L'initiative Service Citoyen soulève un enjeu crucial: le manque d’effectifs dans l’armée suisse. Depuis des années, celle-ci tire la sonnette d’alarme: «D’ici la fin de la décennie, il nous manquera un quart des soldats!», avertissait son chef, Thomas Süssli. La protection civile est, elle aussi, en difficulté.
L'initiative, sur laquelle la Suisse votera le 30 novembre, veut résoudre ce problème. Chacun et chacune doit apporter sa contribution là où elle est nécessaire. Mais surtout, les effectifs de l'armée et de la protection civile doivent être garantis.
Mais le manque de personnel ne s’explique pas uniquement par les départs vers le service civil. Le problème vient aussi de l’interne: même si elle crie à la pénurie, l’armée compte aujourd’hui trop de soldats, ses effectifs dépassant même la limite fixée par la loi.
Le Conseil fédéral ne veut pas réduire les effectifs
L’effectif théorique est fixé à 100'000 militaires, avec une limite maximale de 140'000. Or, on en compte actuellement 147'000. L’armée doit donc réduire ses rangs. Une démarche qui, ironie du sort, l’a déjà conduite à dépasser sa propre cible.
Pour revenir rapidement à une situation conforme à la loi, la durée de l’obligation de servir a été réduite de douze à dix ans. Résultat: davantage de classes d’âge sont libérées, faisant chuter les effectifs. La pénurie que redoute l’armée est donc, en partie, de son propre fait.
Le Conseil fédéral a toutefois décidé de mettre le pied sur le frein. Bien qu'elle dépasse la limite légale, il ne veut pas réduire la taille de l'armée. Alors que la guerre fait rage à l'Est, il estime qu'il n'est pas judicieux de libérer les soldats du service. Selon lui, ils sont nécessaires pour pouvoir garantir la capacité à durer lors d'engagements de longue durée.
A suivre en 2027
Mais il ne s'agit là que d'une solution intermédiaire. Depuis des années, le Département de la défense (DDPS) planche donc sur un nouveau modèle d'obligation de servir, sans résultat définitif à ce jour. Entre-temps, deux modèles ont été présentés: «l'obligation de servir dans la sécurité», qui consisterait à fusionner la protection civile et le service civil pour former les jeunes contre différents types de catastrophe, et «l'obligation de servir en fonction des besoins», où les femmes devraient également effectuer leur service.
La majorité bourgeoise du Parlement veut instaurer au plus vite l'obligation de service dans la sécurité. Mais en janvier, le Conseil fédéral a fermement rejeté ces deux propositions, ne soutenant pour l’instant qu’une journée d’information obligatoire pour les femmes. Le problème? Le budget. Pour ces deux projets, il faudrait investir environ 900 millions de francs dans des logements et des bâtiments d'instruction supplémentaires. Pour l'ensemble du Conseil fédéral, cela n'est «ni justifiable ni supportable».
La Défense doit trouver une solution
Et ce n'est pas tout. Outre les coûts directs, «des absences prolongées sur le marché du travail placeraient les entreprises devant de grands défis». Ce sont des réserves similaires que le Conseil fédéral exprime maintenant aussi contre l'initiative Service Citoyen.
Le Département de la défense doit désormais se remettre au travail: le Conseil fédéral lui a ordonné de présenter d’ici fin 2027 une nouvelle proposition sur la marche à suivre. Il faudra donc encore patienter avant de résoudre la pénurie de personnel qui se profile.