Journée de la santé mentale
«C'est rien, ça va passer!» Pourquoi banalise-t-on si facilement notre blues d'automne?

En ce 10 octobre, Journée mondiale de la santé mentale, rappelons que l'automne est propice à la dépression saisonnière. Si ce phénomène est souvent banalisé ou ignoré, les experts soulignent que des mesures simples peuvent être prises pour se sentir mieux.
Publié: 05:33 heures
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Dernière mise à jour: 08:26 heures
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Ainsi que le rappelle le psychologue FSP Julien Borloz, nous avons tendance à minimiser le blues d'automne en se persuadant que «ça va passer tout seul». Or, ce n'est pas toujours le cas.
Photo: Shutterstock
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Ellen De MeesterJournaliste Blick

Vous êtes-vous déjà demandé pourquoi la Journée mondiale de la santé mentale tombe le 10 octobre? Probablement pas. Mais au cas où cette question devait vous tarauder, sachez qu'à première vue, cette date résulte d'une concordance entre des organisations telles que les Nations Unies ou la Fédération mondiale de la santé mentale, qui a notamment érigé un large programme préventif en 1992. En bref, tout le monde s'est mis d'accord pour miser d'importants efforts de sensibilisation sur une journée, afin d'attirer un maximum d'attention. 

Mais en y réfléchissant, le timing paraît incroyablement pertinent: car c'est à la fin de l'été, quand notre moral chute comme des vieilles feuilles de chêne, que la santé mentale a besoin d'un petit remorquage. Entre le manque de lumière, la fatigue et l'arrivée imminente du froid, même les plus euphoriques d'entre nous ont besoin d'un litre de chocolat chaud avec double ration de marshmallows. 

Un problème souvent banalisé

Bref, tout le monde (ou presque) se sent un peu moins énergique au début de la saison froide. On pourrait donc penser qu'il est absolument banal de se sentir morose en automne, n'est-ce pas? Erreur! D'après les experts, c'est précisément ce type de réflexion qui peut devenir problématique: «On part du principe que c’est normal d’avoir une baisse de moral pendant cette saison, ce qui peut mener à banaliser ce phénomène», observe le psychologue FSP Julien Borloz. 

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Pour résumer, notre intervenant propose un parallèle avec le cycle menstruel: «On a éduqué les femmes en leur disant qu’il est normal de souffrir durant certaines phases du cycle, alors que des solutions pourraient sans doute être trouvées pour les soulager, estime-t-il. Au Canada, par exemple, la majorité de la population prend de la vitamine D en hiver, alors qu’en Suisse, on part du principe qu’il est normal d’avoir le moral dans les chaussettes quand il commence à faire moche.»

La peur de demander de l'aide

Mais pourquoi se résigne-t-on, sans broncher, à essuyer une phase de l'année plus amère et plus bougonne? «Cela peut venir d’un manque d’informations ou parce qu’on peut redouter de consulter un psychologue, poursuit Julien Borloz. Le fait de se livrer demande des efforts, alors qu’il peut sembler plus facile de se persuader que cela passera tout seul.»

Sarah Bezençon, psychologue FSP spécialisée en psychologie intégrative, cette réaction s'avère plutôt commune: «C’est en effet très courant de minimiser son mal-être en se disant 'ce n’est rien, ça va passer', confirme-t-elle. Cette attitude agit potentiellement comme une sorte de protection, puisqu'elle permet de se donner l’impression de garder le contrôle et de fuir tout sentiment de vulnérabilité.» 

Hélas, parfois, il ne suffit pas d'un rayon de soleil et d'une bonne dose de déni pour retrouver une santé mentale olympique: «Cela peut marcher un certain temps, mais sur la durée, ce n’est pas une bonne idée, déplore la psychologue. Car cette fuite intérieure peut conduire à un épuisement psychique.» 

Comment reconnaître la dépression saisonnière

Avant tout, il convient de connaître les symptômes, et de différencier la véritable dépression saisonnière du blues d'automne. Bien que tous deux méritent d'être abordés, la distinction reste importante. Soulignons d'emblée qu'il est évidemment impossible d'établir un diagnostic en parcourant des listes de symptômes sur le web: en cas de doute, n'hésitez jamais à demander de l'aide ou à consulter un thérapeute. 

N'hésitez jamais à demander de l'aide face aux pensées suicidaires

En cas de détresse, les urgences psychiatriques des hôpitaux (tels que le CHUV de Lausanne ou les HUG de Genève) accueillent rapidement les personnes ayant besoin d'une aide immédiate.

Par ailleurs, les plateformes telles que Pro Juventute (le 147, pour les parents et les jeunes), la Main Tendue (au 143, pour de l'aide immédiate en cas de pensées suicidaires), Action Innocence (pour les cas de cyberharcèlement), Alpagai (des groupes de soutien pour les personnes LGBTQIA+) ou Safe Zone (pour les problèmes d'addiction et de dépendance) se consacrent jour et nuit au soutien des personnes en détresse ou ayant besoin d’une oreille attentive.

