent une réforme à ce niveau. La Suisse, dont l’espace aérien est petit mais très onéreux, y gagnerait particulièrement.

Qu'est-ce qui vous préoccupe à l'aéroport de Zurich?
Nous pourrions résoudre de nombreux problèmes grâce à des décollages qui viennent du sud de la ville. Actuellement, les avions doivent faire un virage juste après le décollage, ce qui ralentit le trafic. Les décollages par le sud en ligne droite rendraient le trafic aérien plus fluide, plus sûr, plus efficace et aussi plus écologique, car on consommerait moins de CO2. Nous aurions aussi moins de retards et aucun avion ne devrait plus décoller après 23 heures.

Le ministre des Transports, Albert Rösti, pourrait autoriser par décret les décollages par le sud. Ne craindrait-il pas la réaction de la clientèle aisée de la Côte d’Or, qui serait plus exposée au bruit des avions?
Skyguide ne s'exprime pas sur les questions politiques. Ce que je peux vous dire en revanche, c'est que du point de vue de la sécurité, les décollages en ligne droite par le sud seraient un grand avantage.

Le président de votre conseil d'administration, Aldo Schellenberg, a été commandant des Forces aériennes suisses. Votre successeur, Peter Merz, vient également des Forces aériennes. Les militaires sont-ils les mieux placés pour redresser une entreprise publique en difficulté financière?
Je n’ai aucun doute à ce sujet. Aldo Schellenberg ne correspond pas à l’image que vous vous faites peut-être de l’armée. Il ne donne pas d’ordres, il écoute attentivement.

Pour finir, allez-vous recevoir une indemnité de départ?
Ce serait bien! Non, ce n'est pas le cas.

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