En réalité, l’initiative sur le Service citoyen n’a pratiquement aucune chance. Le Conseil fédéral la rejette fermement, le Parlement l’a clairement refusée et, parmi les grands partis, seuls les Vert’libéraux lui apportent leur soutien. Pourtant, le tableau n’est pas aussi tranché: dans chaque formation politique, des voix dissidentes se font entendre.
Daniel Jositsch
Ce n’est pas la première fois que Daniel Jositsch s’écarte de la ligne de son parti. Le conseiller aux Etats zurichois et sa plateforme de réforme s’opposent aussi à l’initiative de la Jeunesse socialiste sur l’impôt sur les successions, également soumise au vote le 30 novembre.
Mais la situation est différente concernant l’initiative sur le Service citoyen: elle a une «logique interne», a déclaré Daniel Jositsch lors d’une conférence de presse. «Ce n’est pas toujours le cas des projets politiques.» Selon lui, la perception des rôles de genre a évolué et l’effectif nécessaire à l’armée serait garanti par l’initiative.
Le conseiller aux Etats observe aussi un repli croissant sur soi. «Je ne reproche rien à personne, précise-t-il. Beaucoup pensent aujourd’hui qu’ils sont le centre du monde et que l’Etat est là pour leur faciliter la vie.»
Il cite l’exemple du fitness: il y a désormais plus de détenteurs d’un abonnement que de membres de clubs de gymnastique. «Dans un centre de fitness, j’ai tout ce que je veux, 24 heures sur 24, sept jours sur sept. Dans un club, je dois aussi m’engager.» Mais, rappelle-t-il, une société est une communauté: «Les crises et les défis à venir exigent que chacun contribue à cet Etat.»
Johanna Gapany
A droite aussi, certains élus se démarquent par leur dissidence. Mardi, le conseiller national PLR Heinz Theiler s’est exprimé contre l’initiative, affirmant qu’elle «dilue l’obligation de servir, surcharge les structures de l’armée et affaiblit la disponibilité militaire».
Deux jours plus tard, la conseillère aux Etats fribourgeoise Johanna Gapany s’est distinguée parmi les partisans, dans une vidéo où elle évoque les menaces hybrides, mais aussi les catastrophes naturelles et les cyberattaques. Selon elle, une bonne préparation renforce la sécurité de la population.
Charles Juillard
Un autre conseiller aux Etats qui défend une position différente de celle de son parti est Charles Juillard. Le Jurassien s’oppose à son collègue centriste Reto Nause, chef du camp du non. Le débat parlementaire est tombé à un moment particulier, explique Charles Juillard, ce qui l’a empêché de rallier la majorité. Il rappelle toutefois que l’initiative est née d’un mouvement citoyen: «Nous essayons maintenant de convaincre la population.»
Christine Badertscher
La conseillère nationale verte Christine Badertscher doit, elle, affronter son ancien président de parti, Balthasar Glättli. Ce dernier estime que l’initiative introduit une mesure coercitive et accroît le risque de dumping salarial. «Elle place enfin les hommes et les femmes sur un pied d’égalité sur le plan juridique. Cela aurait dû être fait depuis longtemps», rétorque Christine Badertscher lors de la conférence de presse.
Selon la Bernoise, il existe des dissidents à gauche comme à droite. Les arguments avancés contre l’initiative sont parfois «tirés par les cheveux», juge-t-elle. «Mais on constate aussi des soutiens dans chaque parti – ce n’est pas si fréquent.»
Un soutien initial
Pour l’instant, les partisans semblent bénéficier d’un léger élan. Selon un premier sondage Tamedia, l’initiative recueille 51% d’avis favorables, un score modeste mais significatif. Les hommes s’y montrent particulièrement favorables.
Reste à savoir si cet avantage tiendra jusqu’à la votation de fin novembre: le soutien aux initiatives tend en effet à s’effriter au fil des campagnes.