Actuellement, Berne n'est pas du tout en bons termes avec la ministre autrichienne des Affaires étrangères, Beate Meinl-Reisinger. Les autorités autrichiennes souhaitent en effet que le plus grand nombre possible de postes de l'ONU soit transféré de Genève à Vienne. La raison? L'organisation mondiale doit réduire de 20% ses coûts de personnel.
Selon les informations de Blick, l'Autriche a écrit à plusieurs sous-organisations des Nations unies à Genève et à New York pour défendre l'idée d'un transfert vers sa capitale. Notre voisin de l'Est serait même prêt à prendre en charge une partie des frais de personnel si des postes étaient déplacés à Vienne. Pour la Suisse, il s'agit d'un affront diplomatique.
«Prise de contrôle hostile»
Pendant des années, un «gentleman's agreement» a prévalu entre Vienne et Berne: Genève respecte le site onusien autrichien – en échange, Vienne n'essaie pas d'attirer les entités basées en Suisse. En coulisses, des diplomates helvétiques reprochent désormais aux Autrichiens une véritable «prise de contrôle hostile». La nervosité est d'autant plus grande depuis que l'on a appris que le Conseil des droits de l'homme de l'ONU pourrait transférer une partie de ses 900 employés de Genève à Vienne.
Mais l'Autriche n'est pas la seule à vouloir récupérer des emplois genevois. D'autres sites convoitent eux aussi des activités de l'ONU:
- Turin: Bien que les Etats membres de l'ONU n'aient pas de représentation permanente dans la ville, l'Organisation internationale du travail (OIT) envisage de transférer des dizaines d'emplois de Genève vers le Piémont. Les chiffres évoqués ont fluctué entre 300 postes, puis 100, puis de nouveau 300. Au Secrétariat d'Etat à l'économie (SECO), responsable des questions liées à l'OIT, l'offensive italienne agace.
- Rome: L'UNICEF a annoncé qu'environ 300 postes de son bureau genevois seraient transférés dans la capitale italienne afin de réduire les coûts face à la baisse de son financement.
- Lyon: Bien que le siège de l'OMS se trouve à Genève, l'organisation a déjà transféré le programme «WHO Academy, Health Workforce and Nursing» à Lyon. Depuis 2023, des formations en présentiel y sont organisées chaque année. Jusqu'à 16'000 professionnels de la santé y participent.
- Valence (Espagne): Le centre informatique de l'ONU (UNICC), basé à Genève, pourrait déplacer des postes vers Valence. Certains d'entre eux pourraient également être transférés depuis New York.
- Bonn: L'Allemagne a également soumis une proposition à l'OIT pour transférer une partie des activités des bords du Léman à ceux du Rhin.
- ONG: De nombreuses organisations non gouvernementales, confrontées à des difficultés financières, ont d'ores et déjà quitté Genève. La Commission internationale catholique des migrations, active auprès des migrants et des réfugiés, a déjà déménagé à Rome.
Le Département fédéral des affaires étrangères (DFAE) a protesté auprès des pays voisins contre ces manifestations de concurrence jugées déloyales. De son côté, diplomatie suisse travaille d'arrache-pied dans l'espoir d'éviter un exode massif de Genève.
Genève est chère, mais attractive
Pour ce faire, Berne mise sur un argument central: Genève est le deuxième plus grand site onusien au monde, avec 184 missions permanentes – un nombre bien supérieur à la plupart des autres lieux. Affaiblir Genève reviendrait à affaiblir le multilatéralisme. Un transfert peut sembler avantageux dans l'immédiat, mais il est rarement rentable à long terme.
Certes, Genève est plus chère que d'autres villes, mais la Suisse offre un système éducatif et sanitaire de haut niveau. A Nairobi (Kenya), par exemple, il faut investir massivement dans des services de sécurité privés, ce qui n'est pas nécessaire dans la Cité de Calvin.
«Les programmes d'austérité sont en cours. Il est trop tôt pour chiffrer les emplois menacés, explique l'ambassadeur suisse à l'ONU Jürg Lauber à Blick. Les délocalisations doivent permettre d'améliorer l'efficacité des organisations internationales à moyen et long terme et elles ne doivent pas répondre uniquement à une logique d'économies immédiates.»
Selon lui, multiplier excessivement les sites de l'ONU serait contre-productif, puisque cela entraînerait un morcellement et des doublons. «Presque tous les Etats membres sont représentés à Genève. C'est un atout décisif pour le site.»
«L'Autriche est attachée au gentleman's agreement»
De son côté l'Autriche dément toute opération hostile. «Vienne est l'un des sièges les moins coûteux des Nations unies, notamment parce que nous mettons les bâtiments à disposition pour une redevance minimale, parce que les coûts de subsistance et de sécurité sont plus faibles qu'ailleurs, et parce que les accords de siège prévoient des privilèges et immunités étendus», indique le ministère des Affaires étrangères.
Et d'ajouter: «Il n'y a pas de débauchage. Chaque siège met en avant ses propres atouts pour attirer et soutenir les organisations internationales. L'Autriche reste attachée au gentleman's agreement avec la Suisse.»