UBS ne veut pas déménager son siège hors de Suisse, a assuré ce 20 novembre le CEO, Sergio Ermotti lors d'un webcast, en réponse aux questions quant aux rumeurs de déménagement du siège aux Etats-Unis. Ces rumeurs, officiellement démenties par UBS, se font malgré tout insistantes ces derniers temps, notamment dans le «Financial Times» et le «New York Post» qui évoquent des contacts entre le management d'UBS et les autorités américaines.
Tout en niant ces velléités, la banque nuance, comme à chaque fois, d'un «mais». Face aux exigences réglementaires suisses, sa réponse est encore et toujours non. Ajouter 26 milliards de fonds propres supplémentaires au bilan, cela «ne nous convient pas», a répété Sergio Ermotti jeudi, ouvrant donc la porte au doute.
Un siège aux USA? Pas question
Face à ces incertitudes, des clients d'UBS se disent mécontents. L'un d'eux, basé à Genève, nous a parlé. Nous connaissons son identité, mais il souhaite garder l'anonymat pour lui et son entreprise en raison de ses nombreuses relations d'affaires.
«Nous sommes une PME sur Genève, qui opère à l'international, et notre unique banque d'affaires, c'est UBS. Notre banque est en Suisse, et on veut que cela reste ainsi. Je ne souhaite pas que les comptes de mon entreprise soient administrés par un siège aux USA. Sinon, j'aurais ouvert un compte chez JP Morgan.»
Ce patron se dit très déterminé. «Nous sommes de bons clients d'UBS, avec une importante trésorerie. Si UBS déplace son siège aux Etats-Unis, il est hors de question que je conserve mes comptes là-bas. Je clôture tout. Il y a d'autres banques en Suisse. Nous sommes nombreux à penser la même chose.»
Pour ce client, il n'est pas choquant en soi qu'UBS poursuive ses intérêts. «S'ils partent, c'est qu'ils auront fait leurs calculs. Le monde des affaires est ainsi fait. Tout va plus vite, tout s'est mondialisé. Donc cela, je ne le juge même pas. Libre à UBS de partir. Mais libre à moi de ne pas rester.»
Des clients inquiets qui s'interrogent
Il l'admet: changer de banque, pour une PME qui opère à l'international, ce n'est pas une mince affaire. «Il faudrait communiquer à tous les clients qu'on a une nouvelle banque, et remettre toute une sécurité en place, développe le patron. Ce n'est pas anodin. Pour une société qui ne travaille qu'en Suisse, ce serait plus simple, mais nous travaillons avec les Chinois, les Indiens, les Européens. Malgré cela, on le fera, s'ils le font.»
Il n'est pas le seul. «Plusieurs personnes fortunées sont choquées de la tournure des événements», témoigne de son côté Bryan Lo Giudice, le gérant de fortune indépendant qui s'était exprimé auprès de Blick au sujet des rumeurs de départ d'UBS. Il précise: «Ce sont les clients qui nous appellent, ce n'est pas nous qui posons la question.» Parmi eux, «certains se disent qu'il est temps de transférer leurs comptes vers d'autres banques. Ils me demandent quelle alternative je leur conseillerais», témoigne le gérant de fortune.
Pour ce financier genevois, qui avait travaillé chez UBS et Credit Suisse il y a quelques années, ce ne sont pas uniquement des clients de la gestion de fortune d'UBS qui seraient prêts à changer de banque, mais aussi des clients de la banque de détail.
Certains n'attendront pas
Si Monsieur et Madame tout le monde sont prêts à basculer vers la BCGE ou Raiffeisen, les gros clients internationaux, quant à eux, ont rarement des comptes auprès d'une seule banque.
«Pour ces clients, quand ils viennent en Suisse, ils s’attendent à avoir une banque suisse, sûre, un refuge pour leurs liquidités, souligne Bryan Lo Giudice. La clientèle ultra-riche a déjà une banque américaine en général. Or, si UBS devient une banque américaine, elle perdra sa fonction et deviendra redondante. A choisir entre UBS et une vraie banque américaine, c'est le compte UBS qui sera clôturé».
Si une partie des clients dont parle Bryan Lo Giudice attend que «ça bouge» avant de transférer son compte, une autre partie, qu'il estime à environ 30%, se dit qu'il faut le faire tout de suite.
Suissitude ou siège américain?
La banque pourrait-elle perdre plus d'avoirs de clientèle que les 26 milliards qu'elle refuse d'ajouter à son bilan? Bryan Lo Giudice n'en doute pas. «Ils risquent de perdre des actifs bien supérieurs à ce montant. On parle d’un groupe qui a construit sa réputation de gestion de fortune sur sa suissitude.»
UBS «voudrait les deux, selon le financier genevois, la suissitude et le siège américain, or ce n'est pas possible. Elle doit se rendre compte qu'elle ne sera jamais meilleure que les banques américaines».
Le plus grand tort de la banque suisse, selon lui? «En menant ces tractations, elle signale qu’elle ne considère plus que la sécurité est un élément qui attire les clients. Mais c'est tout le sens du 'S' de UBS. Les clients ne vont pas chez UBS parce qu’elle est plus douée que les autres, mais parce qu’elle est plus suisse. Contrairement à ce que pense le management d'UBS, augmenter leurs fonds propres est un argument de vente, un attrait de plus pour les clients.»
Ayant écouté le webcast de Sergio Ermotti du 20 novembre, l'analyste bancaire Andreas Venditti estime à «bien moins de 50%» les chances qu'UBS quitte la Suisse. «En réalité, le management d'UBS veut parvenir à une 'issue raisonnable' avec les autorités suisses, même si l'on ignore ce que ces termes recouvrent concrètement.»
Un déménagement prend des années
Pour l'analyste et directeur exécutif de la banque zurichoise Vontobel, le point le plus important, c'est que si la banque décidait de déménager son siège, «cela prendrait des années à UBS pour mener à bien cette opération complexe. Les clients auraient donc plusieurs années pour s'adapter à la situation», souligne Andreas Venditti.
Quant à juger le montant de capital exigé par Berne, l'analyste zurichois estime valable le calcul des autorités, tout comme il comprend les réticences d'UBS. «26 milliards de capital additionnel, cela représente un coût. La question est de savoir si cela ne serait pas encore plus coûteux pour la banque de quitter la Suisse, en termes de clients potentiellement perdus. C'est difficile à dire. Ce qui est sûr, c'est qu'un certain nombre de clients suisses, internationaux et moyen-orientaux voudront quitter la banque.»