Nouveau rebondissement à la tristement célèbre rue de Genève 85, à Lausanne. Comme Blick l’a révélé jeudi 4 décembre, 41 personnes ont indûment touché des prestations sociales pour un total de 1,9 million de francs, en se déclarant faussement domiciliées dans cet immeuble. Une fraude massive qui se serait étendue de 2018 à 2025.
Emilie Moeschler, conseillère municipale socialiste en charge de la cohésion sociale, parle d’une affaire «d’une ampleur jamais vue à Lausanne avec une organisation très poussée». De son côté, l’élu PLR Nicolas Hurni a déposé mercredi une interpellation urgente auprès du Conseil communal. Il s’interroge sur les responsabilités institutionnelles: comment une telle fraude a-t-elle pu prospérer pendant des années dans un immeuble connu pour ses dysfonctionnements, sans alerter les services sociaux?
Une fraude découverte par hasard?
Retour en début d’année. La Police municipale, la Police cantonale et le Ministère public lancent alors une opération coordonnée ciblant le bâtiment, en raison de soupçons liés au trafic de drogue et à l’occupation illégale de logements. C’est au cours de cette action que le système frauduleux est repéré, presque fortuitement.
Pour Emilie Moeschler, les mécanismes de contrôle de son dicastère fonctionnent: contrôles mensuels au Centre social régional, vérifications sur documents, enquêtes déclenchées uniquement en cas de suspicion ou de dénonciation. Celles-ci, rappelle-t-elle, sont menées par des enquêteurs de la Ville mandatés selon les normes cantonales.
Elle justifie le fait que cette fraude ait été détectée par la Police et non par ses enquêteurs: «Elles et ils sont assermentés, mais n’ont de loin pas les mêmes possibilités que la Police pour mener leurs enquêtes ce qui était nécessaire dans ce cas de figure vu la complexité du système de fraude et la diversité des acteurs impliqués.» Une explication qui interroge, alors que cette fraude a perduré sept ans.
Des zones d'ombres persistantes
Les réponses de l’élue soulèvent de nouvelles questions: des contrôles ont-ils été menés ces sept dernières années auprès des bénéficiaires domiciliés à la rue de Genève 85? Les procédures ont-elles été appliquées avec suffisamment de rigueur? Comment un dispositif censé être solide a-t-il pu laisser filer une fraude de cette ampleur?
Interrogée par Blick, Emilie Moeschler se borne à rappeler que «l’enquête est encore en cours» et qu’elle ne peut «se prononcer sur ce qui la touche». Aucun détail supplémentaire ne sera donné.
Elle tient toutefois à saluer le travail de son département, affirmant que le système de contrôle et de sanction en place a contribué à réduire la fraude aux indemnités sociales depuis dix ans à Lausanne. Reste que le vaste système révélé ce matin par le Ministère public met à l’épreuve l’efficacité de ce dispositif.
Pendant sept ans, 41 personnes ont pu passer entre les mailles du filet sans que le Service social ne semble s’en alarmer. De nouvelles réponses pourraient venir du Conseil communal, via l’interpellation de Nicolas Hurni, ou à l’issue de l’enquête. Pour l’heure, les zones d’ombre demeurent.