N’ayez jamais crainte de les contacter: les professionnels de ces plateformes sont là pour vous aider, quelle que soit la situation que vous traversez. 

En cas de détresse, les urgences psychiatriques des hôpitaux (tels que le CHUV de Lausanne ou les HUG de Genève) accueillent rapidement les personnes ayant besoin d'une aide immédiate.

Par ailleurs, les plateformes telles que Pro Juventute (le 147, pour les parents et les jeunes), la Main Tendue (au 143, pour de l'aide immédiate en cas de pensées suicidaires), Action Innocence (pour les cas de cyberharcèlement), Alpagai (des groupes de soutien pour les personnes LGBTQIA+) ou Safe Zone (pour les problèmes d'addiction et de dépendance) se consacrent jour et nuit au soutien des personnes en détresse ou ayant besoin d’une oreille attentive.

N’ayez jamais crainte de les contacter: les professionnels de ces plateformes sont là pour vous aider, quelle que soit la situation que vous traversez. 

«Lorsque les symptômes persistent dans la durée, sont intenses ou perturbent le quotidien, il vaut mieux aller consulter son médecin traitant afin de faire le point, conseille Sarah Bezençon. Des symptômes comme de la tristesse récurrente, de l’irritabilité, des difficultés à se concentrer, de la fatigue, des troubles du sommeil ou de l’appétit, peuvent signaler un état dépressif et nécessiter un accompagnement.» 

Ainsi que nous le rappelait le professeur Martin Preisig, responsable du Centre d’épidémiologie psychiatrique et psychopathologie (CEPP) du CHUV, dans un précédent article, la dépression saisonnière est définie par la présence d’un minimum de 4 ou 5 symptômes dépressifs, observés de manière constante durant au moins deux semaines: «Ceux-ci surviennent durant certaines périodes de l’année, le plus souvent en automne, pour disparaître au printemps ou en été, au minimum pendant deux années consécutive. Ce phénomène reste assez rare, puisqu’il concerne 2 à 3% des troubles dépressifs.» 

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Tout ce qui bloque l'épanouissement mérite de l'attention

Cela ne signifie pas qu'une version moins intense (ou ce qu'on appelle le «blues d'automne») doit être balayée d'un revers de main et considérée comme «pas grand-chose». Pour Julien Borloz, le seul critère déterminant concerne l’impact sur la vie quotidienne: «Si on continue à faire des projets, à voir des gens, à aller travailler, l’impact peut être considéré comme modéré. En revanche, si cela impacte la qualité de notre vie, notre couple, nos relations et qu’on s’isole, cela devient plus alarmant.»

Et c'est bien à cela que sert la prévention: à agir le plus tôt possible, pour prendre le problème à bras-le-corps avant que ses racines ne s'enfoncent trop profondément: «Même si les signes semblent 'modérés', les reconnaître tôt et en parler à un professionnel permet d’agir avant que la situation ne se dégrade ou nécessite des mesures plus drastiques», ajoute Sarah Bezençon. 

Pour Julien Borloz, il faudrait d'ailleurs agir avant que n'apparaissent les premiers signes, en prenant de la vitamine D (avec l'accord de votre médecin, bien sûr) et en utilisant la luminothérapie. Vous trouverez plusieurs solutions possibles au blues d'automne dans cet article.

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N'ignorez jamais un sentiment de «vide»

En d'autres termes, les thérapeutes nous encouragent à rechercher du soutien même lorsqu'on n'a pas l'impression que notre état soit «grave» ou alarmant. «Pour moi, aucun signe ne devrait être ignoré, souligne Julien Borloz. Tout ce qui impacte notre épanouissement doit être évoqué, sachant que cela peut être prévenu avec de l’aide professionnelle.» 

Pas si simple, évidemment, surtout dans une société qui prône le contrôle et l'efficacité: «Tout le monde peut traverser une mauvaise passe et cela n’a rien à voir avec le fait d’être 'fort' ou 'faible', tempère Sarah Bezençon. Le mieux est de partager ses ressentis avec une personne de confiance, idéalement un professionnel. Il ne faut pas attendre que cela passe tout seul, car c’est rarement le cas.» Oui, même quand l'été fait son chaleureux retour! Si on a passé tout l'hiver à se persuader que «ça va passer», il est temps de demander de l'aide. Rester seul avec ses tracas n'est jamais la solution. 

Attention, toutefois, si vous remarquez des idées noires récurrentes, des pensées intrusives, un sentiment de «vide», un repli sur soi, une absence de plaisir ou de sens dans le quotidien, il devient absolument urgent de réagir au plus vite. «Chercher du soutien n’est pas un aveu de faiblesse, mais le signe que l’on adopte une attitude responsable dans la prise en charge de sa propre santé, conclut notre intervenante. Il s’agit de prendre soin de soi comme on le ferait avec une personne proche.»

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